Projet de loi Souveraineté alimentaire et agricole
commission des affaires économiques
N°COM-640
4 décembre 2024
(1ère lecture)
(n° 639 )
AMENDEMENT
présenté par
M. ANGLARS
au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable
ARTICLE 14
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Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« La gestion et la protection des haies
« Art. L. 412-21. I. – Au sens de la présente section, une haie est une unité linéaire de végétation d’une largeur maximale de vingt mètres qui comprend au moins deux éléments parmi les trois suivants :
« 1° Des arbustes ;
« 2° Des arbres ;
« 3° D’autres ligneux.
« II. – La valeur des haies est reconnue pour les services écosystémiques qu’elles rendent.
« L’entretien des haies vise l’objectif d’une gestion durable, afin de maintenir leur multifonctionnalité agronomique, écologique et paysagère dans l’espace et dans le temps.
« Cette gestion inclut les travaux d’entretien usuels et permet la valorisation économique des produits de la haie. Ces travaux ne sont pas assimilables à la destruction de haie au sens de l’article L. 412-24.
« III. – La destruction d’une haie s’entend de sa suppression définitive, notamment par arrachage ou par coupe conduisant à sa disparition.
« Art. L. 412-22. – I. – En s’appuyant sur les données publiques disponibles et après avis des organisations représentatives agricoles et des associations représentatives d’élus locaux, l’autorité administrative compétente dans le département procède à un inventaire des protections législatives et réglementaires applicables aux haies. Cet inventaire se décline sous forme cartographique, selon des modalités définies par décret.
« Dans la réalisation de cet inventaire, il est tenu compte :
« 1° Des différences de services écosystémiques rendus par les haies en fonction de leurs caractéristiques ;
« 2° Des typologies de haies en fonction de leur intérêt écologique ;
« 3° Des us et coutumes reconnus de manière constante sur le territoire du département ;
« 4° Des évolutions constatées du linéaire des haies à partir des données publiques disponibles ;
« 5° Du bon usage des deniers publics, s’agissant des haies ayant bénéficié de financements publics pour leur plantation ou leur gestion.
« II. – L’autorité administrative compétente dans le département met gratuitement à la disposition du public l’inventaire cartographique des protections applicables aux haies sur le territoire et s’assure de son actualisation.
« Lors de la mutation d’une parcelle à usage agricole ou du changement des parties d’un bail rural, l’acquéreur ou le preneur à bail est informé de la présence de protections applicables aux haies implantées sur la ou les parcelles concernées.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe le degré de précision de la cartographie et les écarts d’interprétation susceptibles d’exister entre plusieurs départements limitrophes.
« Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités de mise à disposition du public de l’inventaire.
« Art. L. 412-23. – Il est instauré, dans chaque département, un guichet unique pour la simplification administrative relative aux haies au sein des services déconcentrés de l’État.
« Art. L. 412-24. – I. – Lorsque l’inventaire départemental mentionné à l’article L. 412-22 établit qu’une haie fait l’objet d’une protection particulière, toute personne projetant de détruire tout ou partie de cette haie soumet une déclaration unique préalable auprès du guichet unique mentionné à l’article L 412-23. Les haies implantées sur une place ou en bordure de bâtiments à usage artisanal ou industriel, qui constituent l’enceinte d’un jardin ou d’un parc attenants à une habitation ou qui se situent à l’intérieur de cette enceinte ne sont pas soumises à ce régime.
« II. – Dans un délai d’un mois, l’autorité administrative peut s’opposer à la destruction projetée. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai. Le silence ou l’absence d’opposition au terme de ce délai valent absence d’opposition au titre des législations ou règlementations applicables au projet.
« III. – Dans le délai prévu au II, l’autorité administrative compétente dans le département indique à l’auteur de la déclaration si la mise en œuvre de son projet est subordonnée ou non à l’obtention d’une autorisation unique en vertu d’une législation ou d’une réglementation particulière.
« Le cas échéant, l’autorité administrative demande à l’auteur de la déclaration la transmission d’éléments complémentaires et l’informe du délai dans lequel sa décision est prise.
