LUNDI 28 JUIN 1999
Présidence de M. Laurent FABIUS
La séance est ouverte à 9 heures 30.
OUVERTURE DE LA SESSION DU CONGRES
M. LE PRESIDENT donne lecture de la lettre de M. le Président de la République convoquant le Parlement en Congrès.
MODIFICATION DU REGLEMENT DU CONGRES
M. LE PRESIDENT - L'ordre du jour appelle d'abord le vote sur la proposition de résolution présentée par le Bureau du Congrès tendant à modifier les articles 16 et 17 du Règlement. L'objet de cette réforme, qui a fait l'objet d'un consensus, est de permettre d'accélérer les scrutins publics.
A l'issue d'un vote à main levée, la proposition de résolution est adoptée.
M. LE PRESIDENT - Conformément à l'article 61 de la Constitution, cette résolution va être immédiatement transmise au Conseil constitutionnel. Si elle est déclarée conforme à la Constitution, elle sera applicable pour le vote sur le projet de loi constitutionnelle qui suit.
COUR PENALE INTERNATIONALE
M. le PRÉSIDENT - L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi constitutionnelle insérant au titre VI de la Constitution un article 53-2 et relatif à la Cour pénale internationale.
M. JOSPIN, Premier Ministre (Applaudissements) - Cette révision de la Constitution permettra à la France de ratifier le Traité adopté à Rome le 18 juillet 1998. Sur le long chemin de la lutte contre l'impunité, nous abordons aujourd'hui une étape décisive. Le procès de Nuremberg a marqué la naissance d'un nouveau droit international, mais la Cour criminelle internationale permanente envisagée dès 1948 n'a pu voir le jour dans un monde divisé en deux blocs. Finalement, deux tribunaux ont été constitués : l'un en 1993, pour l'ex-Yougoslavie, l'autre en 1994 pour le Rwanda.
Aujourd'hui, cinquante ans après la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le temps est venu pour la Communauté internationale de créer une institution dont elle a besoin. A Rome, il y a presque un an, 120 pays ont décidé de se doter d'une cour pénale internationale, à caractère permanent et à vocation universelle, afin de concourir à la prévention de nouveaux crimes.
La cour pénale internationale n'a pas pour objet de décharger les Etats de leurs propres responsabilités ; elle ne se substitue pas aux juridictions nationales, mais les supplée. La Cour s'intègre dans l'ordre juridique mondial : le Conseil de Sécurité peut ouvrir les poursuites ou les suspendre.
Dans ce progrès historique du Droit, des Français ont joué un rôle considérable. Dès 1928, l'association internationale de droit pénal présentait à la Société Des Nations un projet tendant à créer une chambre internationale auprès du Tribunal de La Haye ; c'est la France qui, à l'initiative de M. Badinter, a été à l'origine de la création du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie. Et, tout au long de la Conférence de Rome, la France a joué un rôle prééminent.
Notre pays doit continuer à montre l'exemple. Le Gouvernement souhaite donc procéder dans les meilleurs délais à la ratification de la Convention de Rome qui entrera en vigueur lorsque 60 Etats l'auront adoptée. Le Conseil Constitutionnel a estimé que le statut de la CPI était en contradiction, sur trois points, avec notre Constitution, notamment en ce qui concerne l'exercice de notre souveraineté nationale. Ces obstacles demeurent néanmoins limités.
Il vous est donc proposé de compléter le titre VI de la Constitution par un article 53-2. L'Assemblée Nationale, le 6 avril, puis le Sénat, le 9 avril, ont adopté à la quasi unanimité cette modification de la Constitution. En le votant, vous contribuerez à l'avènement d'un nouvel ordre juridique international pour que l'outrage à la conscience humaine reçoive sa sanction. (Applaudissements).
M. le PRÉSIDENT - Je vais donner la parole aux représentants des groupes pour expliquer leurs votes ; ils ne seront pas sanctionnés s'ils n'utilisent pas la totalité de leur temps de parole. (Sourires).
