N° 287
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la
séance du 21 février 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4
avril 2002
relatif à la répression de l’activité de mercenaire,
PRÉSENTÉ
au nom de M. Lionel Jospin,
Premier ministre,
par
M. Alain Richard,
Ministre de la défense.
(Renvoyé à la commission des Affaires
étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution
éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le
Règlement).
Mercenaires. |
Mesdames, Messieurs,
L’utilisation de mercenaires
dans des conflits armés ou des situations troublées est un phénomène qui
aggrave la violence, déstabilise les États et se traduit par des atteintes aux
droits de l’homme. La France entend lutter contre de tels phénomènes.
Les moyens légaux pour
prévenir et réprimer efficacement ces pratiques sont actuellement lacunaires en
droit français. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a préparé des
dispositions législatives dont l’objet est de permettre l’identification et la
répression de l’activité de mercenaire commise par des Français ou des
personnes résidant habituellement sur le territoire français à l’extérieur du
territoire national. Ce dispositif s’appuie largement sur la définition du
mercenaire posée par le protocole I du 8 juin 1977 additionnel
aux conventions de Genève du 12 août 1949, auquel la France a adhéré et qui est
entré en vigueur à son égard le 11 octobre 2001.
Directement inspirée des
dispositions de l’article 47 du protocole I de 1977, la définition qui fait
l’objet du 1° du projet d’article 436-1 du code pénal reprend les critères
contenus dans cet article 47, en clarifie l’exposé et en retire les éléments
superfétatoires. La mention relative au fait que l’intéressé ne doit pas être
« résident du territoire contrôlé
par une Partie au conflit » a ainsi été supprimée. Par ailleurs, les
dispositions relatives à la contrepartie obtenue par le mercenaire ont été
enrichies et simplifiées : il peut s’agir d’une « rémunération nettement supérieure à celle
qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions
analogues dans les forces armées de l’État partie pour lequel [cette
personne] doit combattre ». Il
n’est plus fait référence à une rémunération « matérielle ». De même, l’expression « par une Partie au conflit ou en son nom »
n’est pas reprise.
Pour souligner la gravité
des infractions commises à l’étranger à l’occasion d’une activité de
mercenaire, il est prévu que de tels agissements soient sanctionnés par des
peines élevées. Il a donc été décidé de créer une peine de cinq ans
d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende pour l’activité de
mercenaire proprement dite, et de sept ans d’emprisonnement et de
100 000 € d’amende pour des personnes qui dirigent ou organisent une
telle activité. Le projet de dispositions pénales comprend également deux
articles (articles 436-4 et 436-5) qui ont pour objet de créer des peines
complémentaires pour les personnes physiques et les personnes morales.
La limitation du champ
d’application des dispositions d’ordre pénal aux seuls conflits armés internationaux
aurait été trop étroite. Il a donc été convenu de l’élargir à tous les conflits
armés, qu’ils soient internationaux ou non, ainsi qu’à certaines situations
infra-conflictuelles donnant lieu à la commission d’actes concertés de violence
(article 436‑1).
Une deuxième incrimination
(article 436-2) permet de sanctionner pénalement les personnes qui, en tous
temps, commettent des actes visant à diriger ou à organiser l’activité de
mercenaire.
Ces deux incriminations
concernent à la fois les citoyens français et les personnes résidant
habituellement sur le territoire français. Afin de couvrir tout le champ des
activités de mercenaire, le projet d’article 436-3 prévoit l’extension de
la compétence des juridictions pénales françaises, aux faits commis à l’étranger
par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire
français, par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et à la
seconde phrase de l’article 113-8.
PROJET
DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de la défense,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi relatif à la répression de
l’activité de mercenaire, délibéré en Conseil des ministres après avis du
Conseil d’État, sera présenté au Sénat par le ministre de la défense, qui sera
chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
Il est inséré, après le
chapitre V du titre III du livre IV du code pénal, un chapitre VI ainsi
rédigé :
« De la participation à une activité de
mercenaire
« Art. 436-1. - Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 €
d’amende le fait :
« 1° Par toute
personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui
n’est ni ressortissante d’un État partie audit conflit armé, ni membre des
forces armées de cet État, ni n’a été envoyée en mission officielle par un État
autre que l’un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées
dudit État, de prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités en
vue d’obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à
celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions
analogues dans les forces armées de l’État partie pour lequel elle doit
combattre ;
« 2° Par toute
personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de
violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l’intégrité
territoriale d’un État et qui n’est ni ressortissante de l’État contre lequel
cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit État, ni n’a été envoyée
en mission officielle par un État, de prendre ou tenter de prendre part à un
tel acte en vue d’obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants.
« Art.
436-2.
- Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet le
recrutement, l’emploi, la rémunération, l’équipement ou l’instruction militaire
d’une personne définie à l’article 436-1 est puni de sept ans
d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.
« Art. 436-3. - Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre sont commis à
l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le
territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième
alinéa de l’article 113‑6 et les dispositions de la seconde phrase
de l’article 113-8 ne sont pas applicables.
« Art. 436-4. - Les personnes physiques
coupables des infractions prévues par le présent chapitre encourent également
les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction des
droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par
l’article 131-26 ;
« 2° La diffusion
intégrale ou partielle de la décision ou d’un communiqué informant le public
des motifs et du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par
l’article 221-10 ;
« 3° L’interdiction de
séjour, suivant les modalités prévues par l’article 131-31.
« Art.
436-5.
- Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans
les conditions prévues par l’article 121-2, de l’infraction définie à l’article
436-2.
« Les peines encourues
par les personnes morales sont :
« 1° L’amende, selon
les modalités prévues par l’article 131-38 ;
« 2° Les peines
mentionnées à l’article 131-39.
« L’interdiction
mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. »
Fait à Paris, le 3 avril 2002
Signé :
Lionel Jospin
Par le Premier ministre :
Le ministre de la défense,
Signé : Alain
Richard