N° 55
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 6 novembre 2001
PROJET DE LOI
relatif à la protection des inventions biotechnologiques,
PRÉSENTÉ
au nom de M. Lionel Jospin,
Premier
ministre,
par M. Laurent FABIUS,
Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
(Renvoyé à la commission des Affaires
économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d’une
commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Propriété intellectuelle. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le domaine des biotechnologies représente l’un des
principaux champs de découvertes et d’innovations qui s’ouvre au génie humain
en ce début du XXIe siècle. Les enjeux qu’il recouvre sont considérables, à la
fois au plan éthique, économique ainsi que pour celui de la santé publique.
Dans ce domaine essentiel, les pays européens ont pris du retard par rapport
aux Etats‑Unis et au Japon faute d’une approche juridique harmonisée. La
directive 98/44/CE répond à cette situation en définissant des principes et des
règles communes entre les Etats membres de l’Union européenne en ce qui
concerne les conditions et les limites dans lesquelles la protection par brevet
peut être obtenue pour des inventions portant sur la matière biologique. Elle a
été adoptée par le Parlement européen et par le Conseil, à l’issue de
négociations longues et complexes et après l’échec d’une première proposition
de directive sur ce sujet en mars 1995.
La directive 98/44/CE s’est efforcée de concilier une
exigence de sécurité juridique grâce à l’adoption de règles précises, communes
à tous les Etats membres de l’Union européenne, quant aux conditions de
brevetabilité des inventions biotechnologiques avec le respect des principes
éthiques.
Pour les inventeurs, les déposants, les entreprises, cette
directive met un terme à une situation d’incertitude juridique résultant des
divergences importantes, sur ces questions, entre les législations et les
pratiques nationales mais aussi internationales. Ainsi, au regard des
législations existantes, les déposants ne pouvaient pas toujours déterminer
avec certitude si leurs inventions étaient ou non susceptibles d’être
brevetées. D’autre part, l’absence de dispositions spécifiques pouvait les
faire hésiter sur la portée susceptible d’être reconnue au titre délivré.
Cette sécurité juridique accrue permettra aux
scientifiques et aux industriels européens de bâtir une stratégie de propriété
industrielle à plus long terme et donc d’investir dans les technologies
innovantes, dont le rôle sera crucial dans la prévention et le traitement de
nombreuses maladies jusque‑là mal traitées. En effet, les brevets
participent à l’innovation de deux manières différentes : en assurant,
pendant une période de temps limitée mais suffisamment longue, la
reconnaissance d’un monopole au profit de l’inventeur, ce qui permet de
rentabiliser les dépenses de recherche-développement réalisées pour parvenir à
l’invention brevetée ; en prévoyant, en contrepartie de ce monopole, la publication
de la demande de brevet et donc des informations qu’elle contient, permettant
ainsi l’éclosion de nouvelles inventions, elles‑mêmes sources
d’innovations futures. Il faut préciser que le brevet n’assure donc pas un
droit de propriété sur un produit mais seulement un droit exclusif
d’exploitation d’une invention.
La directive 98/44/CE, bien que constituant avant tout un
texte relevant du droit des brevets, traduit la recherche d’un équilibre entre,
d’une part, les nécessaires aménagements de cette partie du droit, afin d’y
introduire les inventions biotechnologiques et, d’autre part, le nécessaire
respect des obligations issues des principes éthiques.
Sur ce second point, il convient de souligner, ainsi que
le montre nombre des considérants de la directive, que la transposition de
celle‑ci n’a de sens que dans un environnement juridique où les
législations nationales et internationales assurent un encadrement de la
recherche biomédicale et de l’utilisation des éléments et produits du corps
humain, comme c’est le cas en droit français. Il importe également de noter que
la directive prend en compte, pour l’appliquer au domaine des biotechnologies,
le principe fondamental en droit des brevets selon lequel celui‑ci ne
protège que les inventions et en aucun cas les simples découvertes. Ainsi que
l’ont montré les avis rendus par le groupe européen d’éthique sur la directive
avant son adoption, cette distinction n’est pas exempte de portée éthique.
Ainsi, tout en assurant au plan communautaire, le respect des
principes éthiques essentiels, la directive introduit le domaine des
biotechnologies dans le droit des brevets, lequel ne protège que les inventions
et non les découvertes, c’est‑à‑dire des solutions techniques à des
problèmes techniques. Il s’agit à la fois de ne pas engendrer un nouveau droit
aux contours vagues et de ne pas laisser ce domaine en dehors du droit.
