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commission des lois

Projet de loi constitutionnelle

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires

(1ère lecture)

(n° 662 )

N° COM-1

13 octobre 2015


 

Question préalable

Motion présentée par

Adopté

M. BAS, rapporteur


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE


En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (n° 662, 2014-2015).

Objet

Le projet de loi constitutionnelle vise à autoriser la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en mentionnant dans l’instrument de ratification les termes  de la déclaration interprétative présentée par la France lors de la signature de la Charte, en mai 1999, alors que les objections formulées postérieurement par le Conseil constitutionnel, en juin 1999, sont plus larges et que la Charte exclut, sauf exceptions, la possibilité de formuler des réserves à l’encontre de l’essentiel de ses dispositions.

Adopter ce texte en l’état créerait une double contradiction juridique.

Dans l’ordre juridique interne, ce texte incorporerait la Charte sans la « purger », contrairement à l’intention affichée par le Gouvernement, de toutes ses clauses déclarées contraires à la Constitution en juin 1999, car la déclaration interprétative de mai 1999 ne pouvait pas, par construction, prendre en compte la décision du Conseil. Dans ces conditions, cette révision reviendrait en partie à déroger délibérément à nos principes constitutionnels. Trois points soulevés par le Conseil ne sont pas traités par la déclaration interprétative, et donc par le projet de loi constitutionnelle : droit imprescriptible de pratiquer une langue régionale ou minoritaire dans la vie publique, qui figure dans le préambule de la Charte, respect de l’aire géographique de chaque langue par les divisions administratives et prise en compte des besoins et vœux des groupes de locuteurs, au travers d’organes créés à cet effet, qui figurent dans la partie II de la Charte.

Dans le système juridique du Conseil de l’Europe, ce texte serait contraire à l’article 21 de la Charte, selon lequel les réserves ne sont pas autorisées, sauf sur certaines dispositions ponctuelles. La déclaration interprétative de mai 1999 constitue en réalité, pour une part, des réserves à des dispositions de la Charte pour lesquelles les réserves ne sont pas autorisées. Dans ces conditions, si la déclaration de la France était admise par les autres États parties au moment de la ratification, elle susciterait des remarques récurrentes de la part du comité d’experts chargé du contrôle de l’application de la Charte et ne manquerait pas de placer la France dans une position difficile vis-à-vis de ses partenaires européens.

Accepter cette révision constitutionnelle nous imposerait donc à la fois de contrevenir à la Charte et de déroger aux principes constitutionnels auxquels nous sommes les plus attachés, à savoir l’unité de la République et l’égalité des citoyens.

Pour surmonter ces contradictions, il faudrait donc modifier ce texte, mais l’on se trouverait confronté à l’alternative suivante : si l’on tient à respecter intégralement nos principes constitutionnels, tels qu’interprétés par le Conseil constitutionnel, il faut contrevenir davantage à la Charte, et si l’on souhaite loyalement ratifier la Charte, il faut se résoudre à s’écarter de nos principes constitutionnels les plus fondamentaux.

Aucune de ces options n’étant satisfaisante, la présente motion propose donc de considérer qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur ce projet de révision constitutionnelle.