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commission des lois

Projet de loi

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

(1ère lecture)

(n° 691 , 0, 0)

N° COM-27

17 juin 2016


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

M. de NICOLAY


ARTICLE 30 A


Supprimer cet article.

Objet

L’article 30 A (nouveau) s’inscrit dans la lignée de 3 articles cumulatifs (30 AB (nouveau) ; 30 AC (nouveau) et 30 A (nouveau) introduits à l’Assemblée nationale :

Le premier est l’article 30 AB (nouveau), qui exonère du droit de préemption de la SAFER, les cessions de droits sociaux dans le cadre d’un pacte de préférence entre associés aux seuls bénéfices des associés exploitants qui sont déjà associés de la société et ce depuis plus de 10 ans.

Le second est l’article 30 AC (nouveau), qui impose à un associé qui réalise un apport à une société, de conserver ses droits sociaux pendant une durée de 10 ans, à défaut de quoi, la SAFER peut demander l’annulation de l’apport.

Le dernier est cet article 30 A (nouveau). Il impose que toute acquisition ou tout apport de droits ou biens immobiliers à une société, fassent l’objet d’une affectation particulière au sein du capital de la société, afin d’ouvrir le droit de préemption de la SAFER lorsque ces droits sociaux seront ultérieurement cédés à un autre associé, et si préemption il y a de la SAFER sur ces droits sociaux, l’opération est regardée comme un retrait d’actifs immobiliers de la société. Enfin, ce même article prévoit que si la cession des droits sociaux se faisait en méconnaissance de ce dispositif envisagé, la SAFER pourrait demander au tribunal de la déclarer acquéreur en lieu et place de l’associé acquéreur.

Le cumul de ces trois articles est en totale contradiction avec les principes constitutionnels. Ces dispositions contribuent à fragiliser l’organisation économique et patrimoniale de toutes les exploitations agricoles constituées dans le cadre de sociétés, mais aussi de toutes les sociétés foncières (GFA, GFR et SCI) qui mettent à disposition de l’agriculture française, leur patrimoine, dans le cadre de la location. Elles condamnent les agriculteurs à être les seuls investisseurs de leur outil de travail au fur et à mesure de sa mise en œuvre, puisque toute cession de parts sociales affectées à un droit ou un bien immobilier, pourra donner lieu à préemption de la SAFER et de facto retrait de cet actif de la société.

En pratique, cet article va fragiliser toutes les exploitations agricoles françaises. Lorsqu’une exploitation agricole a recours au crédit, l’institution bancaire exige en contrepartie des garanties. Si les financements à court terme sont souvent à hauteur des compensations de la politique agricole commune, tous les financements à moyen et long terme se traduisent par des garanties sur le nantissement des parts sociales de la société d’exploitation. Quelle garantie l’institution bancaire souhaitera prendre le jour où la société est victime de la préemption partielle de la SAFER assimilée à un retrait d’actif ? Comment la société remboursera le crédit en n’ayant plus accès aux biens immobiliers objet du retrait ? Avec un tel dispositif, les institutions bancaires ne prendront plus de garantie sur la valeur de la société. Quelles garanties trouveront-elles ? Aucune. Moralité, l’agriculture française n’aura plus accès au crédit.

Les dispositions combinées des articles 30 AB (nouveau), 30 AC (nouveau), 30 A (nouveau) sont un non-sens économique, une aberration politique, économique et sociale.

Le point II de ce nouvel article relatif à la sanction est en totale contradiction avec la décision du Conseil Constitutionnel n°2014-701 DC du 9 octobre 2014, puisqu’elle revient à permettre à la SAFER de s’imposer comme coactionnaire ou co-associé dans une société.

 

Exemple :

-       Une exploitation est organisée sous la forme d’une société (EARL E entre Monsieur M et ses parents)

-       Cette EARL achète 25 hectares de terres qui lui étaient préalablement louées, avec les économies qu’elle a mais aussi par incorporation d’une partie des comptes-courants associés au capital social.

-       Puisque que cet achat nécessite une affectation particulière au capital social, il est nécessaire de réévaluer tous les apports historiques, avec le cas échéant la mise en œuvre d’une prime d’émission afin de ne pas dénaturer l’équilibre entre les associés (apports historiques et mobilisation des économies des uns et des autres) : Enorme complexité pour l’exploitation – augmentation des frais significatifs de cet achat par intervention d’un expert (évaluation) du comptable (soir aussi commissaire aux apports) et d’un notaire ou juriste spécialisé.

-       L’opération se réalise néanmoins.

-       Au décès (ou autre motif de départ des parents de M), Monsieur M doit acheter les parts de ses parents. Il n’en pas les moyens. Ils trouvent des investisseurs (crowfunding (financement participatif), ou aussi des amis qui sont d’accord pour l’aider et acheter les parts des parents).

Application de l’article : Puisque ce n’est pas Monsieur M (associé exploitant depuis plus de 10 ans) qui achète les parts sociales, la SAFER peut préempter et procéder au retrait d’actif et ainsi remettre en cause l’équilibre économique et patrimoniale de la société). Pire même, le retrait d’actif est immédiat. La société se trouve expropriée de son patrimoine sans une juste et préalable indemnité. En ajoutant à cela, que si la société aura pu procéder au nantissement des parts sociales pour garantir un emprunt, la garantie aura disparue de la société.