Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025

Direction de la Séance

N°749

14 novembre 2024

(1ère lecture)

(n° 129 , 138 , 130)


AMENDEMENT

C
G  

présenté par

Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 19

Après l’article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l’article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Avant le 15 septembre de chaque année, le comité communique aux présidents des commissions permanentes du Parlement saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour chacune des spécialités pharmaceutiques qui sont inscrites sur les listes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 162-17 et aux articles L. 162-22-7 et L. 162-23-6 et dont le montant pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale au cours de l’année précédente excède 20 millions d’euros : 

« 1° Le montant des remboursements des trois années précédentes, au titre de chacune des listes, les prix ou les tarifs de responsabilité ainsi que les modalités de leurs évolutions tels que stipulés par les conventions conclues entre le comité et l’exploitant ;

« 2° Le montant des remises stipulées par ces conventions en application des articles L. 162-18, L. 162-18-1, L. 162-18-2 et L. 162-22-7-1 ;

« 3° Le cas échéant, le nombre, les montants, les conditions et les échéances des versements prévus en application du C du V de l’article L. 162-16-6. »

Objet

Le rapport annuel du Comité économique des produits de santé (CEPS) comporte des informations synthétiques sur les détails des remboursements de médicaments et sur les remises versées chaque année à l’assurance maladie.

Toutefois, le détail des conventions de prix liant le CEPS aux entreprises exploitant les médicaments n’est pas connu. Notamment, pas les stipulations relatives aux évolutions de prix ou aux remises.

Or, dans la ligne de l’accord-cadre conclu entre le CEPS et l’industrie en mars 2021, le paragraphe V de l’article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale, introduit par l’article 54 de la loi n°2022-1616 du 23 décembre 2022, ouvre la possibilité d’un fractionnement des paiements de certaines thérapies innovantes au lieu d’un paiement unique concomitant au traitement. Cette faculté d’échelonner les paiements revêt sans doute un intérêt, d’une part pour éviter un impact budgétaire concentré sur les deux ou trois premières années de prescription du traitement et d’autre part, pour faciliter la mise en place de contrats dits de « performance » ou de « gestion de l’incertitude » autres que ceux consistant à « payer d’abord » pour « voir » ensuite les résultats.

Les risques inhérents au fractionnement des paiements si un tel système venait à être mis en place un jour, sont majeurs :

- d’une part, cette faculté pourrait rendre acceptable des prix très élevés, plus supportables puisque non acquittés immédiatement, et provoquer une inflation des coûts de traitement, dont l’ensemble de l’Europe supporterait d’ailleurs les conséquences ;

- d’autre part, une telle faculté pourrait offrir à un Gouvernement peu soucieux des intérêts de long terme la possibilité de renvoyer la responsabilité et la charge du paiement des traitements aux Gouvernements qui lui succéderaient.

Par ailleurs, on constate une forte concentration des dépenses de médicaments. Le rapport du CEPS pour 2022 indique que 11 médicaments concentrent presque de la moitié des remises produits reversés à l’assurance maladie, s’est à dire la moitié d’une somme de plus de 5,9 milliards d’euros en 2022. Si le rapport du CEPS ne donne pas de détail, les experts de la commission santé des Ecologistes indiquent que le chiffre d’affaires des 10 premières spécialités les plus remboursées par l’assurance maladie, en prix fabricant hors taxe ou en tarif de responsabilité hors taxe, dépasserait 6 milliards d’euros. Parmi ces spécialités le Keytruda®, commercialisé en Europe par MSD, dépasserait largement le milliard d’euros.

Face à ces enjeux financiers considérables et aux risques d’abus ou de dérives, un contrôle renforcé du Parlement s’impose pour s’assurer du respect de l’intérêt public.

Ce contrôle s’impose d’autant plus que la Cour des comptes, dans un rapport publié le 29 octobre 2024, a souligné à nouveau la fragilité du CEPS dont les ressources humaines restent insuffisantes et les procédures inadaptées.

La transmission aux présidents des seules commissions compétentes permettra le respect du secret des affaires garanti par les articles L. 151-1 et suivants du code de commerce. Il appartiendra aux présidents de chaque commission d’assurer un traitement de ces informations dans le cadre des lois et règlements.