commission des lois |
Proposition de loi Structures, comités, conseils et commissions « Théodule » (1ère lecture) (n° 29 ) |
N° COM-1 rect. bis 16 décembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme PONCET MONGE et MM. BENARROCHE et MELLOULI ARTICLE 14 |
Supprimer cet article.
Objet
L’article L176-2 du code de la sécurité sociale dispose qu’une commission remet un rapport tous les trois ans évaluant le coût pour la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. L’article 14 de la présente PPL propose de supprimer la commission qui établit ce rapport, mais pas les dispositions légales établissant le fait qu’un transfert doit exister tous les ans en LFSS à ce titre. Ainsi, l’adoption de cet article maintiendrait dans le code de la sécurité sociale le transfert annuel de la branche AT-MP vers la branche maladie, mais sans moyen de calculer son montant !
En outre, c’est bien la loi qui détermine que cette commission se réunit tous les trois ans, et les seize experts ont rendu leur dernier rapport en juin 2024. Ainsi, le fait de la qualifier de "comité Théodule" qui serait « dormant depuis plus d’un an » est inexact à double titre : c’est la loi qui établit qu’il doit se réunir seulement tous les trois ans, et son dernier rapport date d’il y a six mois.
Si le prochain rapport est prévu pour 2027, la commission elle-même dans ses recommandations préconise une réunion annuelle de suivi de ses recommandations, qui ne sont actuellement que peu, voire pas suivies. Le groupe Ecologiste, Solidarité et Territoires avait appuyé cette réunion de suivi par un amendement à feu le PLFSS 2025 ; la majorité sénatoriale avait voté contre cet amendement.
Sur le fond, si une telle commission d’évaluation de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) doit exister, c’est que de nombreux AT-MP ne sont pas déclarés en tant que tels, et se trouvent alors pris en charge par l’Assurance maladie “à tort”. Comme le soulignent les rapporteures de la commission des affaires sociales sur la branche AT-MP pour le PLFSS 2025, cette sous-déclaration structurelle est bien documentée et ses causes sont identifiées : soit l’absence d’ouverture d’une procédure de reconnaissance d’un AT-MP (qui peut être liée à la méconnaissance des procédures par les professionnels de santé ou les victimes, ou au défaut de détection des pathologies d’origine professionnelle, ou encore à la crainte que la déclaration d’un AT-MP puisse avoir des répercussions professionnelles dommageables), soit une procédure de reconnaissance d’un AT-MP a été ouverte mais n’a pas abouti, à tort (soit du fait de la difficulté de déterminer l’origine professionnelle de certaines pathologies ou accidents lorsque les facteurs de risque sont divers, soit à cause de la complexité de la procédure d’accès à la réparation).
En 2021, le rapport du comité estimait le montant des sous-déclarations entre 1 et 2 Md€. À ce titre, avec une doctrine d’adopter la fourchette basse, le transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie a représenté 1,2 Md€ en 2023 et 2024.
En 2024, le rapport constate l’augmentation du coût de la sous-déclaration, en l’estimant entre 2 et 3,8 Md€, du fait mécanique de l’augmentation du coût moyen de la prise en charge de chacune des pathologies étudiées, des avancées de la recherche épidémiologique sur l’imputation de pathologies au champ professionnel, de l’élargissement du périmètre des pathologies étudiées en lien avec la prise en compte des troubles psychiques – qui ne couvre pas pour autant toutes les pathologies – et du facteur populationnel.
Si dans l’idéal il faudrait régler le problème structurel de sous-déclaration en s’attaquant à chacune de ses causes, en attendant il est nécessaire d’avoir un dispositif pour l’évaluer, et ainsi assurer une compensation entre les branches AT-MP et Maladie, or la PPL ne propose pas d’alternative à ce titre.
En outre, le rapport de la commission fait de nombreuses recommandations pour prévenir les AT-MP. A l’heure où d’année en année le nombre d’accidents du travail reste important, tandis que l’on dénombrait 738 décès en 2022, auxquels il faut ajouter 286 accidents de trajets mortels ainsi que les 151 accidents mortels recensés par la MSA ; à l’heure aussi où la baisse des sinistres reconnus augmente la sous-déclaration, il serait salutaire de veiller à la mise en œuvre des recommandations du rapport de la commission.
Dans son rapport de 2024, la Commission constatait que « la plupart des recommandations faites par la commission précédente en 2021 n’ont pas ou peu été mises en œuvre ». Un suivi annuel de ses recommandations et de leur mise en œuvre réelle permettrait de stopper l’augmentation des accidents du travail et de baisser les coûts de la sous-déclaration, plutôt que supprimer le comité, ce qui reviendrait à casser le thermomètre plutôt que traiter la fièvre.
L’objet de cet amendement est donc de ne pas supprimer le comité d’évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui est bien actif et remet des rapports de qualité.