La complexité juridique de la directive 98/44/CE et les
enjeux éthiques qu’elle comporte expliquent qu’à la date du 30 juillet 2000
fixée pour l’achèvement de sa transposition, seul un Etat membre avait
parachevé sa reprise dans son droit interne. Le chiffre des Etats membres ayant
procédé à la transposition de la directive s’élève aujourd’hui à quatre, la
plupart des autres Etats membres ayant actuellement soumis un texte de
transposition à leur Parlement.
Pour ce qui concerne la France, la transposition de la
directive a fait l’objet d’un dialogue approfondi entre les autorités
françaises et la Commission européenne, consacré notamment à la portée de
l’article 5 de la directive 98/44/CE relatif à la protection susceptible d’être
accordée à des inventions portant sur des éléments issus du corps humain. Afin
d’éviter que la nécessaire poursuite de la réflexion sur la portée de cet
article - en particulier sur la distinction entre le premier paragraphe de cet
article et les deux paragraphes suivants - dont la transposition s’avère la
plus délicate en termes à la fois juridique et éthique, ne retarde à l’excès la
transposition des autres dispositions de la directive, le Gouvernement a décidé
de procéder à la transposition de la directive en maintenant en l’état les
dispositions de l’article L. 611-17 issu des lois bioéthiques de 1994 qui
prévoient que « le corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la
connaissance de la structure totale ou partielle d’un gène humain ne peuvent,
en tant que tels, faire l’objet de brevets ».
Sous cette réserve, le projet de loi assure une
transposition fidèle de la directive en apportant un certain nombre de
modifications aux dispositions du livre VI du code de la propriété
intellectuelle qui concernent, essentiellement, les inventions portant sur la
matière biologique animale et végétale.
Le projet de loi comporte deux objectifs :
- assurer la protection des inventions portant sur la
matière biologique, sous réserve des exclusions liées à l’ordre public, et en
déterminer les conditions et les limites ;
- assurer le respect des règles protégeant la vie animale
et végétale, notamment en conciliant la non-brevetabilité des races animales et
des variétés végétales avec la brevetabilité d’inventions portant sur des
éléments biologiques d’origine animale ou végétale à condition de remplir un
certain nombre de conditions précisément définies.
En outre, le Gouvernement a jugé nécessaire de renforcer
les dispositions relatives aux licences obligatoires et d’office, qui
permettent d’écarter les conséquences néfastes des situations de dépendance
technologique, de faire prévaloir l’intérêt public, notamment celui de la santé
publique, et de corriger un éventuel abus des droits que confère le brevet à
son titulaire. Ce renforcement n’est pas nécessaire pour assurer la
transposition de la directive mais, d’une part, il n’est nullement incompatible
avec la directive et, d’autre part, il assure l’équilibre du dispositif,
notamment dans le domaine particulièrement sensible des biotechnologies.
Les licences obligatoires et les licences d’office
existent déjà en droit français.
Les premières visent à régler un conflit d’ordre privé
entre le titulaire d’un brevet antérieur et celui d’un brevet postérieur
dépendant du premier et qui nécessite donc, pour son exploitation, l’accord du
titulaire du premier brevet. Elles sont octroyées par décision judiciaire à la
demande du titulaire du brevet dépendant, lorsque cela se justifie en raison du
progrès technique et de l’intérêt économique importants que comporte le brevet
dépendant. L’article L. 613-15 ajoutait une condition supplémentaire,
l’existence d’un intérêt public, dont le contenu était flou et qui
correspondait mal au cadre d’un litige privé. Cette condition, qui ne figure
pas dans l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle
relatifs au commerce, annexé à l’accord de l’Organisation mondiale du commerce
de 1994, est donc supprimée. De même, l’octroi d’une licence obligatoire est
actuellement subordonnée à l’écoulement d’un certain délai ; cette
condition, qui ne se justifie pas, est supprimée.
