Projet de loi Immigration et intégration
commission des lois
N°COM-65
9 mars 2023
(1ère lecture)
(n° 304 )
AMENDEMENT
Rejeté |
présenté par
Mme Valérie BOYER
ARTICLE 14
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Rédiger ainsi cet article :
I. – A l'article L. 823-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « cinq ans et d’une amende de 30 000 » sont remplacés par les mots : « sept ans et d’une amende de 150 000 ».
II. - A l'article L. 823-2 du même code les mots : « cinq ans et d’une amende de 30 000 » sont remplacés par les mots : « sept ans et d’une amende de 150 000 ».
III. - L’article L. 823-3 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et 1 000 000 euros d’amende lorsque les infractions prévues aux articles L. 823-1 et L. 823-2 sont commises dans les deux circonstances mentionnées au 1° et au 2° du présent article.
« Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la commission des infractions définies aux articles L. 823-1 et L. 823-2 est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 1 500 000 euros d’amende. L’infraction prévue au présent alinéa n’est pas applicable lorsqu’elle est commise par les personnes et dans les circonstances mentionnées au 3° de l’article L. 823-9. »
IV. – Le 13° de l’article 706-73 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début, sont insérés les mots : « Crimes et » ;
2° Il est complété par les mots : « et crime de direction ou d’organisation d’un groupement ayant pour objet la commission de ces infraction, prévu à l’article L. 823-3 du même code ».
Objet
« Tout se vend, tout s’achète » [1] y compris le corps humain.
Depuis de nombreuses années, la France, l’Europe et l’ONU œuvrent dans le même sens pour lutter contre la traite des êtres humains. Ce phénomène mondial n’est plus tolérable et doit être combattu efficacement.
Les Nations Unies estiment à 32 milliards de dollars par an dans le monde, dont 3 milliards pour l’Europe, les profits générés par la traite des êtres humains[2]. Au regard de ces chiffres, ce trafic est le troisième le plus lucratif pour les organisations criminelles, après le trafic de stupéfiants et celui des armes.
Du fait de sa position géographique, la France est aujourd’hui, à la fois un pays recevant des victimes de ces trafics mais aussi un pays de transit.
Ne pas agir c’est devenir complice !
Pendant de trop nombreuses années, notre pays n’a traité ce phénomène que sous l’angle de la prostitution, alors qu’il existe d’autres formes de traite des êtres humains.
Combattre ces « passeurs » n’est pas une simple question de sécurité mais doit être un devoir de dignité.
Alors qu’hier, ces passeurs étaient des personnes moins organisées, aujourd’hui nous devons faire face à de véritables criminels constitués en réseaux mafieux. Selon certains témoignages une traversée de la Méditerranée pour un migrant clandestin, peut varier de 3000 à 7000 euros par personne, dans des conditions contraires au respect de la dignité humaine. Aussi, nous nous devons de renforcer la lutte contre ces marchands d’esclaves du XXIe siècle.
En droit international, comme national, nous opérons une distinction entre d’un côté la « traite des êtres humains » et de l’autre le « trafic de migrants ». En France, depuis la loi n° 2003-239 [3], modifiée par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, la traite des êtres humains est définie à l’article 225-4-1 du code pénal comme « le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à sa disposition ou à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. ».
Aussi, le Gouvernement, s'inspirant de la proposition de loi de Valérie Boyer déposée à l'Assemblée nationale le 20 mai 2015, visant à renforcer la lutte contre les trafics de migrants, a décidé avec l'article 14 de « sanctionner plus durement les passeurs pour mettre fin aux drames consécutifs aux tentatives de traversées par voie maritime. Le 24 novembre 2021, vingt-sept étrangers en situation irrégulière qui tentaient de rejoindre les côtes britanniques ont trouvé la mort, noyés dans la Manche après le naufrage de leur embarcation au large de Calais.
Les premiers responsables de cette situation sont les passeurs qui, profitant des populations vulnérables, les exposent à des traversées maritimes périlleuses vers le Royaume-Uni. Plus de 1 500 passeurs ont ainsi été interpellés en 2021. La gravité de tels faits, comparables à la traite des êtres humains, et leur multiplication, justifient désormais l'aggravation des peines actuellement encourues, en mettant par ailleurs l'accent sur les têtes de réseaux.
Aujourd'hui, le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France constitue un délit, que l'article L. 823-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) punit de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
En application de l'article L. 823-3 du même code, ces peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 750 000 € d'amende en cas de circonstances aggravantes. En outre, l'article L. 823-6 du même code prévoit une peine d'interdiction du territoire français pour une durée maximale de dix ans ou à titre définitif en cas de circonstances aggravantes.
Le présent projet de loi propose, à l'instar de l'infraction de traite des êtres humains, de criminaliser ces faits lorsqu'ils sont commis en bande organisée dans les circonstances suivantes :
- une peine de quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 1 000 000 € seront encourues lorsque les étrangers auront été exposés à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
- les dirigeants et les organisateurs de ces groupements seront quant à eux passibles, quelles que soient les circonstances, de vingt ans de réclusion criminelle et d'une amende de 1 500 000 € ».
Aussi, à travers cet amendement il s'agit d'aller plus loin et d'augmenter les peines pour les infractions suivantes :
1. Le fait pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France (article L823-1 du CESEDA).
2. le fait, pour toute personne, de faciliter ou de tenter de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger :
1° Sur le territoire d'un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
2° Sur le territoire d'un autre État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000 (article 823-2 du CESEDA).
Actuellement ces infractions sont punies de 5 ans d'emprisonnement et de 30 000 d'amende. Il s'agit, en cohérence avec la réforme du Gouvernement, de les porter à 7 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.
Ainsi, nous renforcerons la lutte contre les trafics de migrants, en sanctionnant comme de véritables criminels, ceux qui exploitent la misère humaine.
La France, pays des Droits de l’Homme et de la Dignité Humaine, ne sera plus spectatrice de ces véritables drames en se dotant d’outils juridiques plus efficaces qui pourraient se développer au niveau de l’Union Européenne.
De ce fait, notre pays pourra agir plus efficacement dans la protection des victimes du trafic d’êtres humains, sans oublier les Français, victimes de cette migration clandestine de masse.
[1] Z. LAIDI, Les imaginaires de la Mondialisation in colloque « Quel avenir pour la Gauche ? »
[2] Bureau International du Travail
[3] Transposition de la directive 2011/36/UE
[4] Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile