commission des lois |
Projet de loi République numérique (1ère lecture) (n° 325 ) |
N° COM-152 1 avril 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. COMMEINHES ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 23 |
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est ajouté trois alinéas à la fin de l’article L.1231-15 du code des transports, ainsi rédigés :
« Pour susciter la pratique du covoiturage, les exploitants des plates-formes dématérialisées de covoiturage, y compris lorsque ces plates-formes sont exploitées par eux pour le compte d’une autorité mentionnée à l'article L. 1231-1, peuvent mettre en œuvre des dispositifs, éventuellement financiers ou sous la forme d’avantages en nature, destinés à inciter les conducteurs à partager leurs véhicules particuliers sur les déplacements qu’ils effectuent pour leur propre compte.
Dans le cas d’une incitation financière, celle-ci ne peut pas induire pour les conducteurs la perception d’une somme supérieure au montant des frais engagés par eux pour les besoins de leurs déplacements qu’ils se proposent d’effectuer en covoiturage, au sens du présent article.
Pour le calcul de ce plafond, il est tenu compte du montant également perçu par les conducteurs au titre du partage des frais de covoiturage.»
Objet
Le présent amendement vise à faciliter le développement - via des plates-formes dématérialisées utilisées par les collectivités locales et les opérateurs de transport - d’une offre de covoiturage stimulée et encadrée véritablement capable de répondre à l’ensemble des besoins de mobilité, qu’ils soient ponctuels ou quotidiens, et cela sur tout le territoire (urbains, péri-urbains et ruraux).
En France, la mobilité locale, qui s’effectue essentiellement au quotidien (travail, études, courses…), représente l’essentiel des déplacements (98% en volume selon le CGDD).
Avec les transports en commun et le vélo, le covoiturage constitue aujourd’hui l’un des principaux axes d’action des pouvoirs publics, collectivités locales en tête, en faveur d’une mobilité plus durable.
Or, si toutes les études récentes confirment son dynamisme sur les longues distances, par nature plus ponctuel, le covoiturage sur de courtes distances n’a toujours pas connu de réel démarrage en raison de freins clairement identifiés : d’une part parce que ce mode de transport souffre d’un désintérêt des conducteurs qui n’envisagent pas de partager leurs véhicules particuliers avec d’autres passagers pour les trajets du quotidien à un niveau très local ; d’autre part parce que cette pratique se heurte encore à l’absence d’une « masse critique » d’usagers covoitureurs et covoiturés.
Ainsi, alors qu’il pourrait clairement venir répondre à des besoins de mobilité quotidiens qui peuvent parfois apparaître insuffisamment satisfaits, notamment dans les territoires péri-urbains et ruraux, le développement du covoiturage fait face à ces limites.
Dès lors, comme l’a clairement affirmé l’ADEME dans sa dernière étude sur le sujet en septembre 2015, « une action efficace sur le covoiturage devrait cibler ces déplacements axés sur de courtes distances » ; de surcroît sachant que cette pratique se substitue prioritairement au trajet réalisé seul en voiture et très peu aux déplacements en transport collectif.
En complément de l’article 52 de la loi relative à la transition énergétique, le projet de loi pour une République numérique offre une formidable opportunité d’activer des nouveaux leviers pour développer un covoiturage plus régulier et local. En effet, ce texte rend clairement possible de s’appuyer beaucoup plus fortement sur les exploitants des plates-formes dématérialisées afin de susciter et maintenir une offre de covoiturage suffisamment importante pour créer une « masse critique ».
Ainsi, le présent amendement propose donc de reconnaître expressément la possibilité pour les exploitants de plates-formes d’inciter, y compris financièrement, les conducteurs à pratiquer le covoiturage.
Les incitations proposées pourraient, par exemple, consister (i) en l’octroi – gratuit ou à prix réduit – de places de parking, de locations de vélo ou de véhicules d’auto-partage en libre de service, etc., ou, plus directement, (ii), en le versement d’indemnités financières au profit des covoitureurs.
Afin de respecter la condition de non-onérosité (hors partage des frais) inhérente à la définition du covoiturage, l’amendement plafonne également strictement, et de manière très limitée, le montant de ces éventuelles incitations financières. Aussi, puisque le code des transports affirme déjà explicitement que le déplacement effectué en covoiturage doit correspondre au déplacement « que le conducteur effectue pour son propre compte », et non à l’initiative du ou des passagers covoiturés, ce plafonnement permet de s’assurer que ces incitations ne conduiront pas à une professionnalisation de la pratique du covoiturage.
Enfin, en l’état du droit positif, on rappellera que rien ne s’oppose à la mise en place de tels dispositifs incitatifs. Il reste que, dans le contexte actuel de mutation de l’offre de transport, il apparaît opportun, dans un souci de clarification et de sécurisation juridique, de confirmer formellement cette possibilité, tout en en rappelant les limites et les conditions.
En définitive, et concrètement, les mesures incitatives, dont le présent amendement vise à conforter la possibilité de mise en œuvre, doivent seulement permettre à tout exploitant d’une plate-forme dématérialisée de covoiturage d’accroître et de structurer son offre de services, en incitant les conducteurs non professionnels à utiliser sa plate-forme de mise en relation et à proposer par ce biais des trajets en covoiturage. Ces mesures incitatives ne sauraient, en revanche, constituer un mode de rémunération, au profit des covoitureurs, des trajets effectivement réalisés par eux selon ce mode.