Les licences d’office sont des actes de la puissance
publique : elles permettent de mettre sous licence accordée par l’Etat
l’exploitation de brevets lorsque l’intérêt de la défense nationale, l’intérêt
de l’économie nationale ou l’intérêt de la santé publique le justifient. Les
licences d’office dans l’intérêt de la santé publique ne peuvent porter, compte
tenu de la lettre de l’article L. 613‑16 actuel, que sur les
médicaments. Or, le rôle des dispositifs médicaux à visée thérapeutique ou
diagnostique et des méthodes de diagnostic ex vivo peut être tout aussi
considérable dans l’intérêt de la santé publique. Le projet de loi étend donc
le champ des licences d’office dans l’intérêt de la santé publique, tout en
précisant les conditions dans lesquelles elles peuvent être décidées, afin de
respecter le droit de propriété du titulaire du brevet ainsi que les limites
posées par l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle
relatifs au commerce, annexé à l’accord de l’Organisation mondiale du commerce
de 1994 aux licences de ce type.
Conditions et étendue de la protection des inventions
portant sur la matière biologique.
1. - Le principe et les conditions de la brevetabilité
L’article L. 611‑10 du code de la propriété
intellectuelle, relatif aux conditions de brevetabilité, est complété afin
d’affirmer la brevetabilité d’un produit composé de matière biologique ou en
contenant, sous réserve des exclusions liées à l’ordre public. A cette fin, l’article
1er du projet de loi intègre dans le 4. de l’article
L. 611‑10 du code de la propriété intellectuelle la disposition du
1. de l’article 3 de la directive. Ce nouvel alinéa, outre qu’il confirme cette
brevetabilité, la conditionne expressément au respect des autres critères de
brevetabilité et notamment à celui de l’application industrielle, essentiel
pour éviter des brevets portant sur une simple connaissance. Enfin, le deuxième
alinéa du 4. de l’article L. 611-10 adopte la définition de la « matière
biologique » rédigée au a du 1. de l’article 2 de la
directive.
La description de l’invention doit être faite de manière suffisamment
claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter. Cet accès à
l’information exhaustive est la contrepartie du monopole donné au propriétaire
du brevet. En matière de micro-organismes, le code de la propriété
intellectuelle prévoyait dans son article L. 612-5 que, lorsque le micro‑organisme
n’était pas accessible au public, la description ne pouvait être considérée
comme suffisante si le dépôt du micro‑organisme n’était pas effectué
auprès d’un établissement habilité. L’article 4 du projet de loi
vient préciser cette obligation de dépôt de la matière biologique dans son
ensemble, telle que définie au a du 1. de l’article 2 de la directive.
2. - L’étendue de la protection
L’article 5 du projet de loi, qui modifie l’article
L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle, permet au directeur général
de l’Institut national de la propriété industrielle de rejeter ou de supprimer
d’office des parties de la description et des dessins des demandes de brevets
non conformes aux nouvelles exceptions qui sont posées à la brevetabilité.
L’article 6 du projet de loi introduit des
dispositions nouvelles relatives à la portée des brevets concernant des
inventions biotechnologiques. Ces dispositions ne sont applicables que pour
autant qu’elles se rapportent à des inventions brevetables en vertu des
dispositions des articles L. 611-10 et suivants. Elles ne sauraient donc être
interprétées comme portant atteinte au principe selon lequel, en vertu des
dispositions de l’article L. 611-17, « le corps humain, ses éléments et
ses produits ainsi que la connaissance de la structure totale ou partielle d’un
gène humain ne peuvent, en tant que tels, faire l’objet de brevets ».
Le nouvel article L. 613-2-1, inséré après l’article L.
613-2 du code, limite la portée de la protection par brevet d’une séquence
génique à la partie de cette séquence directement liée à la fonction spécifique
telle que concrètement exposée dans la description. Cette disposition permet
d’empêcher qu’un brevet ne recouvre un champ excessif par rapport à l’apport
technique de l’invention.
La portée de la protection du brevet est également
clarifiée par les nouveaux articles L. 613‑2‑2 et L. 613-2-3
qui facilitent la détermination du champ du monopole conféré par le brevet. La
directive est en effet très claire sur ce point puisqu’elle précise que la
protection de l’invention s’étend, que celle-ci porte sur certaines propriétés
ou sur un procédé, sur toute matière biologique obtenue à partir de la matière
biologique première. Cette logique est également applicable lorsque l’invention
concerne un produit contenant une information génétique ou consistant en une
information génétique.
Le nouvel article L. 613-2-4 transpose la limitation de la
portée du brevet concernant une matière biologique, telle qu’elle est prévue à
l’article 10 de la directive. Un mécanisme d’épuisement des droits prévoit que
la matière biologique commercialisée sur le territoire d’un Etat membre par le
titulaire du brevet ou avec son consentement, ne tombe pas sous le coup du
monopole dès lors que la reproduction résulte nécessairement de l’utilisation
pour laquelle la matière biologique a été mise sur le marché.
