commission des lois |
Proposition de loi Restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants (1ère lecture) (n° 343 ) |
N° COM-35 17 mars 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||
M. SZPINER, rapporteur ARTICLE 4 |
Supprimer cet article.
Objet
L'article 4, relatif à la mise en place d'une procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants, soulève plusieurs difficultés substantielles.
En premier lieu, ce dispositif est affecté par des imperfections juridiques difficilement surmontables. En particulier, et sans que cette énumération soit exhaustive, le texte de l'article 4 porte une contradiction s’agissant des mineurs âgés de 13 à 16 ans sous l’effet d’un double renvoi au 1° de l’article L. 423-4 du code de la justice pénale des mineurs (ce qui implique, pour ces mineurs, que le quantum encouru soit au moins égal à cinq ans d’emprisonnement) et à la condition qu’un placement en détention provisoire soit requis (ce qui, aux termes de l’article L. 334-4, implique cette fois qu’une peine criminelle soit encourue) ; il est par ailleurs dénué de toute dérogation à la procédure « source » au sein de laquelle il s’insère (c’est-à-dire celle de l’audience unique à l’initiative du procureur de la République, prévue par le 2° de l’article L. 423-7), alors même que celle-ci n'est pas en cohérence avec la procédure projetée (à titre d'exemple, elle prévoit la remise au mineur d’un procès-verbal où sont inscrites « à peine de nullité » les formalités relatives à la convocation ultérieure de ce dernier devant une juridiction, celle-ci étant par nature sans objet en cas de comparution immédiate...). Ces incohérences font de l’article 4 un facteur de risque juridique pour les parquets et les juridictions.
Par ailleurs, l'article 4 sera d'une application rare, voire impossible en pratique au vu de ses conditions de mise en œuvre. En effet, la nouvelle comparution immédiate supposerait que :
- le mineur soit poursuivi par le parquet avec une demande par celui-ci d’une audience unique, ce qui ne concernait en 2023 que 2 995 mineurs pour 47 329 saisines des juridictions compétentes ;
- la détention provisoire, exceptionnelle pour les mineurs, soit demandée ;
- le mineur et son avocat acceptent la comparution immédiate, alors même que leur intérêt à y consentir n’a rien d’évident.
Outre le fait qu’elles paraissent peu réalistes sur le fond, ces conditions restrictives rapprochent la procédure envisagée de l’ancienne présentation immédiate. Or, régie par des critères d’éligibilité analogues à ceux prévus par l’article 4, cette dernière était très peu utilisée : en 2019, sur 62 568 mineurs délinquants, on ne dénombrait que 203 cas de présentation immédiate.
Plus largement, l'évolution proposée ne permettrait ni de juger en comparution immédiate des mineurs primo-délinquants (la jurisprudence du Conseil constitutionnel et la primauté accordée à l’éducatif sur la répression impliquent que ne peuvent pas être soumis à une peine les mineurs dont la personnalité n’est pas connue, si bien que les procédures dérogatoires se concentrent sur les seuls mineurs récidivistes ou réitérants), ni de conduire au prononcé de peines plus sévères (de l’aveu même du ministère de la justice, le recul des peines d'emprisonnement prononcées à l'encontre des mineurs est lié à l’application à ces derniers des dispositions de portée générale du code de procédure pénale prohibant le recours aux courtes peines, et non aux règles du code de la justice pénale des mineurs). Ainsi, l’article 4 ne répond ni à l’émergence d’une primo-délinquance ultraviolente, ni à la volonté affichée par les auteurs du texte de favoriser une plus grande sévérité des juridictions.
Il est ainsi proposé de supprimer le dispositif, qui semble à défaut voué à rester une mesure d'affichage.