N° 9
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 octobre 2004
adopté
par l’Assemblée nationale,
portant création de la Haute autorité de lutte
contre les discriminations et pour l’égalité,
transmis par
M. le PREMIER MINISTRE
à
m. le prÉsident du sÉnat
(Renvoyé
à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et
d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une
commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)
Droits de l’homme et libertés publiques. |
DE LA HAUTE
AUTORITÉ
DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
ET POUR L’ÉGALITÉ
Il est institué une autorité
administrative indépendante dénommée Haute autorité de lutte contre les
discriminations et pour l’égalité.
La haute autorité est compétente pour
connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par
la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.
La haute autorité est composée d’un
collège de onze membres nommés par décret du Président de la République :
– deux membres, dont le président, désignés
par le Président de la République ;
– deux membres désignés par le Président du
Sénat ;
– deux membres désignés par le Président de
l’Assemblée nationale ;
– deux membres désignés par le Premier
ministre ;
– un membre désigné par le Vice-Président
du Conseil d’Etat ;
– un membre désigné par le Premier
président de la Cour de cassation ;
– un membre désigné par le Président du
Conseil économique et social.
Le Président de la République, le
Président du Sénat, le Président de l’Assemblée nationale et le Premier
ministre désignent chacun des membres de sexes différents.
Le mandat du président et des membres de
la haute autorité a une durée de cinq ans. Il n’est ni révocable, ni
renouvelable.
Les membres du collège, à l’exception du
président, sont renouvelables par moitié tous les trente mois.
En cas de vacance d’un siège de membre du
collège pour quelque cause que ce soit, il est pourvu à la nomination, dans les
conditions prévues au présent article, d’un nouveau membre pour la durée du
mandat restant à courir. Son mandat peut être renouvelé s’il a occupé ces
fonctions de remplacement pendant moins de deux ans.
La haute autorité décide la création
auprès d’elle de tout organisme consultatif permettant d’associer à ses travaux
des personnalités qualifiées choisies parmi des représentants des associations,
des syndicats, des organisations professionnelles et toutes autres personnes
ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et
pour la promotion de l’égalité.
Elle dispose de services, placés sous
l’autorité de son président, pour lesquels elle peut recruter des agents
contractuels.
Le président représente la haute autorité
et a qualité pour agir au nom de celle-ci.
Toute personne qui s’estime victime de
discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par
décret en Conseil d’Etat.
La haute autorité peut aussi se saisir
d’office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a
connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu’elle est identifiée, ait été
avertie et qu’elle ne s’y soit pas opposée.
La saisine de la haute autorité
n’interrompt ni ne suspend les délais relatifs à la prescription des actions en
matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux.
La haute autorité recueille toute
information sur les faits portés à sa connaissance.
A cet effet, elle peut demander des
explications à toute personne privée mise en cause devant elle. Elle peut aussi
demander communication d’informations et de documents quel qu’en soit le
support et entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.
Les autorités publiques et les organismes
chargés d’une mission de service public sont tenus d’autoriser les agents placés
sous leur autorité à répondre à toute demande de la haute autorité. Ces agents
sont tenus de déférer à cette demande.
La haute autorité peut, pour ce qui
relève de sa compétence, demander aux autorités publiques de faire procéder à
toute vérification ou enquête par les organismes ou corps de contrôle placés
sous leur autorité. En ce cas, ces autorités sont tenues d’y donner suite.
La haute autorité peut procéder ou faire
procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par
voie de médiation.
Lorsqu’il est procédé à cette médiation,
les constatations et les déclarations recueillies au cours de celle-ci ne
peuvent être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances
civiles ou administratives, sans l’accord des personnes intéressées.
La haute autorité peut, après avis
adressé aux personnes intéressées et avec leur accord, procéder à des
vérifications sur place, dans les locaux administratifs, ainsi que dans les
lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux
professionnels, à condition que ces derniers soient exclusivement consacrés à
cet usage.
Lors de ses vérifications sur place, elle
peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations.
Les agents de la haute autorité qui sont
autorisés à procéder à des vérifications sur place en application du présent
article reçoivent une habilitation spécifique donnée par le procureur général
près la cour d’appel du domicile de l’agent dans des conditions et selon des modalités
fixées par décret en Conseil d’Etat.
Lorsque ses demandes ne sont pas suivies
d’effet, la haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de
lui répondre dans un délai qu’elle fixe.
En cas de refus, le président de la haute
autorité peut saisir le juge des référés d’une demande motivée aux fins
d’ordonner toute mesure d’instruction que ce dernier juge utile.
Les personnes astreintes au secret
professionnel ne peuvent être poursuivies en application des dispositions de
l’article 226-13 du code pénal pour les informations à caractère secret
qu’elles auront pu révéler à la haute autorité, dès lors que ces informations
entrent dans le champ de compétence de la haute autorité tel que prévu à
l’article 1er de la présente loi.
Les membres et les agents de la haute
autorité ainsi que les personnalités qualifiées auxquelles il est fait appel
sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements
dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve
des éléments nécessaires à l’établissement des avis, des recommandations et des
rapports.