3. - La non brevetabilité des variétés végétales et des
races animales
a) Les domaines respectifs du brevet et du certificat
d’obtention végétale (COV)
Le 1° du nouvel article L. 611-18, ajouté au code de la propriété
intellectuelle par l’article 3 du projet de loi, exclut de
la brevetabilité les variétés végétales (définies par référence à l’article 5
du règlement (CE) n° 2100/94), les races animales et les procédés
essentiellement biologiques pour l’obtention de végétaux ou d’animaux ;
ces dispositions figuraient auparavant dans les paragraphes b et c
de l’article L. 611-17 supprimés par l’article 2. La définition
de ces procédés, intégrée au c du 1° de l’article L. 611-18, est celle
du 2. de l’article 2 de la directive.
Toutefois, les inventions portant sur des plantes ou des animaux sont
brevetables dès lors que leur application n’est pas limitée à une variété ou à une
race particulière (2° de l’article L. 611‑18).
b) Les limites à la protection
1° Les exceptions au profit de l’agriculteur et de l’éleveur
De nouvelles limites à l’étendue de la protection par brevet sont prévues
par les 1° et 2° de l’article 11 de la directive.
L’article 7 du projet de loi insère dans le code de la
propriété intellectuelle l’article L. 613‑5‑1, qui transpose
le 1° de l’article 11 de la directive, mettant en place le
« privilège de l’agriculteur », c’est‑à‑dire la
possibilité pour celui‑ci d’utiliser le fruit de sa récolte pour
réensemencer ses champs. La directive aligne les modalités pratiques de
l’exercice de ce « privilège » sur celles applicables aux certificats
d’obtentions végétales communautaires ; c’est pourquoi il est fait référence
à l’article 14 du règlement (CE) n° 2100/94 instituant un régime de
protection communautaire des obtentions végétales.
Le nouvel article L. 613-5-2 transpose le 2. de l’article 11 de la
directive qui prévoit la création du « privilège de l’éleveur ».
Lorsque le titulaire d’un brevet commercialise des animaux d’élevage ou tout
autre matériel de reproduction animal, il ne peut empêcher l’agriculteur
d’utiliser le bétail protégé par brevet pour la poursuite de son activité
agricole. Cette activité ne peut être comprise comme une activité de
reproduction commerciale. Les modalités de mise en place de cette dérogation ne
sont pas précisées. Elles seront réglées contractuellement, aucune protection
nationale ni communautaire n’existant encore à ce jour.
2° Les exceptions en cas de dépendance
Partant du constat que la brevetabilité de la matière biologique peut
avoir à s’articuler avec un certificat d’obtention végétale, l’article 12 de la
directive prévoit un système de licences pour dépendance. Un nouvel article
L. 613-15-1 du code de la propriété intellectuelle (article 8),
relatif au cas dans lequel un brevet est dominant par rapport à un droit
d’obtention végétale, reprend le 1. de l’article 12 de la directive. Le nouvel
article L. 623-22-1 (article 9), reprenant le 2. de
l’article 12 de la directive, prend en compte la situation inverse où un droit
d’obtention végétale est dominant par rapport à un brevet. Dans les deux cas,
la licence pour dépendance ne peut être accordée que si la variété ou
l’invention représente un progrès technique important par rapport à la création
protégée.
La demande de licence doit être formulée auprès du tribunal de grande
instance.
Renforcement des licences obligatoires et des licences
d’office
1. Les licences de dépendance
L’article 10 du projet de loi modifie l’article L. 613-15
du code de la propriété intellectuelle de façon à élargir les possibilités
d’octroi de licences non volontaires de dépendance, en supprimant la condition
d’intérêt public et le délai avant l’expiration duquel il n’est pas possible,
dans la version actuelle, de formuler une demande.
En outre, la nouvelle version substitue la notion de brevet dépendant,
plus large, à celle de brevet de perfectionnement. Ces modifications sont
conformes à l’article 31 de l’accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle relatifs au commerce, annexé à l’accord sur l’Organisation
mondiale du commerce de 1994.