« Les règles de consultation du public applicables à l’autorisation unique se substituent aux règles de consultation prévues par les législations applicables à la haie.
« IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités et les conditions de la déclaration unique prévue au II et de l’autorisation unique prévue au III. Il détermine également les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des destructions de haie pour assurer la sécurité des personnes et des biens, ainsi que l’intégrité des réseaux et des infrastructures de transport, pour exécuter une obligation légale ou réglementaire ou en cas d’urgence. »
« Art. L. 412-25. – I. – Lorsqu’une destruction de haie est subordonnée à des mesures de compensation prévues par la loi ou le règlement, ces mesures sont réalisées par replantation d’un linéaire auquel s’applique un coefficient. Ce coefficient est fixé par l’autorité administrative compétente, après avis des organisations représentatives agricoles et des associations représentatives d’élus locaux, à partir des données de l’inventaire mentionné à l’article L. 412-22, en tenant compte de l’évolution passée du linéaire et de l’état des haies dans le département.
« L’autorité administrative compétente peut prévoir que le demandeur est tenu de solliciter un conseil avant les opérations de destruction de haie.
« II. – Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’absence d’opposition à la déclaration unique prévue au II de l’article L. 412-24, en l’absence d’opposition ou en violation d’une mesure de retrait de cette absence d’opposition est puni de l’amende prévue pour les contraventions de troisième classe.
« Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’autorisation unique prévue au III de l’article L. 412-24, sans avoir obtenu cette autorisation unique ou en violation d’une mesure de retrait de cette autorisation unique est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe.
2° Le I de l’article L. 181-2 est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° Absence d’opposition à la déclaration ou à l’autorisation unique de destruction de haies prévues à l’article L. 412-24 du présent code. » ;
3° Le II de l’article L. 181-3 est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Le respect des conditions de non-opposition à la déclaration unique ou de délivrance de l’autorisation unique préalables à la destruction de haies prévues à l’article L. 412-24 du présent code, lorsque l’autorisation environnementale tient lieu de cette déclaration ou de cette autorisation. » ;
4° L’article L. 411-1 est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Sans préjudice du I, une période d’interdiction de travaux sur les haies est fixée dans chaque département par l’autorité administrative compétente, après avis des organisations représentatives agricoles et des associations représentatives d’élus locaux, en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification ainsi que des spécificités et conditions climatiques et pédologiques du département. » ;
II. – L’inventaire départementalisé des protections applicables à la haie et sa déclinaison cartographique mentionnés à l’article L. 412-22 du code de l’environnement sont réalisés dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi. Les articles L. 412-23 à L. 412-25 du code de l’environnement entrent en vigueur dès lors que cet inventaire est réalisé.
Objet
Les haies constituent un « irritant » agricole récurrent, c’est la raison pour laquelle le rapporteur pour avis a fait le choix de promouvoir un régime juridique unifié et cohérent de la haie selon deux axes, simplification et lisibilité juridique.
Le présent amendement est le fruit des réflexions du rapporteur pour avis afin d’apporter une réponse concrète à la forte demande de simplification exprimée par le monde agricole. L’article 14 issu des travaux de l’Assemblée nationale se caractérisant par une forte complexité et une unification perfectible du régime juridique de la haie, le présent amendement procède à une rédaction globale de l’article 14.
En premier lieu, il est apparu opportun de préciser ce qu’il convient d’entendre par le terme « haie », qui ne fait actuellement l’objet d’aucune définition de valeur législative, au sein d’un nouvel article L. 412-21 du code de l’environnement. Le présent amendement propose ainsi une définition analogue à celle de la PAC, fondée sur une unité linéaire de moins de 20 mètres de large composée d’au moins deux éléments parmi trois (arbustes, arbres et autres ligneux). Grâce à ce choix définitionnel générique, la variabilité historique et géographique peut être prise en compte par l’inventaire départemental prévu ci-après. En outre, l’article vise un objectif de gestion durable pour l'entretien des haies. L’article définit enfin ce que signifie la destruction d’une haie.