M. WILTZER - Le projet de révision constitutionnelle revêt une importance majeure dans l'histoire du droit et le développement d'une conscience morale universelle, c'est pourquoi les députés UDF sont heureux d'apporter leur contribution à cette démarche.
Nous nous réjouissons particulièrement du rôle joué par la France dans l'élaboration de cette convention. Nous espérons que les 60 ratifications qui conditionnent la création de la Cour seront rapidement réunies. La communauté des Etats francophones, qui regroupe 50 Etats, manifestera-t-elle une volonté commune ? Cette dernière pourrait se concrétiser dès la semaine prochaine, au Canada.
Quant à la France, qui se veut la patrie des droits de l'homme, nous sommes fiers qu'elle veuille être un des premiers pays à ratifier la Convention.
L'histoire de l'humanité a été marquée par des massacres et des déportations. Si le XXe siècle a donné à ces crimes une ampleur sans précédent, il a aussi vu l'émergence d'une prise de conscience universelle. La création d'une CPI s'inscrit dans cette évolution. Ainsi aboutissent enfin les longs efforts de juristes, d'hommes politiques et de diplomates pour fonder un ordre international nouveau, voulu notamment par Donnedieu de Vabres et Pella. La nouvelle juridiction aura pour but de poursuivre les responsables des crimes et génocides ; mieux encore, ces crimes, commis lors d'un conflit interne, seront traités de la même manière : les futurs Milosevic ne seront plus à l'abri de la justice. C'est la fin du sinistre principe " charbonnier est maître chez lui ". La création de la CPI marquera un progrès moral considérable : les principes du droit finissent toujours par s'imposer.
Certes, la convention n'est pas parfaite ; elle porte la marque de divers compromis, elle comporte des lacunes et défauts : le crime d'agression sera défini ultérieurement, les Etats signataires pourront récuser la compétence de la cour ; le Conseil de sécurité des Nations Unies pourra suspendre une enquête. On a déploré de compter parmi les sept pays qui ont refusé ce tribunal les Etats-Unis, la Chine, le Vietnam, Israël et l'Inde. Le mouvement de ratification dans le monde doit les entraîner. Mais combien de bienfaits apportera la Convention : la reconnaissance des victimes, la complémentarité de la CPI et des juridictions pénales nationales, dans le respect de la souveraineté des Etats.
La nouvelle juridiction constitue une étape importante et réaliste dans l'élaboration d'un nouvel ordre international. Nous voterons le projet constitutionnel avec la volonté de faire reculer
M. BADINTER - (Applaudisssements) Cette révision revêt une importance exceptionnelle, non en raison de l'article introduit dans la Constitution, et qui répond à une décision du Conseil constitutionnel, mais à cause du Traité de Rome qui a créé une cour pénale internationale chargée de juger le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre.
Le siècle nouveau devait être celui de la paix, de la justice, du progrès : les génocides arménien, juif, tzigane, cambodgien et rwandais ont précédé la purification ethnique dans l'ex-Yougoslavie. Entre les promesses de l'aube et le bilan, Auschwitz restera le symbole du XXème siècle.
Une prise de conscience universelle s'est pourtant fait jour : il n'est pas admissible que les grands responsables des crimes contre l'humanité échappent au châtiment. L'exigence de justice repose au coeur de tous les êtres humains. Il ne peut y avoir de paix durable sans justice. La paix doit d'abord être assurée dans les coeurs : le châtiment des grands criminels apaise une tension des victimes et libère les peuples d'une culpabilité collective. Ainsi le procès de Nuremberg a-t-il favorisé la naissance d'une autre Europe. Mais la leçon avait été oubliée et la guerre froide interdisait la création d'une cour pénale internationale. L'effondrement de l'Union soviétique et la tragédie de l'ex-Yougoslavie ont changé la situation.
