N° 261
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au
procès-verbal de la séance du 21 février 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat
le 27 février 2002
PROJET DE LOI
PRÉSENTÉ
au nom de M. Lionel Jospin,
Premier ministre,
par
M. Yves Cochet,
Ministre de l’aménagement du territoire et
de l’environnement,
(Renvoyé à la commission des
Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle
d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Environnement. |
Mesdames,
Messieurs,
Le présent projet de loi a
pour objet de permettre la création d’une zone de protection écologique (ZPE)
dans les espaces maritimes situés au large des côtes de la République où, pour
des motifs tenant aux relations internationales, les autorités françaises n’ont
pas institué de zone économique exclusive (ZEE). Il s’agit essentiellement des
espaces se trouvant au large de la façade méditerranéenne. Or l’absence de zone
sous juridiction française en Méditerranée rend impossible, au‑delà des eaux territoriales, l’application aux navires étrangers des
dispositions issues de la loi du 5 juillet 1983 réprimant la pollution par les
navires, récemment modifiée par la loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 relative à la
répression des rejets polluants des navires. Compte tenu de la vulnérabilité
écologique de ces espaces et de l’augmentation des pressions qu’ils subissent,
il est apparu indispensable de renforcer les moyens juridiques de prévention et
de répression des pollutions marines qui y sont commises. Le comité
interministériel de la mer qui s’est réuni le 28 février 2000, à la suite du
naufrage du pétrolier Erika, a ainsi retenu le principe de l’instauration d’une
zone de protection écologique en Méditerranée à l’intérieur de la limite des
200 milles.
La ZPE constitue une déclinaison de la ZEE définie par la partie V de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982. Ainsi le projet de loi tend à permettre la création d’une zone dans laquelle les autorités françaises exerceront les seules compétences prévues par le 1,b de l’article 56, qui reconnaît à l’État côtier, juridiction en ce qui concerne notamment la protection et la préservation du milieu marin, et renoncent à l’exercice des droits souverains aux fins d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles mentionnés au 1,a. La création d’une zone de protection écologique en Méditerranée sera de ce fait sans incidence sur les conditions actuelles d’exercice de la pêche par les navires battant pavillon étranger.
L’objectif assigné à la création d’une ZPE est la mise en œuvre de la partie XII (Protection et préservation du milieu marin) de la convention de Montego Bay, qui traite essentiellement des mesures visant à protéger le milieu marin de la pollution de nature tellurique, de la pollution par les navires, de la pollution due aux immersions ainsi que de la pollution d’origine atmosphérique.
Il est prévu que la ZPE
puisse s’étendre dans les mêmes limites que la zone économique exclusive,
c’est-à-dire jusqu'à 188 milles marins au-delà de la limite extérieure des eaux
territoriales (12 milles). En Méditerranée, le choix de la largeur de la
ZPE sera dicté par le souci des autorités françaises de procéder rapidement à
la création de cette zone dans des espaces sur lesquels la France peut
légitimement revendiquer l’exercice de sa juridiction conformément au droit de
la mer. Sa délimitation définitive par rapport aux États voisins (Espagne,
Italie, Monaco, Algérie) fera l’objet d’accords à conclure ultérieurement avec
chacun de ces États.
L’instauration par la France
d’une ZPE est susceptible de recueillir un accueil favorable de la part de nos
partenaires méditerranéens. En effet, l’ensemble des pays du pourtour de la
Méditerranée coordonnent depuis vingt-cinq ans leurs efforts pour protéger
cette mer dans le cadre de la Convention de Barcelone du 16 février 1976
pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution et du Programme
des Nations unies pour l’environnement. La création d’une ZPE permettra à la
France de mieux mettre en oeuvre les engagements auxquels elle souscrit dans le
cadre de cette coopération multilatérale.
Le régime de la ZEE,
qualifiée en droit interne de « zone économique », est fixé par la
loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique au large des
côtes du territoire de la République.
L’article 1er complète la loi du 16
juillet 1976, dont il modifie l’intitulé, afin d’y inscrire le régime de la
ZPE.
Dans la zone de protection
écologique, les autorités françaises exerceront les compétences reconnues par
le droit international dans le domaine de la protection et de la préservation
du milieu marin, de la recherche scientifique marine, ainsi que de la mise en
place et de l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages.
La zone de protection écologique sera créée par décret en Conseil d’État, à
l’instar de la zone économique.
Pour des raisons de sécurité
juridique, il est proposé de préciser que le régime juridique applicable aux
navires de pêche étrangers opérant dans cette zone n’est pas affecté.
