commission des affaires économiques |
Proposition de loi Approvisionnement des Français en produits de grande consommation (1ère lecture) (n° 261 ) |
N° COM-44 6 février 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme LOISIER, rapporteure ARTICLE 3 |
I. – Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
1° La fin du premier alinéa du II de l’article L. 442-1 est ainsi rédigée : « , et, pour la détermination du tarif applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. » ;
2° L’article L. 443-8 est ainsi modifié :
a) Au VII, les mots : « au présent article » sont remplacés par les mots : « aux dispositions des I à VI du présent article » ;
b) Après le VII, est ajouté un VIII ainsi rédigé :
« VIII.- Pour les produits mentionnés au I, en cas de rupture commerciale entre le fournisseur et son acheteur, le tarif applicable durant la durée du préavis mentionné au II de l’article L. 442-1 respecte les dispositions du II du présent article. »
II. – Alinéas 5 à 8
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
II. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans, à défaut de convention écrite conclue au plus tard le 1er mars conformément à l’article L. 441-4 du code de commerce ou dans les deux mois suivant le début de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier, le fournisseur ou le distributeur peut saisir la médiation des relations commerciales agricoles ou des entreprises afin de conclure, sous son égide et avant le 1er avril, un accord fixant les conditions d’un préavis, notamment le tarif du fournisseur applicable durant la durée dudit préavis. Dans ce cas, la convention échue est prolongée d’un mois.
En cas d’accord des parties sur les conditions du préavis, le tarif mentionné au premier alinéa s’applique rétroactivement aux commandes passées par le distributeur durant la durée de la médiation.
En cas d’échec de la médiation, les conditions du préavis conclu entre le fournisseur et le distributeur en application du II de l’article L. 442-1 du code de commerce et du VIII de l’article L. 443-8 du même code s’appliquent rétroactivement aux commandes passées par le distributeur durant la durée de la médiation.
Objet
Cet amendement propose de préciser et renforcer les éléments sur lesquels doit se fonder la négociation d’un préavis de rupture, dans le but de rééquilibrer et fluidifier les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs en cas de désaccord au 1er mars sur les termes de la convention écrite.
Le droit actuel est en effet flou quant aux conditions auxquelles un fournisseur doit livrer ses produits à un distributeur durant le préavis de rupture intervenant à la suite d’un désaccord au 1er mars. D’une part, les distributeurs considèrent que ce sont les conditions antérieures du contrat qui s’appliquent durant cette période, s’appuyant pour cela sur des jurisprudences éloignées dans le temps qui, in fine, sont peu adaptées aux conditions actuelles des négociations entre fournisseurs et grande distribution, le juge n’ayant pas été saisi de cas « emblématiques » récemment. D’autre part, les fournisseurs considèrent qu’en cas de désaccord au 1er mars, ils devraient être autorisés à cesser toute livraison, voire, en cas de poursuite des commandes par le distributeur, à livrer au tarif demandé qui a, précisément, fait l’objet d’un désaccord au 1er mars.
L’article L. 442-1 du code de commerce précise simplement que le préavis doit notamment tenir compte de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. Le caractère très général de ces dispositions, et les très rares saisines du juge, ouvrent donc la voie à des interprétations divergentes et hétérogènes.
Or cette situation, déjà peu satisfaisante lorsque l’inflation est faible, est d’autant plus préoccupante lorsque l’inflation des différents intrants est forte, comme c’est le cas en France depuis plus d’un an. Dans ce cas de figure en effet, l’interprétation des distributeurs de cet article L. 442-1 peut les conduire à exiger un approvisionnement au tarif ancien : ce tarif est donc plus faible en absolu que celui qu’ils viennent de refuser, mais il est également relativement plus faible que celui dont s’acquittent leurs concurrents distributeurs ayant trouvé un accord au 1er mars. Par conséquent, l’hétérogénéité des interprétations de la loi, et le caractère flou de cette dernière, diminuent l’incitation à négocier un tarif acceptable par les deux parties, le distributeur sachant qu’en tout état de cause, il achètera les produits durant six, neuf ou douze mois à un tarif moins élevé. Or entre temps, la structure des coûts des fournisseurs se déforme, compte tenu de l’inflation du coût de leurs intrants, ce qui peut les conduire à produire et livrer à perte.