En 1992, nous n'étions qu'une poignée à soutenir qu'il était insupportable que des crimes contre l'humanité au vu et au su de l'opinion mondiale restent impunis. Les réalistes préféraient se préoccuper des accords de paix. L'exigence que justice soit faite l'a emporté. Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie a été créé en 1993, le tribunal pour le Rwanda en 1995. Des criminels ont été arrêtés - peu, il est vrai-, des condamnations ont été prononcées. Les crimes commis au Kosovo peuvent être poursuivis. Milosevic est inculpé de crimes contre l'humanité, stigmatisé à la face du monde. Avec les siens, il se croît à l'abri en Serbie, mais ses crimes sont imprescriptibles et les appuis internationaux sont inconstants : les criminels seront un jour traduits en justice ; encore faut-il que tous les Etats de l'Alliance fassent preuve de fermeté.
La justice ne peut se satisfaire de tribunaux had hoc créés, a posteriori ; les considérations de politique internationale l'emportent toujours. La résolution qui a créé en 1993 le TPI. Serait-elle encore votée par le conseil de sécurité ? La Russie et la Chine n'opposeraient pas leur veto ? Et seule une juridiction pérenne est dissuasive.
La création de la CPI constitue une avancée considérable. Cent-vingt Etats ont voté le Traité, malheureusement pas les Etats-Unis d'Amérique et la Chine. Nous nous réjouissons du rôle important joué à Rome par la France. Nous souhaitons qu'elle ne se prévale pas de l'article 124 du Traité qui permet de refuser pendant sept ans la compétence de la cour pour juger les crimes de ses nationaux. C'est aux Etats qu'il appartient en premier lieu de juger ceux qui ont été dénoncés pour des crimes. La justice française aurait à juger ses ressortissants, mais la France n'a rien à redouter de cette cour, et son autorité morale ne sortirait pas grandie d'une telle réserve.
Nous attendons d'abord de la France qu'elle invite les autres Etats à ratifier ce Traité -60 ratifications sont nécessaires-, car la Cour ne pourra connaître que des crimes commis après cette ratification : les crimes commis demain hors l'ex-Yougoslavie pourraient ne pas être poursuivis. Félicitons-nous que la France soit au premier rang avec l'Italie.
Ensuite, nous souhaitons que la CPI dispose de moyens assurés. La carence des grandes puissances à se saisir de criminels identifiés en Bosnie a été désastreuse : les responsables serbes n'ont pas eu à mesurer les risques personnels qu'ils auraient pu courir.
Que justice soit enfin rendue aux victimes, que les massacreurs et les violeurs soient punis, telle est la portée du vote que le Congrès va émettre. Aucune voix socialiste, et nous l'espérons, aucune voix du Congrès, ne fera défaut. (Applaudissements).
M. OTHILY - Je songe aux paradoxes de l'histoire contemporaine : le XXe siècle aura commencé et fini par la guerre dans les Balkans : entre-temps, auront eu lieu tant de massacres et tant de combats pour la liberté. La vilenie des uns donne la mesure de la grandeur des autres : Barbie appelle Jean Moulin. Est-il illusoire, pour le prochain siècle, de rêver à une paix générale et durable ? La création de la CPI s'inscrit dans ce paradoxe.
L'existence d'une telle juridiction révèle un profond scepticisme : nous ne pouvons empêcher les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre.
La communauté internationale doit cependant se doter des outils indispensables ; cette juridiction sera malgré tout dissuasive. La force de la CPI résidera aussi dans son caractère permanent : l'expérience du tribunal pour l'ex-Yougoslavie le prouve. Milosevic peut être aujourd'hui poursuivi pour le Kosovo. Aucun criminel ne pourra faire échec aux poursuites : c'est un message d'espoir des sociétés démocratiques aux populations victimes de despotes.
On ne peut cependant masquer des déceptions. Les démocraties anciennes, sauf les Etats-Unis, ont signé le protocole ; de nombreux Etats, qui auraient pu autrefois justifier la compétence de la Cour, ont signé. Il est cependant à déplorer que la Chine n'ait pas souhaité s'associer au mouvement en faveur des droits de l'Homme. Le refus de celle-ci et des Etats-Unis est une faiblesse du système, et leur droit de veto entrave une protection universelle.
Les révisions constitutionnelles sont fréquentes depuis quelques années. Ne faudrait-il pas adopter une nouvelle loi fondamentale ? Quarante ans se sont écoulés depuis 1958.