L’activité de pêche s’exerçant sous le régime de la haute mer, les navires sont
soumis, conformément au droit de la mer, à la juridiction de l’État du pavillon
et doivent respecter les stipulations des conventions internationales qui ont
pour objet d’assurer le développement durable des ressources halieutiques en
établissant des mesures de gestion. Les navires français sont ainsi soumis,
dans la zone de protection écologique, au décret du 9 janvier 1852 modifié
et à ses textes d’application, aux règlements communautaires et aux conventions
internationales dans les conditions applicables à la haute mer. Les navires
étrangers sont soumis à la loi de leur pavillon et doivent respecter les
mesures prises dans le cadre des conventions internationales.
L’article 2 modifie la loi n° 86-826 du
11 juillet 1986 relative à la recherche scientifique marine et portant
modification de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone
économique au large des côtes du territoire de la République. Il tend à soumettre
les activités de recherche scientifique marine entreprises dans la zone de
protection écologique au régime d’autorisation préalable applicable à celles se
déroulant dans la zone économique.
Les articles 3 et suivants
modifient les dispositions du code de l’environnement relatives à la pollution
par les rejets des navires, les immersions et l’incinération en mer.
L’article 3 modifie l’article L. 218-21
afin d’instaurer des sanctions pénales applicables aux rejets polluants des
navires dans la zone de protection écologique, par extension d’incriminations
existantes applicables aux infractions commises dans la mer territoriale ou
dans la zone économique.
L’article 4 modifie l’article L. 218-29
en étendant à la zone de protection écologique les règles de compétence
juridictionnelle applicables en matière d’infractions aux dispositions de la
convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires du
2 novembre 1973 modifiée, dite « convention Marpol ».
Les tribunaux du littoral
maritime spécialisés, créés par la loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 et le décret
d’application n° 2002-196 du 11 février 2002 relatif aux juridictions
compétentes en matière de pollution des eaux de mer par rejets des navires,
auront désormais une compétence exclusive pour le jugement de toutes les
infractions de pollution marine, qu’elles aient eu lieu dans les eaux
territoriales, dans la zone économique ou dans la nouvelle zone de protection
écologique. Seul le jugement des infractions commises par les capitaines des
navires français se trouvant hors des espaces maritimes placés sous juridiction
française restera de la compétence exclusive du tribunal de grande instance de
Paris.
La spécialisation de
certains tribunaux du littoral aura pour effet une sensibilisation accrue des
magistrats à ces questions et favorisera l’émergence de pôles d’expertise dans
ce domaine. La simplification des compétences judiciaires déjà largement
engagée par la loi du 3 mai 2001 précitée est ainsi poursuivie et étendue
à la ZPE. Elle devrait faciliter et accélérer la répression de ces infractions.
L’article 5 modifie l’article L. 218-45
afin de rendre applicables dans la zone de protection écologique et dans la
zone économique les sanctions pénales prévues en cas de faits de pollution par
des opérations d’immersion dans les eaux territoriales et intérieures maritimes
françaises. Conformément à l’article 230 de la convention des Nations unies sur
le droit de la mer, il est précisé que seules les peines d’amende seront
prononcées lorsque l’infraction est due à un navire étranger et commise au-delà
de la mer territoriale.
L’article 6 modifie l’article L. 218-61
en étendant à la zone de protection écologique le régime des amendes
sanctionnant les faits de pollution liés à des opérations d’incinération dans
la zone économique par des navires étrangers. Ces opérations sont interdites
depuis 1976.
L’article 7 a pour objet de contribuer
à l’accessibilité du droit en reproduisant dans le code de l’environnement
l’article 4 de la loi du 16 juillet 1976, relatif à la zone de protection
écologique. Il est ainsi ajouté une section 7, intitulée « zone de
protection écologique », au chapitre VIII du titre Ier du livre
II du code de l’environnement.
PROJET
DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l’aménagement du
territoire et de l’environnement,
Vu l’article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le
présent projet de loi relatif à la création d’une zone de protection écologique
au large des côtes du territoire de la République, délibéré en Conseil des
ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté au Sénat par le ministre
de l’aménagement du territoire et de l’environnement, qui sera chargé d’en
exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.
La loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone
économique au large des côtes du territoire de la République est modifiée ainsi
qu’il suit :
I. - Son intitulé
devient : « loi relative à la zone économique et à la zone de
protection écologique au large des côtes du territoire de la République ».
II. - L’article 4 est
remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 4 - Dans la zone économique définie à
l'article 1er ci‑dessus, les autorités
françaises exercent en outre les compétences reconnues par le droit international
relatives à la protection et à la préservation du milieu marin, à la recherche
scientifique marine, à la mise en place et à l'utilisation d'îles
artificielles, d'installations et d'ouvrages.
