Proposition de loi relative à la création de la Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement 

TITRE Ier

La Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement

Article 1er

La Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement, autorité publique à caractère scientifique dotée de la personnalité morale, est chargée d'énoncer les principes directeurs de l'expertise scientifique et technique en matière de santé publique et d'environnement, d'en vérifier l'application et de garantir la mise en œuvre des procédures d'alerte.

À cette fin, elle :

1° élabore des règles déontologiques propres à l'expertise scientifique et technique dans le domaine de la santé publique et de l'environnement ;

2° établit des procédures d'évaluation des pratiques d'expertise et de reconnaissance de la compétence scientifique et technique des professionnels ;

3  certifie, à la demande des employeurs, les dispositifs d'alerte visés à l'article 9 ;

4° instruit les alertes qui lui sont soumises en exerçant une mission de conseil ;

5° veille au respect des dispositions relatives à la protection des personnes ayant participé au lancement d'une alerte ;

6° tient un registre des alertes dans lequel sont consignés toutes les phases des procédures en cours ;

7° établit le rapport annuel prévu à l'article 7.

Article 2

La Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement peut être saisie par :

- un membre du Gouvernement, un député ou un sénateur ;

- l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- les associations de défense des consommateurs agréées en vertu de l'article L. 411-1 du code de la consommation ;

- les associations de protection de l'environnement agréées en vertu de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ;

- les associations ayant des activités dans le domaine de la santé agréées en vertu de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique ;

- les cellules d'alerte sanitaire et environnementale mentionnées à l'article 9 ;

- les personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 15.

Sur sa propre initiative, elle peut se saisir de toute question relative à l'expertise scientifique et à l'alerte en matière de santé et d'environnement.

Article 3

La Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement est composée de membres choisis en raison de leur qualification ou de leur expérience dans le domaine de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement :

1° deux membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, désignés par ce dernier ;

2° un membre du conseil d'État ayant au moins le grade de conseiller désigné par l'Assemblée générale du Conseil d'État ;

3° deux membres de la Cour de cassation ayant au moins le grade de conseiller désigné par l'Assemblée générale de la Cour de cassation :

4° sept personnalités qualifiées ayant mené des missions d'expertise collectives désignés par les grands organismes de recherche ;

5° sept représentants d'agences, établissements et instituts, impliqués dans l'évaluation des risques sanitaires et environnementaux désignés en raison de leur expérience des questions de déontologie dans les missions d'expertise ;

6° cinq personnalités qualifiées pour leurs travaux de recherche sur l'expertise scientifique désignées par le directeur général de l'Agence nationale de la recherche ;

7° trois personnalités qualifiées en matière de droit du travail, de droit de l'environnement et de droit de la santé publique désignées par l'Assemblée générale du Conseil d'État ;

8° cinq représentants d'associations concernées par la déontologie de l'expertise scientifique, désignés par le Conseil économique, social et environnemental ;

9° un représentant de chacune des organisations syndicales de salariés reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel, en application des articles L. 2121-1 du code du travail.

Les membres de la Haute autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement sont nommés par décret en Conseil d'État.

La durée du mandat des membres de la Haute Autorité est de quatre ans, renouvelable une fois. Le mandat n'est pas révocable.

En cas de vacance survenant plus de six mois avant l'expiration du mandat d'un membre, il est procédé à son remplacement par un nouveau membre dont le mandat expire à la date à laquelle aurait pris fin le mandat de celui qu'il remplace.

Article 4

Le personnel de la Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement est composé d'agents de droit public. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles la Haute Autorité peut faire appel à toute personne extérieure dont elle juge la présence nécessaire pour mener à bien sa mission.

Article 5

Les membres de la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement, les personnes qui lui apportent leur concours, ou qui collaborent occasionnellement à ses travaux, ainsi que les membres de son personnel, sont soumis à des règles de confidentialité, d'impartialité et d'indépendance, dans l'exercice de leurs missions. Ils sont tenus de souscrire, dès leur entrée en fonction, une déclaration publique d'intérêts. Ce document est rendu public et fait l'objet d'une actualisation périodique.

Article 6

La Haute Autorité dispose de l'autonomie financière. Son budget est rattaché au budget des services du Premier ministre.

Les ressources de la Haute Autorité sont constituées par :

1° Une dotation globale ;

2° Des subventions de l'État et éventuellement d'autres personnes publiques ;

3° Des produits divers.

Article 7

La Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement établit chaque année un rapport adressé au Parlement et au Gouvernement qui évalue notamment les suites qui ont été données à ses avis, mentionne les atteintes éventuelles à la liberté d'expression des personnes ayant contribué à lancer une alerte et comporte, en tant que de besoin, des recommandations sur les réformes qu'il conviendrait d'engager pour améliorer le fonctionnement de l'expertise scientifique et technique et la gestion des alertes.

TITRE II

Exercice du droit d'alerte en matière sanitaire et environnementale

Article 8

Toute personne physique ou morale qui rend publique ou diffuse de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui parait dangereuse pour la santé publique ou pour l'environnement, bénéficie des dispositions prévues par la présente loi.

Pour bénéficier de cette protection, elle doit respecter l'obligation de confidentialité, s'abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse et faire connaître son identité à la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement.

Article 9

Les établissements visés à l'article L. 2311-1 du code du travail qui emploient onze salariés ou plus prévoient dans leur règlement intérieur ou un document équivalent, une cellule d'alerte sanitaire et environnementale dont le mode de désignation et l'effectif, compte tenu du nombre des salariés, sont fixés par décret en Conseil d'État.

