CS numérique |
Projet de loi Sécuriser et réguler l'espace numérique (1ère lecture) (n° 593 ) |
N° COM-74 rect. bis 27 juin 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes Marie MERCIER, BELLUROT et BILLON, M. BONNECARRÈRE, Mme BORCHIO FONTIMP, MM. BURGOA, CADEC, CHARON, CHATILLON et CUYPERS, Mme DUMONT, M. GENET, Mme Frédérique GERBAUD, M. GREMILLET, Mmes HERZOG et JACQUES, M. LONGEOT, Mme LOPEZ, MM. MILON, PANUNZI, PELLEVAT, SAVARY et SOMON et Mme VÉRIEN ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 14 |
Après l'article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À l’article L. 320-6 du code de la sécurité intérieure, le 6° est ainsi rédigé :
« 6° L'exploitation des paris hippiques en ligne, des paris sportifs en ligne, des jeux de cercle en ligne et des jeux de casino en ligne dans le cadre des agréments délivrés en vertu respectivement des dispositions des articles 11,12, 14 et 14 bis de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. »
II. - Au quatrième alinéa de l’article L. 321-5-1 du code de la sécurité intérieure, après les mots : « mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 321-3 », sont insérés les mots « ainsi que sur les sites d’opérateurs de jeux de casino en ligne définis à l’article 15 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. »
III. - Après l’article 14 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, il est inséré un article 14-1 ainsi rédigé :
« Art. 14-1. - 1° Par dérogation aux dispositions de l'article L. 324-1 du code de la sécurité intérieure, toute personne titulaire de l'agrément prévu à l'article 21 de la présente loi en tant qu'opérateur de jeux de casinos en ligne peut organiser, dans les conditions prévues par la présente loi, de tels jeux.
« 2° L’agrément prévu au I ne recouvre pas les jeux mentionnés à l’article 14 de la loi.
« 3° Pour l'application du I, peuvent être proposés en ligne les jeux de table fondés sur le principe de la contrepartie et les machines à sous, tels que définis par l’article L. 321-5-1 du code de la sécurité intérieure. Les catégories de jeux autorisés ainsi que les principes régissant leurs règles techniques sont fixés par décret.
« 4° L'exploitation des machines à sous en ligne est autorisée exclusivement sur les sites titulaires de l’agrément prévu au présent article.
« 5° Les mises sont enregistrées en compte par transfert de données numériques exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au public en ligne, à l'initiative du joueur connecté directement au site de l'opérateur agréé. »
IV. - La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est ainsi modifiée :
1° Le I de l’article 21 est ainsi rédigé :
« I. L'agrément pouvant bénéficier aux opérateurs de jeux ou de paris en ligne mentionnés aux articles 11, 12, 14 et 14 bis est délivré par l'Autorité nationale des jeux. Il est distinct pour les paris hippiques, les paris sportifs, les jeux de cercle et les jeux de casino en ligne. Il est délivré pour une durée de cinq ans. Il est renouvelable. Il n'est pas cessible. L'agrément est subordonné au respect par le bénéficiaire du cahier des charges, mentionné à l'article 20, qui lui est applicable et des autres obligations énoncées dans la présente loi. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent paragraphe. »
2° Au dernier alinéa de l’article 34, les mots : « mentionnées aux deux derniers alinéas du II de l’article 14 » sont remplacés par les mots : « et de casino en ligne mentionnés aux articles 14 et 14 bis ».
Objet
Si la loi du 12 mai 2010 d’ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux d’argent et de hasard en France a constitué une avancée majeure du cadre règlementaire, la régulation des jeux en ligne demeure fragmentée et incomplète.
Au sein de l’espace européen et dans un contexte de digitalisation des usages et des marchés, la règlementation française s’est illustrée par une singularité : celle de l’absence d’ouverture à régulation du casino en ligne. Cette approche partielle de la réglementation portant sur les jeux d’argent et de hasard a été soulignée par l’Inspection Générale des Finances dans son rapport de septembre 2018. Elle a eu pour conséquence une croissance continue de l’activité illégale du casino en ligne dont les dernières statistiques révèlent l’ampleur du marché parallèle et de l’offre disponible en France. Plus de 1000 sites illégaux évolueraient sur le marché français et la France compterait, selon une étude Toluna Harris Interactiv de 2020, entre 1,4 et 2,2 millions de joueurs de casino en ligne (4% et 6% des Français de 18-60 ans). Le constat d’une progression fulgurante du jeu illégal (500 000 joueurs en 2016 contre plus de 2 millions en 2020) est corroboré par la dernière étude de l’OFDT (septembre 2022) qui révèle le poids très inquiétant de l’offre illégale (eSport, jeux de casino et jeux de machine à sous) parmi les pratiques de jeux. L’offre illégale concernerait 48% des joueurs en ligne interrogés, le marché parallèle représenterait ainsi 1,5 à 2 milliards d’euros, soit jusqu’à 1 milliard d’euros de recettes fiscales perdues, chaque année, pour l’Etat.
En matière de santé publique, la singularité du cadre réglementaire français a des conséquences importantes. La non-régulation du casino en ligne - qui se traduit par une absence d’offre légale, sûre et protectrice - génère une confusion importante auprès des joueurs. Selon une étude Harris Interactive de 2022, plus de 80% des Français ignorent totalement son illégalité. Cette confusion s’accentue par la normalisation de ce marché, en raison de la promotion de cette offre illégale sur les principaux moteurs de recherche et, de surcroît, par l’intermédiaire de personnalités particulièrement populaires auprès des jeunes mineurs.
La fragmentation du cadre réglementaire portant sur les jeux d’argent et de hasard revient, en effet, à l’acceptation tacite de l’existence de sites illégaux qui ne mettent en place aucune des mesures nécessaires pour protéger les publics les plus vulnérables, à commencer par les mineurs et les joueurs à risques, alors que les prévalences de jeu excessif sont bien plus élevées pour les activités non régulées (taux de près de 20% pour le casino en ligne illégal).
Face au constat de l’inefficacité de la politique d’interdiction, 3 Français sur 4 sont favorables à la régulation et au contrôle par l’État des jeux de casinos en ligne (étude Toluna-Harris 2023). Les associations de lutte contre le jeu excessif alertent quant à elles sur les conséquences directes du jeu illégal en matière de santé publique. Dans son dernier rapport, SOS Joueurs, indique : « Les chiffres sont éloquents. Nous ne pouvons que constater l’augmentation de joueurs pathologiques pratiquant des jeux de casino sur des sites en .com. Les jeux proposés par le secteur non régulé sont particulièrement addictogènes. [...] A défaut de parvenir à enrayer le marché non régulé, qui selon nous ne serait possible qu’avec le concours du secteur bancaire, ne serait-il pas temps d’examiner l’ouverture de ce secteur au marché français ? »
Dans l’objectif d’apporter une réponse à la hauteur de l’ambition de sécuriser et réguler l’espace numérique, l’enjeu réel est donc la mise en place d’une réglementation globale et harmonisée qui permette de lutter efficacement contre l’offre illégale. Cette exigence s’impose avec d’autant plus d’acuité face à la perspective de création d’un régime de déclaration préalable pour les Jeux à Objets Numériques Monétisables (JONUM) qui pourrait créer une brèche au sein de l’édifice réglementaire protecteur, strict et exigeant portant sur les jeux d’argent et de hasard.
Dans un tel contexte et face à la persistance du jeu illégal, cet amendement propose de réguler les activités de casino en ligne, à savoir les machines à sous et jeux de contrepartie en ligne afin de sécuriser et réguler l’espace numérique.