Ne faut-il pas envisager une nouvelle Constitution ? Mais les sénateurs du RDSE unanimes voteront cette révision (Applaudissements).
M. GOULARD - On peut regretter les lacunes et les imperfections de cette Cour pénale. Elle n'en constitue pas moins un événement historique, une étape majeure dans l'émergence du droit pénal international, dans la mesure où grâce à elle s'affirme la supériorité du droit.
Jusqu'ici, le droit pénal international est resté le droit des vainqueurs, ou a relevé des décisions du Conseil de sécurité, comme pour le Rwanda et l'ex-Yougoslavie.
Désormais, l'humanité disposera d'une Cour permanente chargée de poursuivre et de punir les crimes les plus graves : les Droits de l'Homme l'emportent sur le pouvoir souverain des Etats et les libéraux que nous sommes ne peuvent que saluer ce progrès.
Mais cette ratification tient aussi son importance de l'existence d'Etats respectueux du droit et n'aurait pas été possible avant la fin du monde bipolaire de la guerre froide. Le monde a changé de visage, même si l'on ne peut pas exclure la permanence de motivations de pouvoir. La justice est devenue un objectif partagé ; l'intervention au Kosovo en a donné pour la première fois une illustration : les démocraties sont intervenues pour faire cesser des crimes barbares qui auraient relevé de cette nouvelle Cour.
Cette intervention s'est faite en dehors des Nations Unies, signe d'un affaiblissement et d'une inadaptation de cette institution, et notamment du Conseil de Sécurité où siège avec droit de veto un Etat encore totalitaire.
L'article 124 est, à cet égard, le plus contestable. Mais le temps viendra corriger ces imperfections.
Le groupe DL a souhaité une ratification de ce traité. La formule proposée par le Gouvernement pour la modification de la Constitution recueille notre approbation. Mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision, a rappelé des principes importants, et notamment il a admis l'existence d'une telle Cour et écarté le principe de réciprocité dans ces domaines, ce qui revient à admettre, au-dessus des Etats, une loi morale supérieure.
Ce traité révèle un nouvel ordre du monde, régi par la supériorité du droit : certes, le règne du droit n'est ni complet, ni définitif. Mais ne refusons pas cet espoir, pour le siècle prochain : puisse-t-il être celui des droits de l'Homme ! (Applaudissements).
M. VIDALIES - Qui se rappelle les Arméniens ? C'est en ces termes qu'Hitler rassurait ses généraux...
La justice humaine ne peut trouver son compte à un tel cynisme. " La fin justifie les moyens " disait Machiavel, et ce réalisme a, pourtant, gouverné le monde. Pourtant, les efforts des juristes ont permis d'envisager la création d'une Cour pénale internationale dès la fin de la guerre de 45. Ce n'est pourtant qu'en 1989 que les Nations Unies ont accepté ce principe, qui traduit l'idée d'une conscience morale universelle.
Le statut de Rome pose le principe de la compétence de la Cour, quand elle est saisie par le Conseil de Sécurité en cas de carence des Etats.
Le Conseil Constitutionnel, le 22 janvier 1999, a relevé des difficultés constitutionnelles auxquelles il était difficile de répondre point par point, et le Gouvernement a préféré une formule générale pour permettre cette ratification. Mais on ne peut que s'interroger sur la non-ratification par certains Etats. Les Etats-Unis n'auraient accepté qu'à condition qu'ils puissent disposer d'un droit de véto. Or, le Traité de Rome rompt avec la logique du droit des vainqueurs, celle des tribunaux ad hoc : pourquoi un tribunal pour le Rwanda et pas pour le Soudan ? La Cour, elle, jugera non des pays, mais des individus, quels qu'ils soient, et on a vu la force de dissuasion de ce principe en Serbie.
Certes, Guillaume II, après la guerre de 14-18, devait être traduit devant un tribunal international... Mais ne cédons pas au découragement. Pensons aux victimes, à tous ceux qui, pour une fois, pourront se faire entendre !
Les bourreaux ne resteront pas impunis !
