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commission des affaires étrangères

Projet de loi

programmation militaire 2024-2030

(1ère lecture)

(n° 712 )

N° COM-56 rect.

12 juin 2023


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

MM. CAMBON, PERRIN et TEMAL, rapporteurs


Article 2

(RAPPORT ANNEXÉ)


Après l'alinéa 10, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France s'est dotée d’une stratégie pour l’Indopacifique, allant des côtes occidentales de l’Afrique aux territoires français du Pacifique qui s'appuie sur de grands partenariats stratégiques avec l'Australie, le Japon et l'Inde notamment. Elle doit distinguer quatre zones d’actions spécifiques au sein de l’Indopacifique : l’océan indien occidental, l’indopacifique central, le pacifique sud, et le pacifique oriental. Sans nier l’importance géostratégique de la jonction des deux océans, ou décourager les initiatives transversales, ce zonage permettra, d'une part, de prendre en compte la diversité des États qui le composent et leurs priorités, et, d'autre part, de synchroniser les actions menées en différents points de l’Indopacifique, en donnant de la lisibilité à l’action de la France et en traitant les impensés de la stratégie que sont Taïwan, l'Amérique du Sud et le Pakistan, notamment. La stratégie indopacifique française est bien articulée avec la stratégie indopacifique de l'Union européenne, dont la France, seul pays à la fois européen et indopacifique, est une inspiratrice et une cheville ouvrière. Elle doit tenir compte du positionnement chinois, de son agenda et de sa volonté de s’affirmer première puissance mondiale et définir une position forte en regard, permettant la coopération internationale sur les grands sujets environnementaux et protégeant les intérêts français dans les domaines où la Chine est moins partenaire que compétitrice économique et rivale stratégique.

Objet

L’indopacifique recouvre entre les 2/3 et la moitié de la surface du globe terrestre et héberge 60 à 75 % de la population mondiale. C’est le lieu le plus rapide de création de richesses, avec six membres du G20 : la Chine et l’Inde qui ont les PIB les plus dynamiques de la planète, la Corée du Sud, l’Indonésie, le Japon et l'Australie. L’indopacifique génère aujourd’hui près de 40 % de la richesse globale et pourrait représenter plus de 50 % du PIB mondial en 2040 selon les prévisions du FMI. Au moins la moitié du fret mondial transite par cette zone qui concentre l’essentiel des réserves mondiales de matières premières critiques : 85 % du lithium, 75 % du nickel et 75 % des réserves de cuivre. La dépendance de l’Union européenne en la matière est alarmante, soit 95 % sur 30 métaux critiques en 2020. La place de la Chine sur le marché des matières premières critiques est prépondérante, près de 90 % des terres rares et 60 % du lithium sont traités en Chine. La Nouvelle-Calédonie détient 20 % des réserves mondiales de nickel. Le G3 à l’horizon de 20 ans devrait regrouper les États-Unis, la Chine et l’Inde, tous situés dans l’indopacifique.

La France s'est dotée d’une stratégie pour l’Indopacifique, allant des côtes occidentales de l’Afrique aux territoires français du Pacifique, qui s'appuie sur le concept de "puissance d'équilibres". Elle doit permettre à une France, ni alignée ni vassalisée de rester fidèle à ses alliances tout en marquant sa différence.

La stratégie de la France s’arrête à la réaffirmation de l’attachement de notre pays, partagé avec l’Inde, l’Australie, le Japon et l’Asean, à un ordre multilatéral fondé sur le droit. Les revendications territoriales chinoises, dites « ligne en neuf traits » sur la mer de Chine méridionale, ne sont nommées que de façon très prudente dans la stratégie de la France pour l’Indopacifique. Elles ont pourtant fait l’objet d’une condamnation la Cour permanente d'arbitrage (PCA) de la Haye en 2016. Le discours français est parfois contre-productif : la position française paraît ambiguë et nos ambitions d’être une puissance d’équilibre ne sont pas en adéquation avec notre poids réel, ce qui pose in fine des questions sur la crédibilité même de la stratégie française. Enfin, être une puissance d’équilibres, si l’on s’en donnait les moyens, ne serait possible que si la situation le permettait. Or la politique et les ambitions chinoises fragilisent l’équilibre indopacifique. L’aspiration au statut de puissance internationale de la Chine se manifeste par une stratégie planifiée dans le temps long par le parti communiste chinois visant à la doter du statut de première puissance mondiale d’ici 2050, année du centenaire de la création de la République populaire de Chine. Le XXème congrès du parti communiste chinois d’octobre 2022 a été l’occasion d’un nouveau durcissement des positions chinoises : la légitimité du PCC repose désormais sur la promesse du rétablissement du rang impérial de la Chine garanti par Xi Jinping (et non plus sur la croissance économique). Dans ce contexte, la France devra réaffirmer une position ferme si les aspirations chinoises sont défavorables aux intérêts français et aux valeurs qu’elle défend, telles le multilatéralisme, la libre navigation, l’État de droit et les droits de l’homme. La stratégie française doit tenir compte du positionnement chinois, de son agenda et de sa volonté de s’affirmer première puissance mondiale et définir une position forte et réaliste en réponse.

La lisibilité de la stratégie indopacifique gagnerait à distinguer des zones aux seins de l’Indopacifique, non pour nier l’importance géostratégique de la jonction des deux océans, ou décourager les initiatives transversales, mais pour prendre en compte la diversité des États qui le composent et leurs priorités. Ce zonage n’empêcherait en rien la gestion de questions transversales mais permettrait au contraire de synchroniser les actions menées en différents points de l’Indopacifique, en donnant de la lisibilité à l’action de la France et en traitant les impensés de la stratégie que sont Taïwan, l'Amérique du Sud, le Pakistan, notamment. Les 4 zones d’actions spécifiques pour mieux associer les pays concernés sont l’océan indien occidental, l’indopacifique central, le pacifique Sud, et le pacifique oriental, tels que définis dans le rapport d'information n° 285 (2022-2023)  du 25 janvier 2023 intitulé "La stratégie française pour l'Indopacifique : des ambitions à la réalité" par Cédric Perrin, Rachid Temal, Hugues Saury, Jacques Le Nay, André Gattolin et Joël Guerriau.