« Lorsque, dans une
zone délimitée ainsi qu'il est précisé à l'article 1er, les
autorités françaises entendent, pour des motifs tenant aux relations
internationales, n'exercer que les compétences mentionnées à l'alinéa
ci-dessus, cette zone est dénommée zone de protection écologique. Dans cette
zone les dispositions de l’article 3 ne s’appliquent pas aux navires battant
pavillon d’un État étranger. »
III. - A l'article 5, il est
inséré un deuxième alinéa ainsi rédigé :
« La zone de protection
écologique est également créée par décret en Conseil d’État. »
Dans l’article 2 de la loi
n° 86-826 du 11 juillet 1986 relative à la recherche scientifique marine et
portant modification de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la
zone économique au large des côtes du territoire de la République, les
mots : « dans la zone économique définie à l’article 1er
de la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 précitée » sont remplacés par les
mots : « dans la zone économique et dans la zone de protection
écologique définies par la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone
économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du
territoire de la République ».
Au premier alinéa de l’article L. 218-21 du code de
l’environnement, après les mots : « dans la zone
économique », sont insérés les mots : « et la zone de
protection écologique définies par la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative
à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes
du territoire de la République ».
Au deuxième alinéa de l’article
L. 218-21 du code de l’environnement, après les
mots : « dans la zone économique », sont ajoutés les
mots : « ou dans la zone de protection écologique ».
L’article L. 218-29 du code de l’environnement est modifié
ainsi qu’il suit :
I. - Au I, après les
mots : « Dès lors qu’elles ont été commises dans », sont
insérés les mots : « la zone économique, la zone de protection
écologique ».
II. - Le II est remplacé par les dispositions suivantes :
« II. - Le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour la
poursuite, l’instruction et le jugement des infractions commises par les
capitaines de navire français se trouvant hors des espaces maritimes sous
juridiction française. »
III. - Le III est remplacé par les dispositions suivantes :
« III. - Pour la poursuite et l’instruction des infractions
mentionnées au I, les tribunaux désignés au I et au II et le tribunal de grande
instance dans le ressort duquel peut être trouvé le bâtiment, exercent une
compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43,
52, 382, 663, deuxième alinéa, et 706-42 du code de procédure pénale. »
L’article L. 218-45 du code de
l’environnement est modifié ainsi qu’il suit :
I. - Au premier alinéa, après les
mots : « soit en haute mer », sont insérés les
mots : « soit dans la zone économique ou dans la zone de
protection écologique ».
II. - Le deuxième alinéa est
complété par les dispositions suivantes :
« Seules les peines d’amende mentionnées à la sous-section 2 de la présente section peuvent être prononcées à l’encontre des navires étrangers pour des infractions commises au-delà de la mer territoriale. »
Au II de l’article L. 218-61
du code de l’environnement, les mots : « dans la zone économique
telle que définie à l’article 1er de la loi n° 76-655 du 16 juillet
1976 relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au
large des côtes du territoire de la République » sont remplacés par les
mots : « dans la zone économique ou dans la zone de protection
écologique ».
Il est inséré, au chapitre
VIII du titre Ier du livre II du code de l’environnement, une
section 7 intitulée : « Zone de protection écologique »,
comportant l’article L. 218-81 suivant :
« Art. L. 218-81 - Ainsi qu’il est dit à l’article 4 de la loi
n° 76-655 du 16 juillet 1976 relative à la zone économique et à la zone de
protection écologique au large des côtes du territoire de la République,
ci-après reproduit :
« Dans la zone économique
définie à l'article 1er ci-dessus, les autorités françaises exercent
en outre les compétences reconnues par le droit international relatives à la
protection et à la préservation du milieu marin, à la recherche scientifique
marine, à la mise en place et à l'utilisation d'îles artificielles,
d'installations et d'ouvrages.
« Lorsque, dans une
zone délimitée ainsi qu'il est précisé à l'article 1er, les
autorités françaises entendent, pour des motifs tenant aux relations
internationales, n'exercer que les compétences mentionnées à l'alinéa
ci-dessus, cette zone est dénommée zone de protection écologique. Dans cette
zone les dispositions de l’article 3 ne s’appliquent pas aux navires battant
pavillon d’un État étranger. »
Fait à Paris, 27 février 2002
Signé :
Lionel Jospin
Par le Premier ministre :
Le ministre de l’aménagement du
territoire et de l’environnement,
Signé : Yves Cochet