Article 10

Après le 2° de l'article L. 1321-1 du code du travail, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Les conditions de fonctionnement de la cellule d'alerte sanitaire et environnementale ; »

Article 11

L'article L. 1321-2 du code du travail, est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Les dispositions relatives au fonctionnement de la cellule d'alerte sanitaire et environnementale qui doit être informée de tout risque pesant sur la santé publique ou sur l'environnement. »

Article 12

L'article L. 4141-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il organise et dispense également une information sur les risques potentiels que font peser sur la santé publique ou l'environnement les produits et procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l'établissement ainsi que sur les mesures prises pour y remédier. Cette information est dispensée en association avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel. »

Article 13

Le salarié qui estime de bonne foi que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l'établissement font peser des risques sur la santé publique ou l'environnement alerte immédiatement l'employeur et informe sans délai la cellule d'alerte sanitaire et environnementale de l'établissement

Si l'établissement relève du régime des installations classées, l'employeur doit informer les autorités concernées.

Après avoir procédé à une enquête en association avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel, la cellule d'alerte sanitaire et environnementale saisit, s'il y a lieu, la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement qui l'inscrit au registre des alertes prévues par le 6° de l'article premier.

Si le salarié visé au premier alinéa juge qu'il existe un danger grave et imminent pour la santé publique ou pour l'environnement, il peut, après en avoir informé l'employeur, saisir directement la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement qui évalue dans un délai approprié si l'urgence de l'alerte nécessite sa transmission à l'autorité publique concernée.

Article 14

L'employeur dispose d'un délai de deux mois pour décider de donner suite ou non à l'alerte. S'il estime que l'alerte n'est pas justifiée, son refus doit être motivé et préciser les informations dont il juge qu'elles sont couvertes par l'obligation de confidentialité. Il en informe par écrit la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement, le salarié qui a lancé l'alerte, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et, le cas échéant, l'inspecteur des installations classées.

S'il estime l'alerte justifiée, il élabore, dans les deux mois, un plan de mesures qu'il soumet au salarié qui a lancé l'alerte, au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et, le cas échéant, l'inspecteur des installations classées en mentionnant les informations qui sont, selon lui, couvertes par l'obligation de confidentialité. Il en informe la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement.

En cas de divergence sur la réalité du risque, la façon de le faire cesser ou sur le sort réservé à l'alerte, le salarié qui a lancé l'alerte, l'employeur, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et, le cas échéant, l'inspecteur des installations classées peuvent saisir la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement qui ouvre alors une procédure d'examen.

Article 15

Lorsque la Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement est saisie en application des articles 13 et 14, elle s'assure d'abord que la procédure d'alerte concernée a été observée. Dans le cas contraire, elle demande aux parties intéressées d'y pourvoir. Elle dispose ensuite d'un délai de deux mois pour décider de donner suite ou non à l'alerte.

Lorsque la saisine est le fait d'une personne non salariée dans l'entreprise destinataire de l'alerte ou travaillant dans une entreprise de dix salariés ou moins, la Haute Autorité inscrit l'alerte au registre des alertes visé au 6° de l'article premier et dispose d'un délai de deux mois pour décider de lui donner suite ou non.

Toutes les personnes intervenant dans la procédure sont soumises à une obligation de confidentialité.

La Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement peut entendre comme témoin toute personne susceptible de l'éclairer. Le témoin peut demander à ce que son identité ne soit pas divulguée.

Dans les deux mois de sa saisine ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa, dans les deux mois suivant sa décision de donner suite à une saisine, elle rend un avis qui est transmis au ministre chargé de la santé publique, à la personne ayant lancé l'alerte et, le cas échéant, à l'employeur.

Dans un délai maximum de quatre mois, après la communication de l'avis, le ministre chargé de la santé publique et, le cas échéant, l'employeur informent la Haute Autorité des suites qu'ils ont données à son avis en motivant leurs décisions.

La Haute Autorité de l'expertise et de l'alerte en matière de santé et d'environnement évalue, notamment, les suites qui ont été données à ses avis dans le rapport annuel prévu à l'article 7.

TITRE III

Dispositions diverses

Article 16

Au premier alinéa de l'article 225-1 du code pénal, après les mots : « activités syndicales, » sont insérés les mots : « de leur participation au lancement d'une alerte sanitaire ou environnementale, ».

Article 17

Le livre III de la première partie du code de la santé publique est complété par un titre V  ainsi rédigé :

« Titre V

« Protection des lanceurs d'alerte

« Art. L. 1350. - Aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir alerté de bonne foi son employeur, sur un fait, une donnée ou une action dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et dont la méconnaissance lui paraît dangereuse pour la santé publique ou pour l'environnement. »

Article 18

L'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre d'une alerte sanitaire ou environnementale et si le fait diffamatoire fait objet d'une controverse scientifique sérieuse, le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense des éléments de nature à établir son caractère fortement plausible. »

Article 19

Toute personne physique ou morale qui lance une alerte de mauvaise foi ou avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits dénoncés est punie des peines prévues par l'article 226-10 du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse.


Article 20

Tout employeur destinataire d'une alerte qui n'a pas respecté les règles prévues par les articles 12 et 14 de la présente loi perd le bénéfice de l'exonération pour risque de développement prévu au 4° de l'article 1386‑11 du code civil.

Article 21

Toute personne physique ou morale qui divulgue sciemment des informations erronées ou garde par devers elle des informations importantes au regard de la protection de la santé publique ou de l'environnement est passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende et perd le bénéfice de l'exonération pour risque de développement prévu au 4° de l'article 1386-11 du code civil.

Article 22

Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles la présente loi est applicable :

1° Aux administrations de l'État ;

2° Aux établissements publics de l'État autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial.

Article 23

Les éventuelles conséquences financières résultant pour l'État de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.