Projet de loi Souveraineté alimentaire et agricole

commission des affaires économiques

N°COM-134

6 juin 2024

(1ère lecture)

(n° 639 )


AMENDEMENT

présenté par

M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC, DANTEC, DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme de MARCO, M. MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL


ARTICLE 15

Consulter le texte de l'article ^

Supprimer cet article

Objet

La création d’un nouveau régime contentieux dérogatoire ne répond pas aux objectifs affichés de renouvellement des générations d’agriculteurs. Au contraire, ces dispositions favorisent une industrialisation de l'agriculture et de l’élevage basée sur des pratiques agricoles intensives, privilégiant des exploitations de grande envergure ayant un usage des pesticides et d'engrais azotés qui dégradent durablement la quantité et la qualité des eaux souterraines et de surface.

Juridiquement d’abord, la « simplification » présentée dans cet article n’est pas justifiée et risque même de complexifier les règles contentieuses à outrance, pour les justiciables comme pour les magistrats. C’est ce que pointe le Conseil d’État dans son avis : «La multiplication de règles contentieuses spéciales ne peut que nuire à la lisibilité d’ensemble des règles applicables au contentieux administratif qui, à rebours des objectifs recherchés de simplification et de clarté de la norme, se complexifie au détriment de l’égalité entre les citoyens et de la bonne administration de la justice, sans pour autant aboutir à une véritable accélération des procédures contentieuses. » Le Conseil d’Etat indique aussi que ces mesures présentent des risques d’inconstitutionnalité.

Cette dérogation a un champ d’application très large. Elle concerne toutes les décisions nécessaires à la réalisation des projets d’installations, d’ouvrages, de travaux ou d’activités concernant les plans d’eau et prélèvements d’eaux superficielles ou souterraines ayant une finalité principalement agricole mais également toutes les décisions nécessaires à la mise en place de projets d’installations classées pour la protection de l’environnement destinées à certaines activités d’élevage.

Dans un contexte d’augmentation des conflits liés au partage équitable de la ressource en eau et à la priorisation des usages, la limitation de la portée des annulations ainsi que l’obligation de régularisation faite aux juges réduit drastiquement la portée de la voie de contestation juridique ce qui risque d’augmenter les tensions. Et, d'autant plus qu'en parallèle le Gouvernement a publié au journal officiel le décret n°2024-423 du 10 mai 2024, qui vise à accélérer les contentieux liés aux ouvrages hydrauliques agricoles et les installations d’élevage, et qui complexifie lui aussi l'accès à la justice. 

Le rapport public annuel 2024 de la Cour des comptes, centré sur l'action publique en faveur de l'adaptation au changement climatique, pointe pourtant le risque de mal-adaptation des ouvrages de stockage de l’eau type « Méga-Bassines ». Une modification du régime de contentieux irait à contresens de ses recommandations qui préconisent d’orienter les soutiens financiers vers les expérimentations de transformation structurelles de l’agriculture.

Et dans un avis au Parlement du 26 avril, la Défenseure des Droits a également estimé que cet article « restreint d’une manière disproportionnée le droit au recours de leurs opposants ».

Pour l’ensemble de ces raisons, il est demandé la suppression de cet article.