La solution proposée par cet article 3 n’est pas satisfaisante, même si elle semble moins « maximaliste » que celle proposée initialement dans la proposition de loi. En autorisant les parties à négocier durant un mois de plus sous l’égide du médiateur et en prévoyant, en cas d’échec de la médiation, que la relation commerciale est rompue subitement, sans préavis et donc sans livraison, elle fait courir un double risque. Premièrement, un distributeur souhaitant couper toute relation avec une entreprise se verrait désormais offrir la possibilité de le faire sans avoir à respecter un quelconque préavis ; cette situation, problématique dans son principe-même au regard des usages et du droit en matière de relation commerciale, serait plus particulièrement préjudiciable aux PME, dont les produits sont souvent davantage substituables que les grandes marques nationales et qui perdraient ainsi le bénéfice du préavis. Deuxièmement, un industriel de grande taille, fabricant un produit phare qui ne saurait disparaître des rayons sans causer un risque réputationnel et financier aux distributeurs, pourrait désormais proposer des tarifs particulièrement élevés sachant que lesdits distributeurs préféreront, dans l’ensemble, s’acquitter de ce tarif plutôt que présenter des rayons vides aux consommateurs.
Autrement dit, cet article 3, indépendamment des objectifs légitimes qu’il entend atteindre, fait courir à la fois un risque d’approvisionnement pour tous les distributeurs, et un risque de déréférencement brutal et soudain pour les PME.
Par conséquent, et afin de traiter cette problématique du tarif applicable durant l’exécution du préavis de rupture, cet amendement propose de cadrer juridiquement les éléments sur lesquels doit se fonder la négociation du préavis.
Premièrement, il précise à l’article L. 442-1 que le préavis doit tenir compte des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. Ces conditions peuvent par exemple, sans que cette liste ne soit exhaustive, concerner le taux d’inflation des produits, le taux d’inflation des intrants nécessaires à leur fabrication ou encore la hausse moyenne de tarif acceptée par les distributeurs concurrents ayant trouvé un accord au 1er mars. Ce faisant, et a fortiori en période d’inflation, un préavis durant lequel la livraison des produits se ferait aux conditions antérieures du contrat, sans aucune évolution, sera en infraction avec ces dispositions. En outre, en cas de désaccord entre fournisseur et distributeur sur les modalités du préavis, la saisine du juge des référés sera facilitée par le fait que ce dernier disposera d’une indication explicite que les conditions économiques du marché doivent être prises en compte.
Deuxièmement, il précise que dans le cas des produits alimentaires, le tarif applicable durant la durée du préavis respecte le principe de non-négociabilité de la matière première agricole.
Troisièmement, il maintient le principe d’une expérimentation, portée à trois ans, durant laquelle, en cas de désaccord au 1er mars, les parties peuvent saisir le médiateur des relations commerciales agricoles ou le médiateur des entreprises afin de tenter de conclure, sous son égide et dans un délai maximal d’un mois, un accord sur le préavis de rupture. Contrairement à l’article 3 adopté à l’Assemblée nationale, ce mois de médiation ne représente aucunement un mois supplémentaire de négociation de la convention écrite, dont la date butoir reste fixée au 1er mars. Si, à l’issue de la médiation, un accord sur le préavis est conclu, le tarif nouvellement défini s’applique rétroactivement dès le 1er mars, dans l’hypothèse où des commandes du distributeur auraient été passées entre le 1er mars et la date de conclusion de l’accord. Si, à l’issue de la médiation, aucun accord n’est trouvé, les parties restent soumises aux nouvelles dispositions du II de l’article L. 442-1, à savoir conclure entre elles un préavis tenant compte des conditions économiques du marché ; si elles ne parviennent pas à s’entendre, le droit commun s’applique, qui autorise la partie s’estimant lésée à saisir le juge.
Cet amendement règle ainsi trois problématiques : les industriels ne peuvent plus se voir imposer de livrer à un tarif devenu caduc, les distributeurs ne courent plus le risque d’un arrêt brutal des livraisons, et les PME ne courent plus le risque d’un déréférencement soudain.
Enfin, cet amendement supprime les références à la notion de « bonne foi », superfétatoire au regard du droit commun et, en tout état de cause, particulièrement complexes à prouver. En effet, les désaccords nés d’une négociation commerciale portent en général sur le tarif à conclure ; rien n’obligeant une partie à contracter à un tarif qu’elle refuse, il aurait été particulièrement ardue de prouver qu’une négociation s’était tenue de mauvaise foi.