2. - Les licences d’office dans l’intérêt de la santé
publique
La version proposée de l’article L. 613-16 du code à l’article 11
du projet de loi a pour but de ne pas limiter l’octroi de licences d’office aux
seuls brevets de médicaments mais d’inclure dans le champ d’application de
l’article L. 613-16 les dispositifs médicaux à visée thérapeutique ou diagnostique
et les méthodes de diagnostic ex vivo, ainsi que les procédés et
produits nécessaires à l’obtention de ces dispositifs. Elle élargit les cas
dans lesquels une licence d’office peut être octroyée en ajoutant le cas de
l’exploitation dans des conditions contraires à l’intérêt de la santé publique
ou constituant des pratiques anti-concurrentielles.
Pour ces dernières, l’article 31 de l’accord sur les aspects des droits
de propriété intellectuelle relatifs au commerce, annexé à l’accord de
l’Organisation mondiale du commerce de 1994 exige qu’elles aient été
préalablement reconnues comme telles selon les procédures en vigueur. La
formulation proposée reproduit celle de l’article L. 613-19-1 du code de la
propriété intellectuelle. Le même article 31 exige également, sauf pour
les cas de pratiques anti‑concurrentielles ou d’urgence, la recherche
d’un accord préalable avec le breveté, d’où l’adjonction du dernier alinéa sur
ce point.
Enfin, l’article 12 du projet de loi rend applicable les
nouvelles dispositions du code à la Nouvelle‑Calédonie, à la Polynésie
française, à la collectivité territoriale de Mayotte, aux îles Wallis et Futuna
et aux Terres australes et antarctiques françaises.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l’économie, des
finances et de l’industrie,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi relatif à la protection
des inventions biotechnologiques délibéré en Conseil des ministres après avis
du Conseil d’État, sera présenté au Sénat par le ministre de l’économie, des
finances et de l’industrie, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en
soutenir la discussion.
L’article L. 611-10 du code de la propriété
intellectuelle est complété par un 4. ainsi rédigé :
« 4. Sous réserve des dispositions des
articles L. 611-17 et L. 611-18, sont brevetables aux conditions prévues au 1.
les inventions portant sur un produit constitué en totalité ou en partie de
matière biologique, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou
d’utiliser de la matière biologique.
« Est regardée comme matière biologique la
matière qui contient des informations génétiques et se reproduit ou peut être
reproduite dans un système biologique. »
Les paragraphes b et c de l’article
L. 611-17 du même code sont abrogés.
Il est inséré, après l’article L. 611-17 du même code, l’article
L. 611-18 ainsi rédigé :
« Art. L. 611-18 - 1° Ne sont pas
brevetables :
« a) Les races animales ;
« b) Les variétés végétales telles que
définies à l'article 5 du règlement (CE) n° 2100/94 du 27 juillet 1994 ;
« c) Les procédés essentiellement
biologiques pour l’obtention des végétaux et des animaux : sont considérés
comme tels les procédés qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels
comme le croisement ou la sélection ;
« d) Les procédés de modification de
l’identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances
sans utilité médicale substantielle pour l’homme ou l’animal, ainsi que les
animaux issus de tels procédés.
« 2° Nonobstant les dispositions du 1°, les
inventions portant sur des végétaux ou des animaux sont brevetables si
l'application de l’invention n’est pas limitée à une variété végétale ou à une
race animale déterminées.
« 3° Les dispositions du c) du 1°
n’affectent pas la brevetabilité d’inventions ayant pour objet des procédés
techniques notamment un procédé microbiologique, ou un produit obtenu par ces
procédés ; est regardé comme un procédé microbiologique tout procédé utilisant
ou produisant une matière biologique ou comportant une intervention sur une
telle matière. »
Le deuxième alinéa de l’article L. 612-5 du même
code est remplacé par les dispositions suivantes :
« Lorsque la description d’une invention
impliquant une matière biologique à laquelle le public n’a pas accès ne permet
pas à l’homme du métier d’exécuter l’invention, cette description n’est jugée
suffisante que si la matière biologique a fait l’objet d’un dépôt auprès d’un
organisme habilité. Les conditions d’accès du public à ce dépôt sont fixées par
décret en Conseil d'État. »
L’article L. 612-12 du même code est ainsi
modifié :
I. - Le 4° est remplacé par les dispositions
suivantes :
« 4° Qui a pour objet une invention manifestement non
brevetable en application des articles L. 611-17 et L. 611-18 ; ».
