Projet de loi Souveraineté alimentaire et agricole
commission des affaires économiques
N°COM-343
6 juin 2024
(1ère lecture)
(n° 639 )
AMENDEMENT
présenté par
MM. DUPLOMB et MENONVILLE, rapporteurs
ARTICLE 1ER
Consulter le texte de l'article ^
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le livre préliminaire du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au début, sont insérés deux articles L. 1 A et L. 1 B ainsi rédigés :
« Art. L. 1 A. – La souveraineté alimentaire est un intérêt fondamental de la Nation au sens de l’article 410-1 du code pénal. À ce titre, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur.
« Art. L. 1 B. – Les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l’agriculture, la pêche et l’aquaculture respectent le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire selon lequel la protection du potentiel agricole de la Nation ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »
2° L’article L. 1 est ainsi modifié :
a) Au début, il est ajouté un I A ainsi rédigé :
« I A. – La politique en faveur de la souveraineté alimentaire figurant à l’article L. 1 A a pour priorités :
« 1° D’assurer la pérennité et l’attractivité de l’agriculture ainsi que le renouvellement de ses générations d’actifs ;
« 2° D’assurer un haut niveau de compétitivité de l’agriculture ;
« 3° De soutenir la recherche et l’innovation notamment pour permettre l’adaptation de l’agriculture au changement climatique ;
« 4° D’assurer la juste rémunération des actifs en agriculture.
« En matière d’agriculture, les normes règlementaires ne peuvent aller au-delà des exigences minimales des normes européennes, sauf lorsqu’elles sont motivées et évaluées avant leur adoption, et dès lors qu’elles ne sont pas susceptibles d’engendrer une situation de concurrence déloyale.
« La France tire le plein parti des règles européennes en matière d’agriculture, en particulier dans le cadre de la politique agricole commune.
« Six mois avant le début des négociations du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne, le Gouvernement transmet pour avis un rapport aux commissions compétentes du Parlement présentant une programmation pluriannuelle de l’agriculture française pour les sept années couvrant le prochain cadre financier.
« Ce rapport détermine notamment des objectifs de production par filière et la stratégie mise en œuvre pour atteindre ces objectifs.
« Annuellement, le Gouvernement publie des données de production par filière permettant d’apprécier l’évolution de leur trajectoire de production.
« S’il est constaté pendant deux années consécutives un écart important entre la trajectoire de production observée de certaines filières et la trajectoire déterminée par la programmation pluriannuelle de l’agriculture, le Gouvernement transmet un rapport aux commissions compétentes du Parlement, exposant les raisons de l’écart et les mesures de correction envisagées. Ce rapport précise les mécanismes, notamment sous la forme d’aides, y compris européennes, mis en œuvre permettant de corriger les écarts observés.
b) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Les priorités figurant aux 2° à 4° du I A du présent article se traduisent par des politiques ayant pour finalités :
« 1° De sauvegarder et, pour les filières les plus à risque, de reconquérir la souveraineté alimentaire de la France, en préservant et en développant ses systèmes de production et en protégeant les agriculteurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne ;
« 2° De maintenir et développer des filières nationales de production, de transformation et de distribution ainsi que leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale et environnementale, de manière à garantir une sécurité alimentaire permettant l’accès de l’ensemble de la population à une alimentation suffisante, saine, sûre, diversifiée, nutritive, tout au long de l’année, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire définie à l’article L. 266-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« 3° D’améliorer la compétitivité et la coopération agricole sur le plan international, de soutenir les capacités exportatrices nécessaires à la sécurité alimentaire mondiale, de maitriser et réduire les dépendances aux importations dans les filières stratégiques pour la souveraineté alimentaire, de sécuriser les approvisionnements alimentaires du pays, en privilégiant l’approvisionnement national ;
« 4° De veiller, dans tout accord de libre-échange, au respect du principe de réciprocité et à une exigence de conditions de production comparables pour ce qui concerne l’accès au marché ainsi qu’à un degré élevé d’exigence dans la coopération en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, en vue d’une protection toujours plus forte des consommateurs et d’une préservation des modèles et des filières agricoles européens ;
« 5° De répondre à l’accroissement démographique, en rééquilibrant les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale fondé sur le respect du principe de souveraineté alimentaire permettant un développement durable et équitable, en luttant contre la faim dans le monde et en soutenant l’émergence et la consolidation de l’autonomie alimentaire dans le monde ;
« 6° De rechercher des solutions techniques et scientifiques d’adaptation au changement climatique et d’accompagner les agriculteurs pour surmonter de façon résiliente les crises de toute nature susceptibles de porter atteinte aux capacités de production nationale et à son approvisionnement alimentaire ;
