PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vus l'article 39 du traité CE sur la liberté de circulation des travailleurs d'une part, et l'article 49 du traité CE sur la liberté de prestation de services d'autre part,
Vu les articles 136, 137, 138, 140 du traité CE,
Vu l'article 152 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui reconnaît le rôle des partenaires sociaux et l'importance du dialogue social et de la négociation collective,
Vu les articles 27, 28 et 34 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
Vu la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, et notamment ses considérants (5), (12), et (22), ci-après nommée « la directive sur le détachement des travailleurs »,
Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, et en particulier ses articles 3 et 16(3),
Vu la « clause Monti » inscrite dans le règlement CE n° 2679/98 du Conseil du 7 décembre 1998 relatif au fonctionnement du marché intérieur en ce qui concerne la libre circulation des marchandises entre les États membres,
Vu la communication de la Commission COM (2008) 304 final du 13 juin 2007 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur « le détachement de travailleurs dans le cadre de la prestation de services : en tirer les avantages et les potentialités maximum tout en garantissant la protection des travailleurs »,
Vus l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 11 décembre 2007 dans l'affaire C-438/05, International Transport Workers' Federation and Finish Seamen's Union/Viking Line ABP, l'arrêt de la CJCE du 18 décembre 2007 dans l'affaire C-341/05, Laval un Partneri Ltd, l'arrêt de la CJCE du 3 avril 2008 dans l'affaire C-346/06, Rüffert, ci-après nommés «Viking », « Laval », et « Rüffert »,
Vu la résolution du Parlement européen du 26 octobre 2006 sur l'application de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs,
Vu la résolution du Parlement européen du 22 octobre 2008 sur les défis pour les conventions collectives dans l'UE,
Considérant que la liberté de circulation des travailleurs dans l'Union européenne implique l'abolition de toute forme de discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs ressortissants d'un État membre en ce qui concerne les conditions d'emploi, de travail et de rémunération,
Considérant que le principe de l'égalité de traitement entre travailleurs pour un même travail sur un même lieu de travail est remis en cause par les récents arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires « Laval », « Viking » et « Rüffert »,
Considérant que le droit de grève et le droit à l'action collective sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire,
Considérant le dialogue social entre partenaires sociaux comme un élément essentiel du modèle social et économique européen,
Déclare inacceptable que le droit fondamental des partenaires sociaux de recourir à des actions collectives passe après les droits économiques dans un ordre hiérarchisé des libertés fondamentales,
Estime que cette hiérarchisation des normes en droit communautaire pourrait poser des problèmes de cohérence avec d'autres systèmes juridiques, tels celui de l'Organisation Internationale du Travail et celui du Conseil de l'Europe,
Rappelle que le droit de grève est de nature constitutionnelle dans nombre d'États membres, dont la France, et qu'il est à ce titre protégé dans le cadre du marché intérieur par la « clause Monti »,
Estime essentiel dans un contexte de crise économique et sociale extrêmement grave de garantir un niveau élevé de protection aux travailleurs et de lutter contre ce qui pourrait s'apparenter à du « dumping social »,
Estime que la concurrence sur la seule base de conditions salariales et de travail différentes entre travailleurs européens dans le cadre transnational d'une prestation de services sape la confiance des citoyens envers la construction européenne,
Condamne l'instrumentalisation politique à visée nationaliste qui est faite de certains conflits sociaux impliquant des travailleurs européens de nationalité différente,
Condamne l'introduction d'un principe de proportionnalité pour juger des actions menées à l'encontre d'entreprises utilisant la liberté de prestation de services dans le marché intérieur pour remettre en cause les conditions d'emploi et de traitement des travailleurs détachés dans l'État membre d'accueil,
Estime que la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes ne saurait suffire à clarifier l'état du droit en matière de travailleurs détachés,
Estime que la nouvelle Commission européenne devra orienter son mandat en faveur d'une véritable politique de l'emploi centrée sur la qualité du travail et le progrès social,
Estime qu'il en va de la responsabilité du législateur européen de procéder à un éclaircissement juridique des dispositions de la directive par le législateur européen, notamment quant à la valeur juridique des conventions et accords collectifs au regard de l'article 3 de la directive sur le détachement des travailleurs,
Estime urgent de procéder à la révision de la directive sur le détachement des travailleurs en consultation avec les partenaires sociaux européens,
Demande l'introduction d'une clause de progrès social donnant la primauté aux droits sociaux fondamentaux sur les libertés fondamentales du marché intérieur sur la base de l'article 3 (3) sous paragraphe 3 du traité de Lisbonne (sous réserve de sa ratification),
Souhaite un large champ d'application de ce qui peut être considéré comme des « dispositions d'ordre public » que les États membres peuvent appliquer en plus du noyau de normes minimales énoncées par la directive sur le détachement des travailleurs,
Demande que la directive introduise une délimitation temporelle dans la définition d'un travailleur détaché afin d'éviter toute utilisation abusive du détachement,
Souhaite que des dispositions contraignantes soient prises vis-à-vis des États membres comme des employeurs, permettant de garantir une information correcte des travailleurs détachés sur les droits dont ils disposent,
Souhaite le renforcement des contrôles et des moyens de sanction en cas de non-respect des dispositions de la directive,
Demande au Gouvernement de rendre compte à la Représentation nationale de l'application de cette directive en France,
Demande à la Commission européenne sur la base de ces orientations d'insérer dans son prochain programme de travail pour l'année 2010 une proposition de révision de la directive sur le détachement des travailleurs,
Demande au Gouvernement d'agir dans le sens de cette résolution.