II. - Le dernier alinéa est remplacé par les dispositions
suivantes :
« En cas de non-conformité partielle de la
demande aux dispositions des articles L. 611-17 et L. 611-18 ou L. 612-1, il
est procédé d’office à la suppression des parties correspondantes de la
description et des dessins. »
Il est inséré, après l’article L. 613-2 du même code, les
articles L. 613-2-1, L. 613-2-2, L. 613-2-3 et L. 613-2-4 ainsi
rédigés :
« Art. L. 613-2-1.
- La portée d’une revendication couvrant une séquence génique est limitée à la
partie de cette séquence directement liée à la fonction spécifique concrètement
exposée dans la description.
« Art. L. 613-2-2.
- Sous réserve des dispositions de l’article L. 613-2-1, la protection conférée
par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en
une information génétique s’étend à toute matière dans laquelle le produit est
incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce sa
fonction ou procure son résultat technique.
« Art. L. 613-2-3.
- La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée,
du fait de l’invention, de propriétés déterminées s’étend à toute matière
biologique obtenue à partir de cette matière biologique par reproduction ou
multiplication et dotée de ces mêmes propriétés.
« La protection conférée par un brevet relatif
à un procédé permettant de produire une matière biologique dotée, du fait de
l’invention, de propriétés déterminées s’étend à la matière biologique
directement obtenue par ce procédé et à toute autre matière biologique obtenue,
à partir de cette dernière, par reproduction ou multiplication et dotée de ces
mêmes propriétés.
« Art. L. 613-2-4.
- La protection visée aux articles L. 613‑2-2 et L. 613-2-3 ne
s’étend pas à la matière biologique obtenue par reproduction ou multiplication d’une
matière biologique mise sur le marché sur le territoire d’un État membre de la
Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l'Espace économique
européen par le titulaire du brevet ou avec son consentement, lorsque la
reproduction ou la multiplication résulte nécessairement de l’utilisation pour
laquelle la matière biologique a été mise sur le marché, dès lors que la
matière obtenue n’est pas utilisée ensuite pour d’autres reproductions ou
multiplications. »
Il est inséré, après l’article L. 613-5 du même code, les
articles L. 613‑5-1 et L. 613-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 613-5-1.
- Par dérogation aux dispositions des articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3,
la vente ou tout autre acte de commercialisation de matériel de reproduction végétal
par le titulaire du brevet, ou avec son consentement, à un agriculteur à des
fins d’exploitation agricole implique pour celui‑ci l’autorisation
d’utiliser le produit de sa récolte pour la reproduction ou la multiplication
par lui-même sur sa propre exploitation.
« Les conditions de cette utilisation sont
celles qui sont prévues par l’article 14 du règlement (CE) n° 2100/94 du
27 juillet 1994.
« Art. L. 613-5-2.
- Par dérogation aux dispositions des articles L. 613-2-2 et L. 613-2-3, la
vente ou tout autre acte de commercialisation d’animaux d’élevage ou d’un
matériel de reproduction animal par le titulaire du brevet, ou avec son
consentement, à un agriculteur implique pour celui-ci l’autorisation
d’utiliser, le cas échéant moyennant rémunération, le bétail protégé pour un
usage agricole. Cette autorisation emporte la mise à disposition de l’animal ou
du matériel de reproduction animal pour la poursuite de son activité agricole,
mais exclut la vente dans le cadre d’une activité commerciale de reproduction. »
Il est inséré, après l’article L. 613-15 du même code un
article L. 613-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 613-15-1. - Lorsqu’un brevet
fait obstacle à l’obtention ou à l’exploitation d’un droit sur une variété
végétale, la concession d’une licence de ce brevet peut être demandée dans la
mesure où cette licence est nécessaire pour l’exploitation de la variété
végétale à protéger et pour autant que la variété constitue à l’égard de ce
brevet un progrès technique important et présente un intérêt économique
certain.
« Lorsqu’une telle licence est accordée, le
titulaire du brevet obtient à des conditions équitables, sur demande présentée
au tribunal, la concession d'une licence réciproque pour utiliser la variété
protégée.
« Les dispositions des articles L. 613-12 à L.
613-14 sont applicables. »
Il est inséré, après l’article L. 623-22 du même code, les
articles L. 623-22-1 et L. 623-22-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 623-22-1.