« 7° De reconnaître et mieux valoriser les externalités positives de l’agriculture, notamment en matière de services environnementaux et d’aménagement du territoire ;
« 9° De préserver la surface utile agricole, d’atteindre une surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10% d’ici au 1er janvier 2030 et tendant à l’autonomie protéique en 2050 ;
« 10° De concourir à la transition énergétique et climatique, en contribuant aux économies d’énergie et au développement des matériaux décarbonés et des énergies renouvelables ainsi qu’à l’indépendance énergétique de la nation, notamment par la valorisation optimale et durable des sous-produits d’origine agricole et agroalimentaire dans une perspective d’économie circulaire et de retour de la valeur aux agriculteurs ;
« 11° De soutenir la recherche, l’innovation et le développement, notamment dans les domaines des semences, des nouvelles techniques génomiques, de la sélection variétale, des fertilisants agricoles, de la production de biomasse, y compris sylvicole, des solutions fondées sur la nature et la réduction des dépendances à l’égard des intrants de toute nature ;
« 12° De définir des dispositifs de prévention et de gestion des risques ;
« 13° De participer au développement des territoires de façon équilibrée et durable, en prenant en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment des zones dites « intermédiaires » et des zones de montagne, d’encourager l’ancrage territorial de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, y compris par la promotion de circuits courts, et de favoriser la diversité des produits par le développement des productions sous signes d’identification de la qualité et de l’origine ;
« 14 ° De veiller à une juste rémunération des exploitants, salariés et non-salariés agricoles et de l’agroalimentaire ainsi que leurs conditions de travail, leur protection sociale et leur qualité de vie, de rechercher l’équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée, et de contribuer à l’organisation collective des acteurs ;
« 15° De valoriser le rôle essentiel des agricultrices par un accès facilité au statut de chef d’exploitation, à la formation continue et à une rémunération équitable ;
« 16° De contribuer à la protection de la santé publique ;
« 17° D’assurer le maintien de l’élevage et l’agropastoralisme en France et lutter contre la décapitalisation, par un plan stratégique dédié déterminant notamment les objectifs de production ;
« 18° De promouvoir la souveraineté en fruits et légumes, par un plan stratégique dédié ;
« 19° De favoriser l’acquisition pendant l’enfance et l’adolescence d’une culture générale de l’alimentation et de l’agriculture, en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires ;
« 20° De promouvoir l’information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits agricoles et agroalimentaires ;
« 21° De veiller à mettre en œuvre une fiscalité compatible avec l’objectif d’amélioration du potentiel productif agricole, notamment en allégeant la fiscalité sur l’énergie, dont le carburant, en exonérant de taxes et impôts les indemnisations en cas de crises sanitaires en élevage, en allégeant de façon pérenne le coût du travail, notamment temporaire, et en ramenant la fiscalité du foncier agricole et de sa transmission dans la moyenne européenne afin de favoriser les installations.
La politique d'aménagement rural définie à l'article L. 111-2 et les dispositions particulières aux professions agricoles en matière de protection sociale et de droit du travail prévues au livre VII contribuent à ces finalités.
c) Au début des V, VI et VII, les mots : « l’agriculture et de l’alimentation » sont remplacés par les mots : « la souveraineté alimentaire ».
Objet
Le présent amendement vise à réécrire l’article 1 du projet de loi.
Concernant l’article L. 1 A du CRPM, il est proposé trois modifications.
Premièrement, il est proposé de reprendre, à la première phrase de son premier alinéa, l’article L. 1 A de la proposition de loi pour la compétitivité de la ferme France, adoptée le 23 mai 2023 par le Sénat.
Deuxièmement, concernant l’intérêt général majeur de l’agriculture, il résulte des réflexions et des auditions menées par les rapporteurs que la formulation proposée par le présent amendement est plus susceptible de produire des effets juridiques, même si les contours de ceux-ci demeurent incertains, que celle adoptée par l’Assemblée nationale. Par ailleurs, la concision étant souvent gage de clarté, l’intention du législateur s’en trouve plus explicitement exposée. Il est donc proposé de s’en tenir à l’affirmation que l’agriculture, la pêche et l’aquaculture sont d’intérêt général majeur.
Troisièmement, il est proposé d’introduire un L. 1 B, instituant un principe de non régression de la souveraineté alimentaire, proposition figurant dans un récent rapport du CGAAER et que les rapporteurs reprennent à leur compte pour en faire un principe selon lequel les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l’agriculture ne sauraient qu’améliorer le potentiel agricole de la Nation. N’ayant pas vocation à remplacer le principe de non régression environnementale figurant au sein du code de l’environnement, il vise plutôt à permettre un meilleur équilibre des intérêts environnementaux et des intérêts agricoles dans la conduite de l’action publique. A l’instar du principe de non régression environnementale, et conformément à la jurisprudence constitutionnelle, il n’a pas vocation à s’imposer au législateur.
