Proposition de loi Sécurité globale
commission des lois
N°COM-121
17 février 2021
(1ère lecture)
(n° 150 )
AMENDEMENT
Rejeté |
présenté par
Mme Valérie BOYER
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 25
Après l'article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VIII du titre III du livre III de la partie 2 du code de la défense est ainsi modifié:
I. – L’article L. 2338-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les militaires d’active sont autorisés à porter leurs armes individuelles de service, munitions et leurs éléments sur le territoire national en dehors de l’exercice de leur mission.
« Un décret fixe le type d’armes dont le port est autorisé et les modalités de cette autorisation. »
II. – Après le deuxième alinéa de l’article L. 2338-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les militaires d’active peuvent faire usage de leurs armes individuelles de service sur le territoire national en dehors de leurs heures normales de service dans le strict respect des conditions prévues à l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure. »
Objet
Afin d’échapper aux radars des services du renseignement intérieur, le mode d’action des terroristes islamistes s’est adapté. Les opérations nécessitant une importante logistique susceptible d’être démantelée en amont ont laissé la place à des attaques individuelles totalement imprévisibles. Les terroristes peuvent frapper partout et à tout moment. Face à ce mode d’action qui joue sur l’effet de surprise, il nous faut être extrêmement réactifs.
Pour cela, il faut des hommes en nombre, entraînés et armés, déployés sur l’ensemble du territoire, capables d’intervenir immédiatement. La présence visible des policiers, des gendarmes et des militaires engagés dans l’opération sentinelle permet de sécuriser des sites à la fois grâce à leur effet de dissuasion et à leur capacité de riposte immédiate. Dans le récent attentat de la basilique de Nice, c’est bien grâce à l’intervention rapide de policiers municipaux armés présents à proximité que le périple meurtrier a pu être arrêté avant de faire d’autres victimes.
Sauver des vies suppose d’avoir des primo-intervenants armés. Leur rôle est stratégique pour limiter le nombre de victimes. Mais les moyens humains des forces de sécurité intérieure et des forces armées déployées sur le territoire national dans le cadre de l’opération sentinelle ne sont pas extensibles pour parer à la menace qui peut surgir en tout lieu et à tout moment. Si l’uniforme peut dissuader le terroriste de commettre un attentat là il se trouve, il ne l’empêchera pas de le commettre dans le quartier voisin. Face à l’imprévisibilité de l’attaque, notre capacité de riposte se doit d’être plus imprévisible encore.
En ce sens, le présent amendement propose que les militaires d’active soient autorisés à porter et à faire usage, en cas de nécessité, de leur arme de service individuelle en dehors de leurs heures normales de service.
Une telle disposition emporterait deux avantages, à la fois numérique et stratégique. Premièrement, un tel dispositif permettrait de multiplier à coût zéro le nombre d’hommes entraînés et armés capables d’intervenir immédiatement en cas d’attaque terroriste. Secondement, la présence aléatoire de militaires dans le cadre de leurs déplacements personnels en tous lieux du territoire permettrait de répondre à l’imprévisibilité des attaques terroristes et d’inverser l’effet de surprise à notre avantage.
Dans la mesure où policiers et gendarmes sont légalement autorisés à porter et à faire usage de leurs armes de dotation en dehors de leur service (article 114-4 de l’arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d’emploi de la police nationale et paragraphe 1.3.1.2 de l’instruction n° 233000/GEND/DOE/SDSPSR/BSP du 1er mars 2017 relative à l’usage des armes par les militaires de la gendarmerie) dans le respect des dispositions de l’article L 435-1 du code de la sécurité intérieure, aucun principe ne s’oppose à ce que ce bénéfice soit étendu aux militaires non-gendarmes sur le territoire national.
Les militaires que l’amendement autorise à porter et à faire usage des armes sont des hommes qui ont tous bénéficié d’une formation ad hoc, qui sont soumis à un nombre obligatoire d’entraînement au tir bien supérieur à celui des forces intérieures et qui sont d’ores-et-déjà habilités à ouvrir le feu, notamment sur les emprises militaires. Dans ces conditions, rien ne justifie que policiers et gendarmes soient autorisés à porter et faire usage de leurs armes hors service et que ce ne soit pas le cas pour les militaires.
Rappelons que la légitimité du port d’arme en dehors du service par les gendarmes est tirée de la disposition de l’article L4121-5 du code de la défense selon laquelle « les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu », disposition naturellement applicable aux militaires non-gendarmes.
Présents sur le même terrain dans la vie civile, réquisitionnables dans les mêmes conditions, exposés aux mêmes risques en raison de leur profession (cf. attentats de mars 2012 contre les militaires Abel Chennouf et Mohamed Legouad à Montauban), l’égalité de traitement nécessite que les militaires puissent porter et faire usage de leur arme de dotation en dehors de leur service pour défendre la population, si ce n’est pour se défendre eux-mêmes.
Le présent amendement prévoit donc que les militaires sont autorisés à ouvrir le feu exactement dans les mêmes cas de figure que les policiers et gendarmes en dehors de leur service et selon les mêmes modalités d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité que celles auxquelles ces derniers sont soumis en application des jurisprudences nationale et européenne.
L’amendement prévoit qu’un décret fixe le type d’armes dont le port et l’usage est ainsi autorisé ainsi que les modalités de cette autorisation.
Cet amendement est issu des travaux du député (LR) Jean-Louis Thiériot