La France, en ratifiant cette Cour, réaffirme son engagement sans préalable en faveur du droit international : elle demeure ainsi fidèle à son histoire et à ses valeurs.
Le groupe socialiste votera la modification constitutionnelle. (Applaudissements).
M. HAMEL - Vous abandonnez la souveraineté nationale !
M. FISCHER - Cette ratification montre l'attachement de la France à la justice internationale. Mais quel décalage entre le 50e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les actes barbares que l'on constate encore aujourd'hui ! Les peuples demandent l'arrêt de la violence et réclament justice.
Aussi, approuvons-nous la création de cette Cour.
Certes, on ne peut que déplorer certaines lenteurs, mais quel long chemin parcouru depuis un siècle, même si trop peu d'Etats ont adhéré au statut de Rome. Les ONG auront un rôle important dans la mise en évidence des crimes, mais la responsabilité des Etats doit être préservée. Si 120 Etats à Rome ont voté pour ce statut, sept ont voté contre, la ratification elle-même prend du retard : les 60 signatures nécessaires n'ont pas encore été recueillies.
Le processus sera long. Les TPI de 1993 et de 1994 ont constitué un progrès, mais ils disposent de moyens encore dérisoires, et ne peuvent suppléer un règlement politique : la paix ne s'oppose pas à la justice, mais celle-ci ne saurait s'y substituer : il ne faut pas déroger à ce principe.
Les crimes contre l'humanité et les génocides sont clairement définissables, mais la notion de crime de guerre est plus floue. Nous estimons cependant que toute armée doit être responsable de ses actes. De nouvelles négociations seront engagées sur ce point. Nous approuvons la volonté du Gouvernement de provoquer un effet d'entraînement.
La CPI est-elle un abandon de souveraineté nationale ? On aurait pu le croire dans un premier temps, mais il n'en sera rien car les poursuites ne seront engagées qu'après consultation des Nations Unies qui sont attachées à leur statut de superpuissance. Nous souhaitons renforcer les pouvoirs de l'Assemblée Générale.
C'est dans ce contexte difficile que nous approuvons résolument la démarche du Gouvernement. Nous voterons donc cette réforme de la Constitution. (Applaudissements).
M. GELARD - La signature du Traité de Rome instituant la CPI est sans doute la décision la plus importante en matière de droits de l'Homme depuis la Déclaration. Faire en sorte que les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité puissent être poursuivis et que les dictateurs ne puissent plus dormir sur leurs deux oreilles est non seulement réconfortant, mais exaltant ! La France ne pouvait rester à l'écart de ce mouvement.
Je me félicite que pour la première fois il y ait une définition internationale des crimes les
plus graves, même si le texte n'est pas parfait et si la rédaction française relève surtout du Franglais...
Ce Traité n'est qu'une ébauche du Code pénal international. Il faudra, un jour, rédiger ce Code et il faudra adapter notre propre Code pénal ainsi que nos textes sur la Cour de Justice et la Haute Cour.
Certains s'inquiètent du rôle du procureur qui sera à terme, l'homme le plus puissant du monde... Heureusement que des liens l'unissent aux Nations Unies. Un jour, il faudra une convention internationale pour régler le problème du statut des chefs d'Etat en déplacement hors de leur pays
Il faut, enfin, en finir avec ces révisions à répétition de la Constitution. L'essentiel devrait être le débat sur le Traité lui-même. Il faudra moderniser notre système ! Pourquoi ne pas adopter un alinéa supplémentaire à l'article 54 qui prévoirait qu'une loi organique - un référendum - suffit pour ratifier un traité international ?
Le groupe RPR du Sénat, dans sa très grande majorité, ratifiera cette révision. (Applaudissements)
M. Jacques LARCHE - A l'aube de l'ère chrétienne, un Kabyle, citoyen de Rome et père de l'Eglise, affirmait que les hommes aspiraient à la paix. Est-ce vers ce but, que nous nous dirigeons ? Alors que s'achève ce millénaire, nous aboutissons à cette cour pénale internationale. Malgré le souhait de beaucoup, Guillaume II n'avait pu être jugé. Quant aux trois tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, leur portée fut limitée, car il avait été décidé qu'il n'y aurait pas de réciprocité ; sur ces procès planaient l'ombre de Katyn, d'autres déportations, d'autres génocides...