La rédaction globale procède ensuite à la réécriture des dispositions adoptées par les députés concernant l’article L. 1 du CRPM.
Premièrement, il est proposé d’ajouter, avant le I, un I A énonçant clairement les quatre priorités de la politique en faveur de la souveraineté alimentaire à savoir le renouvellement des générations, la compétitivité, la recherche et l’innovation, et la juste rémunération des actifs en agriculture. Cet ajout permet une meilleure lisibilité quant aux grandes priorités des politiques publiques, dont la longue liste figurant au I ne permet pas véritablement de saisir les contours.
Dans ce même I A figure le principe de non surtransposition voté au Sénat à l’occasion de l’examen de la PPL ferme France. Les députés l’avaient ajouté au I du L.1, il est proposé de donner à ce principe plus de visibilité en l’insérant à cette place.
Enfin, il est proposé de modifier la disposition adoptée à l’Assemblée nationale relative à la programmation pluriannuelle de l’agriculture, pour demander au Gouvernement un rapport en amont des négociations du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne présentant cette programmation pluriannuelle de l’agriculture, de manière à ce que le Parlement puisse être davantage tenu informé et associé à l’élaboration du futur PSN. Ce rapport détermine en outre des objectifs de production par filière et prévoit un mécanisme de rappel si certaines trajectoires s’écartent significativement des objectifs définis. Un amendement des rapporteurs portant article additionnel prévoit enfin un rapport annexé au présent projet de loi, déterminant les objectifs de production par filière sur la période 2023-2027. Laissé vierge au stade de la commission, le contenu du rapport annexé pourra être coconstruit par les sénateurs, au contact des filières de leurs territoires, dans la perspective de la séance publique.
Secondement, il est proposé une réécriture du I de l’article L. 1. Cette réécriture, reprenant de nombreux apports des députés issus de divers bancs, ainsi que des éléments figurant d’ores et déjà au I du L. 1 vise à clarifier les finalités des politiques publiques, préciser certaines rédactions, et supprimer des dispositions quasiment similaires figurant dans la rédaction des députés.
En outre, au sein de cet article premier, comme dans le reste du texte, la notion de souveraineté alimentaire est préférée à celle de souveraineté agricole, dont les contours apparaissent trop larges car incluant notamment la production énergétique. S’il est vrai que l’agriculture peut contribuer de façon incidente à la production d’énergie, et donc à la souveraineté énergétique, sa fonction première reste de produire pour nourrir la Nation.
Dans ce même I A figure le principe de non surtransposition voté au Sénat à l’occasion de l’examen de la PPL ferme France. Les députés l’avaient ajouté au I du L.1, il est proposé de donner à ce principe plus de visibilité en l’insérant à cette place.
Enfin, il est proposé de modifier la disposition adoptée à l’Assemblée nationale relative à la programmation pluriannuelle de l’agriculture, pour demander au Gouvernement un rapport en amont des négociations du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne présentant cette programmation pluriannuelle de l’agriculture, de manière à ce que le Parlement puisse être davantage tenu informé et associé à l’élaboration du futur PSN. Ce rapport détermine en outre des objectifs de production par filière et prévoit un mécanisme de rappel si certaines trajectoires s’écartent significativement des objectifs définis. Un amendement des rapporteurs portant article additionnel prévoit enfin un rapport annexé au présent projet de loi, déterminant les objectifs de production par filière sur la période 2023-2027. Laissé vierge au stade de la commission, le contenu du rapport annexé pourra être coconstruit par les sénateurs, au contact des filières de leurs territoires, dans la perspective de la séance publique.
Secondement, il est proposé une réécriture du I de l’article L. 1. Cette réécriture, reprenant de nombreux apports des députés issus de divers bancs, ainsi que des éléments figurant d’ores et déjà au I du L. 1 vise à clarifier les finalités des politiques publiques, préciser certaines rédactions, et supprimer des dispositions quasiment similaires figurant dans la rédaction des députés.
En outre, au sein de cet article premier, la notion de souveraineté alimentaire est préférée à celle de souveraineté agricole, dont les contours apparaissent trop larges car incluant notamment la production énergétique. S’il est vrai que l’agriculture peut contribuer de façon incidente à la production d’énergie, sa fonction première reste de nourrir la Nation. Le code rural fait d’ailleurs déjà référence, à quelques reprises, à la souveraineté alimentaire, et non la souveraineté agricole.