Projet de loi Souveraineté alimentaire et agricole

commission des affaires économiques

N°COM-404 rect.

20 janvier 2025

(1ère lecture)

(n° 639 )


AMENDEMENT

Adopté

présenté par

MM. DUPLOMB et MENONVILLE, rapporteurs


ARTICLE 14

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Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« La protection et la gestion durable des haies

« Art. L. 412-21. – I. – Sauf disposition spéciale, une haie est une unité linéaire de végétation d’une largeur maximale de vingt mètres qui comprend au moins deux éléments parmi les trois suivants :

« 1° Des arbustes ;

« 2° Des arbres ;

« 3° D’autres ligneux.

« Sont régies par la présente section les haies, à l’exclusion des allées d’arbres et des alignements d’arbres au sens de l’article L. 350-3, qu’ils bordent ou non des voies ouvertes ou non à la circulation publique, et à l’exclusion des haies implantées en bordure de bâtiments ou sur une place, qui constituent l’enceinte d’un jardin ou d’un parc attenants à une habitation ou qui se situent à l’intérieur de cette enceinte.

« II. – La valeur des haies est reconnue pour les services écosystémiques qu’elles rendent.

« Elles font l’objet d’une gestion durable, maintenant leur multifonctionnalité agronomique, écologique et paysagère dans l’espace et dans le temps.

« Cette gestion durable inclut les travaux d’entretien usuels et permet la valorisation économique des produits de la haie, notamment la biomasse. En tout état de cause, ces travaux ne sont pas assimilables à la destruction de haie au sens de l’article L. 412-24.

« Les gestionnaires de voirie, d’infrastructures ferroviaires, d’infrastructures de communications électroniques et de réseaux de distribution publique d’électricité mettent en œuvre un plan d’action pour atteindre l’objectif de gestion durable des haies.

« III. – Toute destruction de haie ayant bénéficié de financements publics pour sa plantation doit respecter les prescriptions de L. 114-3 du code rural et de la pêche maritime s’agissant du bon usage des deniers publics.

« Art. L. 412-22. – I. – Tout projet de destruction d’une haie mentionnée à l’article L. 412-21 est soumis à déclaration unique préalable.

« Dans le cas où la destruction de la haie est soumise à déclaration en application d’une ou de plusieurs des législations mentionnées à l’article L. 412-24, la déclaration unique en tient lieu. Le projet est apprécié au regard des critères et des règles prévus par ces législations.

« Dans un délai de deux mois, l’autorité administrative peut s’opposer à la destruction projetée. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai. Le silence ou l’absence d’opposition de l’administration vaut absence d’opposition au titre des législations applicables au projet.

« II. – Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’absence d’opposition à la déclaration unique prévue au I, sans avoir obtenu cette absence d’opposition ou en violation d’une mesure de retrait de cette absence d’opposition est puni de l’amende prévue pour les contraventions de deuxième classe.

« Art. L. 412-23. – I. – Dans le délai de deux mois, l’autorité administrative compétente peut indiquer à l’auteur de la déclaration que la mise en œuvre de son projet est subordonnée à l’obtention d’une autorisation unique, lorsqu’une des législations énumérées à l’article L. 412-24 soumet la destruction de la haie concernée à une autorisation préalable.

« Elle l’informe que sa déclaration est regardée comme une demande d’autorisation unique, lui demande, le cas échéant, la transmission des éléments complémentaires nécessaires à l’instruction de cette demande et lui indique le délai dans lequel la décision est prise. Les travaux ne peuvent commencer avant la délivrance de cette autorisation unique.

« L’autorisation unique tient lieu des déclarations, des absences d’opposition, des dérogations et des autorisations énumérées à l’article L. 412-24, lorsque le projet de destruction de haie les nécessite.

« La demande d’autorisation est appréciée au regard des critères et des règles propres aux législations énumérées à l’article L. 412-24 qui lui sont applicables. La décision d’autorisation est soumise à participation du public selon les modalités prévues à l’article L. 123-19 lorsqu’elle a une incidence directe et significative sur l’environnement.

« Les règles de procédure et de consultation applicables à l’autorisation unique se substituent aux règles de procédure et de consultation prévues par le présent code et les autres législations pour la délivrance des décisions énumérées à l’article L. 412-24.

« II. – Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’autorisation unique prévue au I, sans avoir obtenu cette autorisation unique ou en violation d’une mesure de retrait de cette autorisation unique est puni de l’amende prévue pour les contraventions de quatrième classe.