L'existence de la CPI est née du refus d'un certain nombre de crimes que la société internationale considère comme étant d'une gravité particulière.
La ratification du Traité implique une limitation de la souveraineté de l'Etat. Et peut-il être jugé par le tribunal d'un autre ? L'adoption d'un code pénal international ne nous pose aucun problème.
Il n'est pas anodin que ce vote intervienne alors que ce siècle qui s'était ouvert sur des espoirs de paix et de progrès s'achève après avoir été marqué par la violence jusqu'à son terme. J'ai le sentiment que nous adressons un message à tous ceux qui ont donné leur vie pour la paix afin de leur dire que leur sacrifice n'aura pas été inutile. Mais la cour pénale ne peut suffire à faire disparaître les crimes... Les origines de ces crimes viennent des déséquilibres de notre monde et, aussi, de certaines conceptions que nous voudrions voir disparaître.
Il importe que la France rectifie rapidement ce traité. Notre vote démontrera la claire
volonté du Parlement français d'approuver la création de cette cour. Peut-être contribuerons-nous à faire du XXIème siècle un siècle de paix et de justice : c'est dans cet esprit que le groupe des républicains et indépendants du Sénat votera cette modification de la Constitution. (Applaudissements)
M. HYEST - Nous sommes réunis pour permettre la ratification de la cour pénale internationale et je crois qu'il y aura quasiment l'unanimité, ce qui n'avait pas été le cas pour Maastricht. Le Conseil constitutionnel estime que la CPI ne porte pas atteinte à la souveraineté nationale. (M. Hamel le regrette)
Nous estimons que la France doit ratifier ce traité dans l'élaboration duquel elle a joué un rôle majeur.
Les juges seront nommés pour neuf ans, ce qui est une garantie d'indépendance (M. le Président du Sénat approuve). Cette CPI va constituer un progrès considérable par rapport aux actuels tribunaux internationaux ad hoc. Il aura fallu la multiplication des crimes contre l'humanité pour que l'opinion internationale se révolte et exige la condamnation des auteurs de ces crimes. J'espère que la France sera un des premiers pays à ratifier ce traité.
Notre pays devra continuer à oeuvrer pour la paix. Je me réjouis que le Congrès nous permette d'affirmer solennellement notre volonté de faire respecter les droits de l'Homme sur notre planète (Applaudissements).
M. ASENSI - L'aspiration à la justice touche l'humanité entière. A l'aube du XXIe siècle, la communauté universelle ne peut plus accepter les traitements de faveurs dont bénéficient certains tyrans ! Les députés communistes accepteront la création de la CPI et la révision de la Constitution.
L'indépendance de la Cour est essentielle. Depuis 1945, les hommes réfléchissent à une Cour internationale ; la France a joué un rôle prépondérant dans l'élaboration de cette Cour. Nombre de ses caractéristiques sont toutefois contestables : règle des sept ans, saisine de la Cour, inféodation au Conseil de Sécurité... Aujourd'hui, cet organe sert plus les intérêts de certaines grandes puissances que ceux de l'humanité et s'arroge des pouvoirs qui le transforment en gendarme du monde.
La création de la CPI pose la question de l'évolution de l'ONU : sa transformation en super-Etat va à l'encontre des objectifs de la Charte ! Les Etats-Unis voulaient même accorder aux membres du Conseil de Sécurité un droit de veto dans la CPI, ce qui leur aurait permis de juger des bons et des mauvais dictateurs.
Nul ne parle de poursuivre les responsables du génocide kurde (Applaudissements) de la
dictature indonésienne, de la sinisation forcée du Tibet ou du génocide cambodgien. Quant à Baby Doc, il coule des jours heureux en France !
Construire l'avenir commence par la redéfinition de nouvelles règles de vie pour l'humanité. Heureusement, nous ne sommes pas à la fin de l'histoire ; cela constitue une bonne nouvelle pour les peuples ! (Applaudissements).
