commission des lois |
Proposition de loi PPL Statut général des AAI et des API (2ème lecture) (n° 568 ) |
N° COM-27 23 mai 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||
MM. François MARC, RICHARD, LOZACH et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE 47 BIS |
Supprimer cet article.
Objet
L’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) exerce, dans le secteur des jeux d’argent et de hasard ligne, une mission de police administrative, qui se décline de la manière suivante :
- Elle lutte contre les sites de jeux d’argent en ligne, sites qui sont des vecteurs de blanchiment et d’escroquerie des populations les plus vulnérables ;
- Elle contrôle en permanence l’activité de jeux des opérateurs qu’elle a agréés et recueille à ce titre, chaque jour, plusieurs dizaines de millions de données ;
- Elle protège les joueurs en veillant au respect de leurs droits et en luttant contre l’assuétude au jeu ;
- Elle est une autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment et le financement ; elle a adopté des lignes directrices propres au secteur qu’elle régule ;
- Elle homologue les logiciels de jeux des opérateurs pour s’assurer de l’intégrité et de la fiabilité des opérations de jeux, mais aussi pour prévenir toute captation des données personnelles des joueurs.
L’abandon de ces missions remettrait en question la cohérence de la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
1. Aujourd’hui, ces missions ne sauraient être exercées directement par l’Etat.
L’autorité administrative indépendante accède à l’intégralité des opérations de jeu enregistrées par les opérateurs, détient les codes sources de leurs logiciels de jeu, est destinataire d’informations financières sensibles sur les opérateurs et est amenée à travailler avec eux, de manière prospective, sur leurs projets d’innovation pour s’assurer de leur conformité. L’indépendance du régulateur permet de garantir le secret des affaires et le jeu d’une saine concurrence.
Or, l’Etat détient aujourd’hui 72 % du capital de la Française des jeux, agréée pour offrir des paris sportifs en ligne par l’ARJEL. Par ailleurs, l’Etat occupe quatre des dix sièges du conseil d’administration du GIE PARI MUTUEL URBAIN, lui aussi titulaire d’un agrément délivré par l’ARJEL pour offrir des paris hippiques et sportifs et du poker en ligne.
Ainsi, l’Etat ne saurait donc réguler un marché dont il est l’un des acteurs principaux, sauf, d’une part, à privatiser la Française des jeux, qui ce faisant perdrait son monopole, et, d’autre part, à modifier la gouvernance du GIE PARI MUTUEL URBAIN.
La répartition des différentes missions de régulation entre plusieurs services de l’Etat ne permettrait pas, en tout état de cause, de surmonter ces obstacles structurels.
2. Confier à plusieurs autorités indépendantes les compétences de l’ARJEL n’est pas davantage envisageable.
Aucune autorité administrative indépendante ne dispose actuellement des compétences nécessaires à la régulation du secteur spécifique des jeux d’argent et de hasard en ligne, de sorte que la fusion de l’ARJEL avec une autre autorité de régulation indépendante n’entrainerait pas les synergies généralement espérées d’une telle opération.
Les missions de l’ARJEL sont par nature transversales et doivent être menées de manière cohérente. Ce constat avait été très clairement dressé par l’Inspection générale des finances dans son rapport établi en mars 2008 sur l’ouverture du secteur des jeux à la concurrence. Par exemple, c’est à partir des dizaines de millions de données de jeu qu’elle collecte quotidiennement, que l’Autorité peut contrôler efficacement l’intégrité et la fiabilité des opérations de jeux, œuvrer contre le blanchiment de capitaux et lutter contre le jeu excessif et pathologique.
Le démantèlement de ces missions aujourd’hui exercées de manière unitaire détériorerait le niveau global de connaissance et de contrôle du secteur et conduirait, à terme, à une altération de la régulation et, par contagion, à une remise en cause des objectifs d’ordre public qui s’attachent aux jeux d’argent.
Dans son rapport « Lutte contre le dopage : avoir une longueur d’avance » du 17 juillet 2013, s’agissant de la fusion de l’ARJEL et de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) qu’il qualifiait de « fausse bonne idée », le Sénateur Jean-Jacques LOZACH soulignait d’ailleurs le « risque que l’autorité, si elle a cette double responsabilité, perde une partie de sa compétence sur l’un ou l'autre de ses enjeux, alors que la France dispose aujourd'hui de deux autorités déjà très reconnues à l'échelle internationale dans l'une et l'autre de ses luttes essentielles à la protection du sport. »
En outre, la Commission européenne exerce aujourd’hui un contrôle particulièrement étroit sur la législation des Etats membres en matière de jeux. Elle insiste régulièrement sur l’importance, en ce domaine particulier, d’un régulateur fort et indépendant, afin que l’ouverture à la concurrence que certains Etats, dont la France, ont réalisée sous sa menace, ne soit pas de pure façade. Elle souligne dans son dernier plan d’action la nécessité d’un régulateur disposant de l’ensemble des compétences afin d’assurer une coopération efficace entre les différents membres de l’UE. La désintégration de l’ARJEL, à la supposer structurellement possible, heurterait les principes définis par la Commission. De ce point de vue, la reprise en main du secteur par l’Etat actionnaire pourrait être perçue comme un recul significatif par rapport à l’avancée, qu’elle avait saluée, intervenue avec la loi du 12 mai 2010 et alors que la procédure lancée contre la France n’a été éteinte qu’en 2011.
3. Le texte d’habilitation contrarie la volonté exprimée par ailleurs par le Gouvernement et le Parlement de confier de nouvelles compétences à l’ARJEL.
Le projet de loi pour une République numérique, actuellement en cours d’examen, confère de nouveaux pouvoirs à l’ARJEL en matière de lutte contre les sites illégaux et attribue à celle-ci de nouvelles missions dans le domaine de la prévention du jeu excessif et pathologique et dans celui de la médiation. Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale développe de son côté les prérogatives de l’ARJEL sur le terrain de la lutte contre le blanchiment des capitaux et de la fraude, en lui permettant d’utiliser l’ensemble des données informatiques mises à sa disposition par les opérateurs agréés.