« Art. L. 412-24. – Les déclarations, les absences d’opposition, les dérogations et les autorisations au titre des législations applicables au projet de destruction de haie mentionnées aux deux derniers alinéas de l’article L. 412-22 et au troisième alinéa de l’article L. 412-23 sont les suivantes :

« 1° La dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application des 4° et 7° du I de l’article L. 411-2 ;

« 2° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 ;

« 3° L’autorisation ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux de consolidation ou de protection des berges comportant une destruction de la ripisylve, en application de l’article L. 214-3 ;

« 4° L’autorisation spéciale de modifier l’état ou l’aspect de territoires classés en réserve naturelle ou en instance de classement, en application des articles L. 332-6 ou L. 332-9, lorsqu’elle est délivrée par l’État ou lorsque l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ;

« 5° L’autorisation spéciale de modifier l’état des lieux ou l’aspect d’un site classé ou en instance de classement en application des articles L. 341-7 et L. 341-10 ;

« 6° L’autorisation ou l’absence d’opposition à une déclaration de travaux dans le périmètre de protection d’une source d’eau minérale naturelle déclarée d’intérêt public, en application de l’article L. 1322-4 du code de la santé publique ;

« 7° L’autorisation délivrée en application de l’article L. 1321-2 du même code pour la protection des haies dans le cadre des périmètres de captage d’eau potable ;

« 8° L’autorisation de destruction d’une haie bénéficiant de la protection prévue à l’article L. 126-3 du code rural et de la pêche maritime ;

« 9° L’absence d’opposition à une déclaration préalable prévue, en application de l’article L. 421-4 du code de l’urbanisme, pour les travaux portant sur des éléments classés en application de l’article L. 113-1 du même code ou identifiés comme présentant un intérêt en application des articles L. 111-22, L. 151-19 et L. 151-23 dudit code lorsque la décision sur cette déclaration préalable est prise au nom de l’État ou lorsque l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ;

« 10° L’absence d’opposition à une déclaration préalable ou l’autorisation prévue dans le cadre d’un régime d’aide publique en cas de destruction de haie, notamment au titre de la mise en œuvre des bonnes conditions agricoles et environnementales, à laquelle est subordonné le paiement des aides de la politique agricole commune ;

« 11° L’autorisation spéciale des travaux aux abords des monuments historiques en application de l’article L. 621-32 du code du patrimoine ;  

« 12° L’autorisation spéciale des travaux dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables en application de l’article L. 632-1 du même code ; 

« 13° La déclaration préalable des travaux sur les sites inscrits, en application du dernier alinéa de l’article L. 341-1 du présent code.

« Le présent article ne s’applique pas dans les cas, prévus à l’article L. 425-1 du code de l’urbanisme, où un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou une décision prise sur une déclaration préalable, autre que celles mentionnées au 9° du présent article, tient lieu de l’une des décisions énumérées au présent article.

« Art. L. 412-25. – Toute destruction de haie est subordonnée à des mesures de compensation par replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit, réalisées dans les conditions prévues à l’article L. 163-1.

« L’autorité administrative compétente peut fixer toute autre prescription nécessaire au respect des intérêts protégés par les législations énumérées à l’article L. 412-24.

« Elle peut prévoir que le demandeur doit solliciter un conseil avant les opérations de destruction et de replantation.

« S’il apparaît que le respect des intérêts mentionnés au deuxième alinéa du présent article n’est pas assuré par l’exécution des prescriptions préalablement édictées, l’autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire à cet effet.

« Art. L. 412-26. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente section. Il précise notamment :

« 1° Les modalités et les conditions de la déclaration unique prévue à l’article L. 412-22 et de l’autorisation unique prévue à l’article L. 412-23 ;

« 2° Les conditions dans lesquelles la destruction d’une haie fait l’objet des mesures de compensation mentionnées au premier alinéa de l’article L. 412-25. Il prévoit une application territorialisée des mesures de compensation ;

« 3° Les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la destruction d’une haie en cas d’urgence, notamment pour assurer la sécurité et l’intégrité des personnes et des biens. »

« Art. L. 412-27. – I. –  Dans chaque département, en s’appuyant sur les données publiques disponibles, en particulier de l’Observatoire de la haie, et après avis des organisations représentatives agricoles et des associations représentatives d’élus locaux, l’autorité administrative compétente prend un arrêté qui établit pour le département :

« 1° Une période d’interdiction de travaux sur les haies, en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification ainsi que des spécificités et conditions climatiques et pédologiques du département ou des zones concernées ;

« 2° Un coefficient de compensation en cas de destruction de haie en application du décret prévu au 2° de l’article L. 412-26. Ce coefficient tient compte, notamment, de la densité de haie dans le département, de la dynamique historique de destruction ou de progression du linéaire de haie et de la valeur écologique des haies détruites en fonction d’une typologie de haies définie par un arrêté des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture ;

« 3° Une liste des us et coutumes réputés répondre, de manière constante sur le territoire du département, aux obligations de gestion durable définies à l’article L. 412-21.

« Art. 412-28. – I. – À titre informatif, l’autorité administrative compétente dans le département met à la disposition du public, en ligne, une cartographie régulièrement mise à jour des protections législatives ou réglementaires applicables aux haies, à une échelle géographique fine.