La haute autorité peut formuler des
recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle
estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement.
Les autorités ou personnes intéressées
sont tenues, dans un délai fixé par la haute autorité, de rendre compte à
celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. La haute autorité peut
rendre ses recommandations publiques dans des conditions fixées par décret en
Conseil d’Etat.
Lorsqu’il apparaît à la haute autorité
que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d’un crime ou d’un
délit, elle en informe le procureur de la République. Elle lui fait savoir, le
cas échéant, qu’une mission de médiation est en cours ou a déjà eu lieu en
application des dispositions de l’article 6.
Le procureur de la République informe la
haute autorité des suites données à ses transmissions.
Si la haute autorité est saisie de faits
donnant lieu à enquête pénale ou pour lesquels une information judiciaire est
ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, elle doit recueillir
l’accord préalable des juridictions pénales saisies ou du procureur de la
République pour la mise en œuvre des dispositions des articles 4 à 8.
Les juridictions civiles, pénales ou
administratives peuvent, lorsqu’elles sont saisies de faits relatifs à des
discriminations, d’office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité
ou son représentant à présenter des observations. Dans les mêmes conditions,
les juridictions pénales peuvent, à la demande de la haute autorité, l’inviter
à présenter des observations, y compris à les développer oralement au cours de
l’audience.
La haute autorité peut porter à la
connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir
disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. La
personne mise en cause en est tenue informée. La haute autorité est informée
des suites données à ses transmissions.
La haute autorité mène des actions de
communication et d’information propres à assurer la promotion de l’égalité.
Elle favorise la mise en œuvre de programmes de formation.
Elle conduit et coordonne des travaux
d’études et de recherches relevant de sa compétence et suscite et soutient les
initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne
l’élaboration et l’adoption d’engagements visant à la promotion de l’égalité.
Elle identifie et reconnaît toute bonne
pratique en matière d’égalité des chances et de traitement.
Elle peut recommander toute modification
législative ou réglementaire et être consultée par le Gouvernement sur tout
texte ou toute question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la
promotion de l’égalité.
La haute autorité remet chaque année au
Président de la République et au Parlement un rapport rendant compte de
l’exécution de ses missions. Ce rapport est rendu public.
Les crédits nécessaires à la haute
autorité pour l’accomplissement de sa mission sont inscrits au budget du
ministère chargé des affaires sociales. Son président est ordonnateur des
recettes et des dépenses.
Les comptes de la haute autorité sont
présentés au contrôle de la Cour des comptes.
Les dispositions de la loi du
10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées
ne sont pas applicables.
Article
16 bis (nouveau)
Les personnels employés par le groupement
d’intérêt public « Groupe d’étude et de lutte contre les
discriminations » peuvent, à leur demande, bénéficier d’un contrat de
droit public conclu avec la haute autorité.
Les dispositions des articles
L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-10 du code du travail ne sont pas
applicables aux personnels recrutés dans les conditions prévues à l’alinéa
précédent.
MISE EN ŒUVRE DU
PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ
DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES
SANS DISTINCTION D’ORIGINE ETHNIQUE
ET PORTANT TRANSPOSITION
DE LA DIRECTIVE N° 2000/43/CE DU 29 JUIN 2000
En matière de protection sociale, de
santé, d’avantages sociaux, d’éducation, d’accès aux biens et services, de
fournitures de biens et services, d’affiliation et d’engagement dans une
organisation syndicale ou professionnelle, y compris d’avantages procurés par
elle, ainsi que d’accès à l’emploi, d’emploi et de travail indépendants ou non
salariés, chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine
nationale, son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une
ethnie ou une race.
Toute personne qui s’estime victime d’une
discrimination directe ou indirecte en ces domaines établit devant la
juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au
vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que la
mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute
discrimination.
Le précédent alinéa ne s’applique pas
devant les juridictions pénales.
DISPOSITIONS
TRANSITOIRES ET FINALES
Un décret en Conseil d’Etat détermine les
conditions d’application du titre Ier de la présente loi dont les
dispositions entreront en vigueur à compter du premier jour du premier mois
suivant sa publication.
Il fixe les dispositions temporaires
concernant la durée du mandat des membres de la haute autorité nommés lors de
sa création et les conditions transitoires dans lesquelles elle peut être
saisie pendant une période de six mois suivant cette entrée en vigueur.
L’article 9 de la loi n° 2001-1066
du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations est
ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi
rédigé :
« Un service d’accueil téléphonique
gratuit concourt à la mission de prévention et de lutte contre les
discriminations. Ce service a pour objet de recueillir les appels des personnes
estimant avoir été victimes de discriminations. Il répond aux demandes
d’information et de conseil sur les discriminations et sur les conditions de saisine
de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Le
cas échéant, il réoriente les appelants vers les autres organismes ou services
compétents. » ;
2° Les deuxième, troisième et
avant-dernier alinéas sont supprimés.
La présente loi est applicable à Mayotte,
dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques
françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré en séance publique, à Paris, le
6 octobre 2004.
Le Président,
Signé : Jean-Louis DEBRÉ.