v Proposition de règlement établissant un instrument du marché unique pour les situations d'urgence (COM (2022) 459)

Annoncée par la Commission en 2021, lors de la présentation de la révision de la stratégie industrielle de 2020 à la suite de la crise sanitaire, la proposition de règlement entend préparer l'UE à affronter de manière coordonnée de nouvelles crises, en veillant à assurer en pareil cas la libre circulation des biens, des services et des personnes ainsi que l'accès aux biens et services essentiels, dans l'intérêt des consommateurs et des entreprises de l'UE.

Fondée sur les articles 114 (marché intérieur), 21 (libre circulation des personnes) et 45 (libre circulation des travailleurs) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), l'architecture de gestion de crise pour le marché unique proposée repose sur trois outils : 

- un cadre pour la prévention des urgences,

- un cadre pour le mode « situation d'alerte »,

- un cadre pour le mode « situation d'urgence ».

· Gouvernance par la Commission européenne et un groupe consultatif réunissant les représentants des États membres

Chargé de conseiller la Commission sur les mesures destinées à prévenir les effets d'une menace de perturbation ou d'une crise affectant le marché unique, ou encore à y faire face, tout en assurant une coordination adaptée, le groupe consultatif contribuera ainsi à l'évaluation de l'ampleur de la menace ou de la crise et de la nécessité d'activer le mode d'alerte ou d'urgence pour le marché unique. Il analysera les informations pertinentes recueillies par les États membres, la Commission et les opérateurs économiques. La Commission pourra en outre convier, en qualité d'observateurs, un représentant du Parlement européen, des représentants des membres de l'EEE et des experts ainsi que des représentants des autres organes de crise de l'Union.

Chaque État membre devra désigner un bureau central national de liaison pour assurer la transmission d'informations et la coordination avec les autres États membres, centraliser les informations nationales pertinentes, en relation avec le bureau central de liaison de l'Union.

· Définition et effets d'une « crise » sur le marché intérieur

Définie comme « un évènement d'une nature et d'une ampleur exceptionnelles, inattendu et soudain, d'origine naturelle ou humaine, survenant à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union », une crise est susceptible d'avoir un double impact sur le marché intérieur : l'apparition d'obstacles à la liberté de circulation portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur notamment en raison de mesures nationales unilatérales, et l'amplification des pénuries de produits et services pertinents dans un marché fragmenté qui ne fonctionne pas. Il en résulte une rupture des chaînes d'approvisionnement et donc des difficultés pour les entreprises à obtenir, fournir ou vendre des biens et services. L'accès des consommateurs à des produits et des services clés pour le fonctionnement du marché intérieur dans des domaines stratégiques et qui ne peuvent être remplacés par d'autres, peut être interrompu et l'absence d'informations exacerber les conséquences de ces dysfonctionnements, en particulier pour les personnes dont la situation économique est fragile.

· Planification des mesures d'urgence

Le cadre de prévention des urgences permet à la Commission de prendre à tout moment des mesures pour préparer les crises éventuelles, et ce sans activation spécifique, en particulier l'élaboration de protocoles de crise et de communication de crise, et la mise en place de formations et de simulations. Des systèmes nationaux d'alerte rapide seraient par ailleurs mis en place pour signaler tout incident susceptible de perturber le fonctionnement du marché unique.

· Mode situation d'alerte

La Commission peut activer ce mode par un acte d'exécution, pour une durée maximale de 6 mois renouvelable une fois, après avis du groupe consultatif, en cas de menace de perturbation sérieuse de la fourniture de biens ou services d'importance stratégique et dès lors qu'une perturbation est susceptible de se traduire en urgence pour le marché unique.

Plusieurs mesures peuvent être prises dans ce cadre, en particulier le suivi par les autorités nationales compétentes des chaînes d'approvisionnement en biens et services d'importance stratégique concernés identifiés par la Commission et la constitution, par lesdites autorités, de réserves stratégiques.

La Commission peut demander aux États membres des informations sur leurs réserves et les inciter à coordonner leurs efforts. Si les réserves sont insuffisantes pour répondre aux besoins urgents, la Commission peut, après avis du groupe consultatif, recommander des priorités aux États membres.

· Mode situation d'urgence

La Commission peut proposer au Conseil d'activer ce mode par un acte d'exécution pour une durée limitée à 6 mois en cas de crise perturbant gravement la libre circulation ou les chaînes d'approvisionnement indispensables aux activités sociétales et économiques. Le texte définit neuf critères d'activation du mode urgence qui mesurent l'impact de la crise sur des opérateurs en matière de biens et services importants sans possibilité de substitution.

Les États membres doivent alors suivre un ensemble de principes pour faciliter, voire rétablir, la libre circulation des biens et services nécessaires en cas de crise. Il leur est en outre interdit, sauf mesure justifiée de dernier recours, d'adopter des mesures de restrictions spécifiques à la libre circulation de ces biens et services. Toute mesure nationale restrictive doit être préalablement notifiée à la Commission, qui en informe les autres États membres et examine sous dix jours sa compatibilité avec le droit européen. Les autres États membres peuvent formuler des observations.

Des points de contact nationaux uniques pour les citoyens et les entreprises doivent être mis en place et la Commission met en place un point de contact unique de l'Union.

À la demande des États membres, la Commission facilite le bon fonctionnement des appels d'offres publics de biens nécessaires en cas de crise. Elle peut en outre leur recommander de garantir la disponibilité des biens et services nécessaires en facilitant le développement ou la réaffectation des chaînes de production ou en accélérant l'autorisation de ces biens ou encore leur recommander, après consultation du groupe consultatif, de faciliter la distribution des réserves stratégiques de manière ciblée.

La Commission peut au surplus prendre des mesures d'exécution pour soutenir et renforcer la liberté de circulation des personnes, en particulier celles qui fournissent des services pertinents pour répondre à la crise (art. 18).

Elle peut en outre activer des mesures extraordinaires supplémentaires au moyen d'un nouvel acte d'exécution (« double activation »), en particulier pour contraindre les opérateurs économiques à lui transmettre des informations, les inviter à accepter des commandes prioritaires de produits nécessaires en cas de crise, voire exiger, sous peine d'amendes, qu'ils se conforment à ces demandes.

· Coordination des achats de biens et services

En situation d'alerte ou d'urgence, la Commission peut être mandatée par des États membres participants pour acheter pour leur compte des biens et services d'importance stratégique ou pertinents en cas de crise. En situation d'urgence, tout État membre qui envisage de lancer des appels d'offres sur de tels produits ou services doit en informer les autres États membres.

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La mise en place d'un cadre européen coordonné en cas de crise susceptible d'avoir ou ayant un impact sur le fonctionnement du marché intérieur et plus particulièrement la libre circulation des biens, des services et des personnes, s'inscrit dans la logique de préservation du marché intérieur au sein duquel les activités économiques sont profondément intégrées.

La Commission estime que la « boîte à outils » qu'elle propose, dans le cadre d'une compétence partagée, permet un équilibre qui assure le maintien du bon fonctionnement du marché intérieur en cas de crise et de la compétitivité économique européenne tout en respectant la souveraineté des États membres en particulier en matière de sécurité nationale. Les États membres interviennent ainsi directement dans l'activation des niveaux de gestion des crises et les mesures les plus contraignantes que peut décider la Commission.

Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir plus avant au titre de l'article 88-6 de la Constitution.