« II. – Lors de la mutation d’une parcelle à usage agricole ou du changement des parties d’un bail rural, l’acquéreur ou le preneur à bail est informé de la présence de protections applicables aux haies implantées sur la ou les parcelles concernées.

« III. – Un décret en Conseil d’État établit des prescriptions encadrant le degré de précision de la cartographie mentionnée au I et, le cas échéant, les écarts d’interprétation entre plusieurs départements limitrophes.

2° Le I de l’article L. 181-2 est complété par un 19° ainsi rédigé :

« 19° Absence d’opposition à la déclaration ou à l’autorisation unique de destruction de haies prévues aux articles L. 412-22 et L. 412-23 du présent code. » ;

3° Le II de l’article L. 181-3 est complété par un 14° ainsi rédigé :

« 14° Le respect des conditions de non opposition à la déclaration unique ou de délivrance de l’autorisation unique préalables à la destruction de haies prévues aux articles L. 412-22 et L. 412-23 du présent code, lorsque l’autorisation environnementale tient lieu de cette déclaration ou de cette autorisation. » ;

II. – La cartographie des protections législatives et réglementaires applicables à la haie dans chaque département mentionné à l'article L. 412-28 du présent article est réalisé dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

Objet

Cet amendement approfondit la logique de l’article 14, qui apporte une sécurisation juridique sous réserve d’avoir procédé à une déclaration unique préalable pour toute destruction de haies et d’attendre un éventuel accord de l’administration pendant une période de deux mois. Il vise à pousser au bout la logique d’« internalisation » de la complexité juridique par l’administration esquissée par cet article.

L’amendement apporte ainsi six principales modifications au texte issu de l’Assemblée nationale :

1) Le rétablissement d’une définition plus explicite, moins sujette à interprétation et plus générale de la haie, plus proche de celle de la PAC (applicable également aux particuliers et aux collectivités), qui est la mieux connue du monde rural (art. L. 412-21). Cette définition, qui exclut les alignements d’arbres sans strate arbustive, a une visée pédagogique et vise à rassembler le plus largement possible autour d’une définition.

2) La haie est soumise au principe de gestion durable, dont les principes sont définis au regard des us et coutumes reconnus de manière constante dans le département, et il est précisé que les travaux usuels ne sont pas assimilés à de la destruction de haies. Les destructions de haie pour la sécurité et l’intégrité des personnes et des biens sont par ailleurs possibles, en cas d’urgence. En revanche, il est rappelé que les destructions de haies ayant fait l’objet de financements publics pour leur financement doivent donner lieu à remboursement desdites sommes.

3) L’amendement reprend la procédure de déclaration et d’autorisation uniques préalables prévue par le Gouvernement (L. 412-22 et L. 412-23). Cette procédure administrative a pour fin de « couvrir » les demandeurs au regard des sanctions pénales, par coordination avec l’article 13 du projet de loi qui présume la « non-intentionnalité » des atteintes à l’environnement dans le cas où les formalités ont été respectées, écartant de ce fait les peines infâmantes. Il établit le délai dans lequel l’administration est censée répondre à deux mois, au lieu du « délai défini par un décret en Conseil d’État », afin de garantir que la procédure soit rapide.

4) En cas de non-respect de la procédure de déclaration ou d’autorisation uniques préalables, l’amendement prévoit l’application d’un régime de sanction moins sévère que celui adopté à l’Assemblée nationale, et mieux proportionné (150 € ou 450 € de contravention selon les cas – contre 75 000 € ou 100 000 € dans le texte proposé initialement par le Gouvernement) (art. L. 412-25).

En lieu et place d’une compensation uniforme pour toute destruction de haie prévue par le Gouvernement et maintenue dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, l’amendement prévoit des coefficients pouvant varier par département en fonction de l’intérêt écologique d’une haie par typologie de haies et spécificités historiques des territoires, afin notamment de ne pas pénaliser les « bons élèves » des années passées.

5) A des fins de pédagogie et de clarté de la loi, l’amendement prévoit que le préfet de département fixe une date d’interdiction de la taille des haies, face à un vide juridique aujourd’hui pénalisant pour les acteurs, les règles de la PAC étant appliquées dans le cadre des contrôles quand bien même elles ne devraient pas l’être.

6) L’amendement prévoit enfin la mise à disposition, en ligne, d’ici à deux ans, d’une cartographie des protections réglementaires et législatives applicables aux haies (art. L. 412-22), par les directions départementales des territoires, sous l’autorité du préfet, à titre informatif. Ce faisant, les rapporteurs entendent appuyer des démarches telles que celle entreprise par le ministère de la transition écologique au travers de la plateforme EnvErgo (la règlementation environnementale pour les projets de construction et d’aménagement). Ce faisant, il permet à la fois une réflexion de l’administration sur sa doctrine d’application de la réglementation en vigueur, une clarification et une amélioration de la transparence et du porter-à-connaissance de cette réglementation pour les acteurs censés la respecter, pour plus de sécurité juridique.