- Lorsqu’un droit d’obtention végétale fait obstacle à l’exploitation d’un
brevet portant sur une invention biotechnologique, le titulaire du brevet peut
demander la concession d’une licence pour l’exploitation de la variété protégée
par le droit d’obtention, dans la mesure où cette licence est nécessaire à
l’exploitation du brevet et pour autant que cette invention constitue à l’égard
de la variété végétale un progrès technique important et présente un intérêt
économique certain. Le demandeur doit justifier qu’il n’a pu obtenir du
titulaire du droit d’obtention une licence d’exploitation et qu’il est en état
d’exploiter la variété de manière effective et sérieuse.
« Art. L. 623-22-2.
- La demande de licence prévue à l’article L. 623-22-1 est formée auprès du
tribunal de grande instance.
« La licence est non exclusive. Le tribunal
détermine notamment sa durée, son champ d'application et le montant des
redevances auxquelles elle donne lieu. Ces conditions peuvent être modifiées
par décision du tribunal, à la demande du titulaire du droit ou de la licence.
« Les droits attachés à cette licence ne
peuvent être transmis qu'avec l'entreprise ou la partie de l'entreprise ou le
fonds de commerce auquel ils sont attachés.
« Lorsqu’une telle licence est accordée, le
titulaire du droit d'obtention obtient à des conditions équitables, sur demande
présentée au tribunal, la concession d'une licence réciproque pour utiliser
l'invention protégée.
« Si le titulaire d'une licence ne satisfait
pas aux conditions auxquelles cette licence a été accordée, le titulaire du
certificat d'obtention végétale et, le cas échéant, les autres licenciés
peuvent obtenir du tribunal le retrait de cette licence. »
Dispositions
relatives au renforcement des licences
obligatoires
et des licences d’office
L’article L. 613-15 du même code est remplacé par les
dispositions suivantes :
« Art. L. 613-15. - Lorsque le
titulaire d’un brevet ne peut l’exploiter sans porter atteinte à un brevet
antérieur dont un tiers est titulaire, le tribunal de grande instance peut lui
accorder une licence d’exploitation du brevet antérieur dans la mesure
nécessaire à l’exploitation du brevet dont il est titulaire et pour autant que
cette invention constitue à l’égard du brevet antérieur un progrès technique
important et présente un intérêt économique certain.
« La licence accordée au titulaire du brevet
postérieur ne peut être transmise qu’avec ledit brevet.
« Le titulaire du brevet antérieur obtient, sur
demande présentée au tribunal, la concession d’une licence réciproque sur le
brevet postérieur.
« Les dispositions des articles L. 613-12 à L.
613-14 sont applicables. »
L’article L. 613-16 du même code est remplacé par les
dispositions suivantes :
« Art. L. 613-16. - Si l’intérêt de la
santé publique l’exige et à défaut d’accord amiable avec le titulaire du
brevet, le ministre chargé de la propriété industrielle peut, sur la demande du
ministre chargé de la santé publique, soumettre par arrêté au régime de la
licence d’office, dans les conditions prévues à l’article L. 613-17, tout brevet
délivré pour :
« a) Un médicament, un dispositif médical, un dispositif
médical de diagnostic in vitro, un produit thérapeutique annexe ;
« b) Leur procédé d’obtention, un
produit nécessaire à leur obtention ou un procédé de fabrication d’un tel produit ;
« c) Une méthode de diagnostic ex
vivo.
« Les brevets de ces produits, procédés ou
méthodes de diagnostic ne peuvent être soumis au régime de la licence d’office
dans l’intérêt de la santé publique que lorsque ces produits, ou des produits
issus de ces procédés, ou ces méthodes sont mis à la disposition du public en
quantité ou qualité insuffisantes ou à des prix anormalement élevés, ou lorsque
le brevet est exploité dans des conditions contraires à l’intérêt de la santé
publique ou constitutives de pratiques déclarées anti-concurrentielles par une
décision administrative ou juridictionnelle.
« Lorsque la licence a pour but de remédier à
une pratique déclarée anti-concurrentielle ou en cas d’urgence, le ministre
chargé de la propriété industrielle n’est pas tenu de rechercher un accord
amiable avec le titulaire du brevet. »
La présente loi est applicable en Polynésie française,
dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques
françaises, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
Fait à Paris, le 31 octobre 2001
Signé :
Lionel Jospin
Par
le Premier ministre :
Le ministre de l’économie, des finances et de
l’industrie,
Signé : Laurent FABIUS