Annoncée dans le programme de travail de la Commission pour 2021 et la communication du 18 février 2021 relative au réexamen de la politique commerciale, cette proposition de règlement, publiée le 5 mai dernier lors de la présentation de la nouvelle stratégie industrielle actualisée, répond aux préoccupations formulées à plusieurs reprises, tant par le Conseil européen (plus particulièrement les Pays-Bas, la France, l'Allemagne, la Pologne et l'Italie) que par le Parlement européen. Assortie d'une analyse d'impact détaillée, elle fait suite à un livre blanc relatif à l'établissement de conditions de concurrence égales pour tous en ce qui concerne les subventions étrangères. Les subventions dont bénéficient certains opérateurs étrangers génèrent en effet des distorsions qui nuisent à l'égalité des conditions de concurrence, motif pour lequel le livre blanc propose de mettre en place de nouveaux instruments d'identification et de contrôle de ces subventions. Les options présentées dans ce document ont fait l'objet d'une consultation publique ouverte jusqu'en septembre 2020, suivie d'un processus de consultation des parties prenantes.
· Définition des subventions étrangères génératrices de distorsions de concurrence sur le marché intérieur
Sont visés les financements émanant d'un pays tiers (État, collectivités territoriales, entités publiques, voire privées), conférant un avantage à un acteur économique opérant sur le marché intérieur, quelle qu'en soit la forme (subventions, prise de participation, prêt à taux nul ou réduit, garantie de prêt, incitation fiscale, compensation, abandon de créances, achats de biens et services...), dont le montant excède 5 millions d'euros sur les trois dernières années.
Une distorsion sur le marché intérieur est établie lorsque la subvention a ou est susceptible d'avoir un effet négatif sur la concurrence au sein du marché intérieur. L'effet de la subvention est évalué sur la base d'indicateurs (montant, nature, situation du marché, niveau de l'activité économique du bénéficiaire sur le marché intérieur, objectifs et conditions de la subvention).
· Pouvoir général de contrôle de la Commission sur les subventions étrangères
La Commission peut procéder à un tel contrôle de sa propre initiative, lorsqu'un effet distorsif lui apparaît susceptible de résulter de subventions étrangères. À l'issue d'un premier examen, en cas de suspicion de concurrence faussée, elle peut ensuite décider de procéder à un examen approfondi. Elle peut également y procéder en cas de signalement par une partie prenante.
Dans tous les cas, la Commission examine la balance des coûts/bénéfices de la subvention en termes de distorsion de concurrence pour le développement de l'activité économique concernée et prend ces éléments en compte dans sa décision.
Pour remédier aux distorsions de concurrence constatées, la Commission peut imposer des mesures correctives structurelles ou comportementales ou encore accepter des engagements, notamment l'offre d'un accès non discriminatoire aux infrastructures acquises, la réduction de la présence sur le marché, la renonciation à certains investissements, le remboursement de la subvention, des cessions d'actifs, voire une scission.
Elle peut en outre adopter des mesures conservatoires, demander des informations, procéder à des enquêtes au sein de l'UE, voire dans un État tiers, sous réserve de l'accord de l'entreprise et après en avoir informé le gouvernement dudit État. Elle peut également prendre des mesures en cas de non-coopération, y compris des amendes et des astreintes.
· Obligation de notifier à la Commission les subventions étrangères en cas de concentration
Les subventions étrangères perçues doivent être notifiées à la Commission si l'une des entreprises concernées par l'opération est établie dans l'UE et réalise un chiffre d'affaires supérieur à 500 millions d'euros, et si la fusion en soi, ou une des entreprises impliquées, a reçu une contribution excédant 50 millions d'euros de la part de pays tiers au cours des trois années précédentes.
La notification doit être faite préalablement à la réalisation de l'opération, laquelle ne peut intervenir, sauf dérogation, tant que la Commission n'a pas finalisé son premier examen ou, le cas échéant, son examen approfondi. À l'issue d'une enquête approfondie, la Commission peut interdire l'opération ou accepter des engagements pour remédier aux effets de distorsion. Le non-respect de ces obligations est passible d'amendes et d'astreintes. Si l'opération n'a pas été notifiée, la Commission peut en outre l'examiner a posteriori.
· La déclaration au pouvoir adjudicateur des subventions perçues par les entreprises soumissionnaires dans le cadre des appels d'offres
Pour toute procédure de marché public d'un montant supérieur à 250 millions d'euros, les entreprises candidates (ou le groupe d'entreprises concernées y compris leurs principaux cocontractants et fournisseurs) doivent déclarer au pouvoir adjudicateur, au moment du dépôt de l'offre, toute aide financière étrangère perçue au cours des trois dernières années.
Le pouvoir adjudicateur doit sans délai transmettre cette notification à la Commission, qui peut alors procéder à un premier contrôle, suivi, le cas échéant, d'une enquête approfondie. La procédure d'attribution du marché n'est pas suspendue mais celui-ci ne peut pas être attribué jusqu'à la décision de la Commission, sauf si celle-ci n'intervient pas sous 200 jours.
La Commission peut accepter des engagements proposés par l'entreprise candidate si ceux-ci suppriment effectivement et complètement l'effet distorsif sur le marché intérieur. Dans le cas contraire, elle interdit l'attribution du marché à cette entreprise. Le non-respect de leurs obligations d'information par les entreprises concernées est passible d'amendes et d'astreintes.
· Un domaine de compétence exclusive et un objectif de bon fonctionnement du marché intérieur
En se fondant sur l'article 207(2) du TFUE, qui concerne la politique commerciale, la Commission rattache la proposition de règlement à un champ de compétence exclusive de l'UE, même si l'objectif est celui que vise l'article 114 en matière de bon fonctionnement du marché intérieur.
Comme en matière de contrôle des aides d'État octroyées par les États membres, il est proposé que la Commission exerce un rôle central en la matière afin de garantir une application uniforme dans l'ensemble de l'UE. Elle sera assistée par un comité consultatif, chargé de lui donner un avis sur les nombreux actes d'exécution destinés à préciser les modalités de déroulement des procédures attachées aux différents outils prévus. Par ailleurs, des actes délégués pourront ultérieurement revoir les seuils et les délais, et exempter certaines entreprises des obligations de notification.
Les obligations de notification des subventions étrangères s'appliquent sans préjudice du contrôle des concentrations régi par le règlement n°139/2004. Certaines de ces opérations relèvent à ce titre directement de la compétence de la Commission mais en deçà de certains seuils ou lorsque l'opération ne concerne pas plusieurs États membres, c'est aux autorités nationales de concurrence qu'il revient alors de statuer.
Une articulation est par ailleurs prévue avec le règlement (UE) 2016/1035 sur la protection contre les importations de produits bénéficiant de subventions étrangères, celui-ci prévalant sauf en cas de marché public ou de concentration. Il en est de même pour le transport aérien.
Les obligations nationales de transmission d'informations en vertu du règlement (UE) 2019/452 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'UE, dont le traitement n'est pas centralisé, restent applicables sans préjudice du nouveau règlement.
La proposition de règlement rappelle enfin la prévalence des engagements internationaux qui comportent des clauses sur les subventions.
Compte tenu de ces observations, cette proposition de règlement ne semble pas porter atteinte au principe de subsidiarité.
Le groupe de travail sur la subsidiarité a donc décidé de ne pas intervenir sur ce texte au titre de l'article 88-6 de la Constitution.