commission des lois |
Proposition de loi Protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels (1ère lecture) (n° 158 ) |
N° COM-6 rect. 12 janvier 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme Valérie BOYER, M. DAUBRESSE, Mme THOMAS, M. Henri LEROY et Mme DUMONT ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 4 |
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au troisième alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, les mots : « se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers » sont remplacés par les mots : « est imprescriptible ».
Objet
Plusieurs études démontrent une réalité largement compréhensible, les violences sur mineurs entrainent des manifestations psychologiques et psychiatriques.
Il a été démontré que certaines pathologies sont la conséquence de violences, souvent sexuelles vécues dans l'enfance, non traitées : diabète, hypertension, cancers, pathologies gynécologiques, rectales, ORL, maladies auto-immunes, colopathie fonctionnelle, fibromyalgie, stérilités...
Et plus l'enfant est jeune, plus les conséquences sont dramatiques.
D’autres enquêtes[1], souligne à quel point la libération de la parole des enfants reste compliquée. Pour plus des deux tiers des victimes, le fait d’avoir parlé n’a entraîné aucune conséquence, seules 8 % ont été protégées, l’agresseur n’est éloigné de la victime que dans 6 % des cas.
Résultat : un quart des victimes côtoie encore l’agresseur et près d’une sur dix le croise régulièrement. Cela s’explique par le fait que, le plus souvent, l’agresseur est un proche, notamment un parent, que les infractions sexuelles sur mineures ont lieu derrière les portes closes du huis clos familial. Nous sommes face à un emboitement des silences.
Rappelons également le poids de l’inceste. « La majorité des violences sexuelles sont faites à des enfants de moins de 10 ans, qui sont en grande majorité des filles (pour 83 %). Majoritairement, elles ont lieu dans le cadre familial et sont commises par un parent proche. »
C’est d’ailleurs ce qui ressort du livre de Camille Kouchner (La Familia grande, éditions Seuil), qui accuse son beau-père, d’agressions sexuelles sur son frère jumeau alors âgé de 13 ans, dans les années 80. Des faits donc déjà prescrits.
En effet, la loi d'août 2018 contre les violences sexuelles a allongé de 20 à 30 ans le délai de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs, à compter de leur majorité, afin de faciliter la répression de ces actes. Elle n'est toutefois pas applicable aux faits déjà prescrits. De nombreuses associations[2], réclament depuis des années l'imprescriptibilité des crimes commis sur les mineurs. Elles considèrent en effet que la « la prescription est un passeport pour le viol ».
Pour l’association, Osez le féminisme : « il y a des systèmes d'omerta, de verrouillage du secret, surtout au sein des familles. Puis le secret finit par exploser mais c'est souvent trop tard : il y a prescription ».
Députés et sénateurs ont parfois proposé de rendre imprescriptibles, les crimes et délits, notamment, sexuels sur mineurs.
Lors de la discussion du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, deux amendements[3] ont été présentés en séance au Sénat afin de rendre certains crimes sur mineurs imprescriptibles. Le premier portait l’ensemble des crimes sur mineurs mentionnés à l’article 706-47 du code de procédure pénale, le second uniquement sur les viols sur mineurs.
Rappelons qu’actuellement, seuls sont imprescriptibles les crimes contre l’humanité (dernier alinéa de l’article 7 du CPP).
Mais réserver l'imprescriptibilité aux seuls crimes et délits sexuels pourrait perturber la hiérarchie des crimes au regard des règles de la prescription. Pourquoi en effet prévoir cette imprescriptibilité pour les seuls crimes sexuels ?
Afin d'éviter tout risque d’inconstitutionnalité, il convient donc de prévoir l'imprescriptibilité pour l’ensemble des crimes définis à l’article 706-47 du code de procédure pénale sur mineurs quel que soit leur auteur.
Cela permettrait dans un premier lieu d’envoyer un message fort aux victimes. Aujourd'hui, malgré des réformes positives, les délais ne prennent pas suffisamment en compte le caractère tardif de la révélation après une amnésie traumatique qui peut être levée beaucoup plus tard. Ces victimes se trouvent alors désemparées et ont un sentiment d’injustice ou même de culpabilité. C’est à l’agresseur de se sentir coupable et non pas à la victime.
Ces victimes doivent pouvoir aussi obtenir une indemnisation (éventuellement au civil) afin d'avoir accès à un parcours de soins, afin d’envisager une vie plus normale.
Ensuite cela serait également un signal pour l’auteur du crime ou du délit, qui n’aura plus de sentiment d’impunité qui entraine trop souvent de la récidive.
[2] Comme par exemple l'association « Face à l'inceste »
[3] Amendement n° 12 rectifié ter, présenté par Mmes Meunier et Préville et plusieurs de leurs collègues et amendement n° 84 rectifié quater, présenté par MM. Buffet, Cambon, Charon, Daubresse et Duplomb, Mmes Eustache-Brinio, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Sol, Chaize, Grosdidier, H. Leroy, Rapin et J.M. Boyer, Mme Morhet-Richaud, MM. Panunzi, Huré, Houpert, Bizet, Mayet, Mouiller, Milon, Paccaud et Bonhomme, Mme Micouleau, MM. Lefèvre et Sido, Mme Gruny, M. Joyandet, Mme F. Gerbaud, MM. Laménie et Savary, Mme Lopez, MM. B. Fournier et Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Pellevat, Mmes Garriaud-Maylam et Delmont-Koropoulis et MM. Revet, Cuypers et Savin