. M. HASCOET - Cette révision de la Constitution est fondamentale pour les Verts : l'histoire nous a montré comment les droits de l'Homme ont été bafoués... Certains regrettent qu'un droit supra-national puisse s'imposer aux droits nationaux.
M. HAMEL - Oui !
M. HASCOET - Cette ratification va nous amener à reconsidérer notre attitude et à refuser d'invoquer la raison d'Etat pour accepter certaines situations...
Oui, la création de la CPI nous oblige à accompagner la démocratisation dans de nombreux pays, et c'est tant mieux ! La CPI ne doit pas devenir la chambre d'enregistrement et de banalisation du mal ; pour cela, il faut agir plus en avant : on le voit bien au Kosovo !
Oui, la création de la CPI nous oblige à réfléchir à la prévention des conflits.
Oui, la création de la CPI nous fait obligation de contribuer au recul du totalitarisme sous toutes ses formes. Chaque pays a son rôle à jouer, mais le XXIème siècle ne sera pas celui des Etats nations nés au XIXème siècle. Nous vous avons écrit, Monsieur le Premier ministre, sur le recours à l'article 124 ; nous aurions préféré que la France ne donne pas un tel signal...
Nous voterons cette révision qui marque le début d'une ère nouvelle (Applaudissements).
M. WARSMANN (Applaudissements) - 1948 - 1998 : il aura fallu deux générations pour que l'humanité se donne les moyens de lutter contre les crimes les plus graves. La CPI sera une cour universelle ne jugeant pas les Etats, mais les individus : il s'agit surtout de dissuader les criminels.
Ce projet de création d'une CPI mérite-t-il d'être soutenu ? Les députés du RPR répondent par l'affirmative. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ont permis la naissance d'un nouveau droit qui s'est concrétisé en 1951 par la convention sur les génocides. La CPI pourra s'appuyer sur un autre acquis : les tribunaux ad hoc créés en 1993 et 1994 dont la grande force vient de disposer d'un pouvoir d'auto-saisine et de fonctionner hors contrôle des Etats concernés. Leurs compétences sont toutefois limitées dans le temps et l'espace.
Le statut de la CPI en tire les conséquences, mais la Cour ne pourra se substituer à la justice d'un Etat.
Seconde question : la révision de la Constitution est-elle opportune ? Dans sa décision de janvier 1999, le Conseil Constitutionnel a relevé que le Traité de Rome portait trois atteintes à l'exercice de la souveraineté.
M. HAMEL - Inadmissible !
M. WARSMANN - Devant ces contradictions, l'attitude du Parlement doit être mesurée : il ne faut pas modifier la Constitution par souci d'affichage ou d'opportunité politique ! Néanmoins, comme il n'existe pas d'autre solution juridique, la modification de la révision est indispensable.
La création d'une CPI constitue un progrès incontestable ; je souhaite que le plus de parlementaires possible votent cette révision : la France doit être exemplaire. La CPI créée, les parlementaires devront rester vigilants pour que le XXIe siècle ne reproduise pas les horreurs du XXe siècle et que la paix et la justice progressent dans le monde. (Applaudissements).
DECISION DU CONSEL CONSTITUTIONNEL
M. le PRÉSIDENT - Le Conseil Constitutionnel vient de me faire savoir que la réforme du Règlement du Congrès n'est pas contraire à la Constitution. (On sourit).
Lors de sa réunion du 23 juin, le Bureau du Congrès a décidé d'appliquer immédiatement cette réforme.
En conséquence, le scrutin public aura lieu dans huit bureaux de votes installés sur le pourtour de l'hémicycle. Les résultats du scrutin seront rendus publics dans 45 minutes.
Le scrutin est ouvert à midi.
La séance, suspendue à midi, reprend à midi quarante.
M. le PRÉSIDENT - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants : 864
Suffrages exprimés : 864
Majorité requise : 519
Pour : 858
Contre : 6
Le Congrès a adopté. (Applaudissements).
Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.
La séance est levée à midi quarante-cinq.