commission des lois |
Projet de loi Vigilance sanitaire (Nouvelle lecture) (n° 131 ) |
N° COM-1 4 novembre 2021 |
Question préalableMotion présentée par |
|
||||
M. BAS, rapporteur TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE |
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée en nouvelle lecture, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire n° 131 (2021-2022).
Objet
Après l’échec de la commission mixte paritaire, cette motion a pour objet d’opposer la question préalable au projet de loi n° 131 (2021-2022), adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.
Le Sénat a constamment assumé ses responsabilités pour permettre aux autorités sanitaires de faire face à l’épidémie de covid-19. Il l’a fait de nouveau la semaine dernière en adoptant le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire après l’avoir amendé pour adapter les moyens d’action du Gouvernement à la réalité de l’épidémie, compte tenu des progrès de la vaccination et de la mise au point rapide de traitements prometteurs, qui ne doivent cependant pas empêcher la poursuite d’une action vigilante face aux indices d’une reprise des contaminations.
En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a rétabli au 31 juillet 2022 la date de terme des prérogatives exceptionnelles accordées au Gouvernement. Ce faisant, les députés ont avalisé la mise à l’écart du Parlement. Il en résultera un affaiblissement du contrôle des prérogatives exercées par le Gouvernement pour faire face à l’épidémie de covid-19, alors même que ces prérogatives sont par nature fortement restrictives des libertés de nos concitoyens et ne se justifient plus au même degré qu’avant l’été.
En opposant une fin de non-recevoir à l’exigence d’une nouvelle autorisation législative d’exercice des pouvoirs exceptionnels avant le 28 février 2022, le Gouvernement fait obstacle au droit du Parlement d’exercer sans entrave sa mission constitutionnelle de protection des libertés. C’est en effet à la représentation nationale et à elle seule que revient dans sa diversité la prérogative d’apprécier régulièrement la proportionnalité et l’adaptation aux exigences de la santé publique des mesures de contrainte que le Gouvernement demande à être autorisé à prendre.
L’Assemblée nationale est également revenue sur la territorialisation et l’encadrement des outils de lutte contre l’épidémie que le Sénat avait définis. Le Sénat avait clarifié les outils de lutte contre la crise sanitaire en établissant un régime clair de vigilance sanitaire, et en ne permettant la prorogation du passe sanitaire que dans les départements où le taux de vaccination de la population âgée de plus de douze ans est inférieur à 80 % et où une circulation active du virus est observée. Cette adaptation destinée à mettre le passe sanitaire progressivement en voie d’extinction en tenant compte de la réalité de l’épidémie et du taux de vaccination de la population s’est heurté à un refus intransigeant de l’exécutif, relayé par la majorité de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, en optant pour une simple prolongation, sans aucune simplification, d’un droit d’exception particulièrement complexe fondé sur la superposition de deux régimes de lutte contre l’épidémie en grande partie concurrents, l’Assemblée nationale a laissé toute latitude au Gouvernement dans l’exercice de ses prérogatives exceptionnelles, sans que le législateur ne joue son rôle dans l’appréciation du bien-fondé des contraintes susceptibles d’être imposées à nos concitoyens.
Enfin, l’Assemblée nationale a rétabli la nouvelle dérogation au secret médical que le Gouvernement souhaite créer au bénéfice des directeurs d’établissements d’enseignement scolaire aux fins de « faciliter l’organisation de campagnes de dépistage et de vaccination » et d’ « organiser des conditions d’enseignement permettant de prévenir les risques de propagation du virus ». Permettre une discrimination entre élèves pour l’accès aux enseignements fondée sur leur statut vaccinal ou viral, et remettre en cause les exigences fondamentales du secret médical sans justification sérieuse du point de vue de l’efficacité de la lutte contre le virus, est inacceptable et paraît en outre intervenir à contretemps à l’heure où la situation sanitaire évolue plus favorablement.
Alors même que le Sénat s’est toujours montré disposé à accorder au Gouvernement les prérogatives nécessaires pour faire face à la situation sanitaire à la condition de maintenir un contrôle parlementaire exigeant, la position adoptée par l’Assemblée nationale constitue une source de très vive préoccupation. Dans un domaine aussi important que les libertés individuelles, il n’est pas acceptable que la représentation nationale tout entière soit durablement tenue à l’écart du contrôle des pouvoirs exercés par l’exécutif, qui ont pour effet de restreindre ces mêmes libertés.
Compte tenu de l’intransigeance manifestée par le Gouvernement et sa majorité parlementaire, il apparaît manifestement impossible, au regard de la position de l’Assemblée nationale, de parvenir à un texte commun respectant les principes fondamentaux de la démocratie délibérative. La présente motion tire les conséquences de cette impossibilité.