En second lieu, un nouvel article L. 412-22 introduit le principe d’un inventaire départemental des haies, qui recense l’ensemble des protections législatives et réglementaires dont font l’objet les haies. Cet inventaire, élaboré par le préfet de département dans le cadre d’une démarche qui associe les agriculteurs et les élus locaux, permet de tenir compte des services écosystémiques rendus par les haies, de leur intérêt écologique, des us et coutumes, de l’évolution des linéaires constatée sur le temps long et des haies qui ont bénéficié d’aides publiques pour leur plantation et leur entretien. Cet inventaire est mis à la disposition du public sous forme cartographique, afin de faciliter sa lisibilité à l’échelle de la parcelle. L’autorité administrative s’assure de la mise à jour de cet inventaire, afin que les protections répertoriées soient actualisées et portées à la connaissance du public : une protection ne figurant pas dans l’inventaire ne saurait ainsi être opposable.
Le présent amendement instaure également, à un nouvel article L. 421-23, un guichet unique pour la simplification administrative relative aux haies au sein des services déconcentrés de l’État, point d’entrée unique pour les gestionnaires et les porteurs de projet devant procéder à une destruction de haie, afin d’internaliser la complexité administrative et faciliter les démarches des demandeurs. Ce guichet aurait vocation à centraliser à l’échelle du département les demandes de destruction de haie, à informer le demandeur des législations et réglementations applicables à son projet et lui permettre de suivre l’instruction de sa demande.
L’article L. 421-24 instaure un régime de déclaration unique préalable auprès du guichet unique pour toute personne projetant de détruire une haie faisant l’objet d’une protection, à l’exclusion des haies implantées sur une place, autour de bâtiments économiques, constituant l’enceinte d’un jardin ou attenant à une habitation. Cette procédure simplifiée s’applique à l’ensemble des régimes de protection existants plutôt qu’à la liste, restrictive et de ce fait nécessairement incomplète, des régimes énumérés à l’article 14 issu des travaux de l’Assemblée nationale. L’administration dispose d’un délai d’un mois pour s’opposer à la destruction projetée, pendant lequel les travaux ne peuvent débuter. Au terme de ce délai, le principe selon lequel le silence vaut acceptation s’applique. L’administration indique à l’auteur de la déclaration si la mise en œuvre de son projet requiert une autorisation unique en vertu du régime de protection applicable au cas d’espèce. La responsabilité de l’application des règles serait donc désormais à la charge de l’administration et n’incomberait plus au demandeur. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, ainsi que les cas particuliers dans lesquels il peut être procédé à une destruction de haie pour assurer la sécurité, la sûreté ainsi que les cas d’urgence.
L’article L. 421-25 précise que des mesures de compensation s’appliquent dans les seuls cas où elles sont expressément prévues par une législation ou une réglementation particulière. Celles-ci sont réalisées par replantation d’un linéaire affecté d’un coefficient, fixé par le préfet de département à partir des données de l’inventaire cartographié des protections applicables aux haies et en tenant compte de l’évolution passée du linéaire et de l’état des haies dans le département, afin de ne pas pénaliser les départements « vertueux » qui ont beaucoup replanté. Ce même article instaure également un régime de sanction distinct selon les situations : une amende prévue pour les contraventions de 3e classe pour les destructions de haie intervenues sans avoir obtenu l’absence d’opposition ou en cas de retrait par l’administration de cette opposition et une amende prévue pour les contraventions de 5e classe en cas de non-obtention de l’autorisation unique ou du retrait de cette autorisation.
Le présent amendement prévoit également que la période d’interdiction de travaux sur les haies durant la nidification des espèces à enjeu est fixée dans chaque département par le préfet, après avis des représentants agricoles et des élus locaux, afin de tenir compte des conditions climatiques et pédologiques propres à chaque département.
Il prévoit enfin que l’inventaire départemental doit être réalisé sous un délai de deux ans et que les dispositions prévues aux articles L. 412-23 à L. 412-35 n’entrent en vigueur qu’une fois l’inventaire réalisé et mis à disposition du public.