commission de l'aménagement du territoire et du développement durable |
Projet de loi Biodiversité (1ère lecture) (n° 359 , 0 , 0) |
N° COM-350 rect. 6 juillet 2015 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. LABBÉ, DANTEC et les membres du groupe écologiste ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 4 TER (NOUVEAU) |
Rédiger ainsi cet article :
Compléter ainsi les articles L611-19, L613-2-2 et L613-2-3 du Code de la propriété intellectuelle :
I. A l'article L611-19 insérer un 5° ainsi rédigé :
« les inventions portant sur un produit constitué en totalité ou en partie de matière biologique végétale ou animale ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d'utiliser une telle matière biologique, lorsque cette matière biologique préexiste à l'état naturel ou lorsque elle a été obtenue ou peut être obtenue par l'utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection.
Est regardée comme matière biologique la matière qui contient des informations génétiques et peut se reproduire ou être reproduite dans un système biologique.
II. compléter l'article L613-2-2 du Code de la propriété intellectuelle par l'alinéa suivant :
« la protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique ne s'étend pas aux produits contenant ou pouvant contenir l'information génétique brevetée, ou bien consistant ou pouvant consister en l'information génétique brevetée, de manière naturelle ou suite à l'utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection.
III. Compléter l'article L613-2-3 par l'alinéa suivant :
« la protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l'invention, de propriétés déterminées ne s'étend pas aux matières biologiques dotées ou pouvant être dotées des dites propriétés déterminées d'une manière naturelle ou suite à l'utilisation de procédés essentiellement biologiques qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication.
Objet
Cet amendement est cohérent avec le plan d'action du ministère de l'agriculture : "Semences et agriculture durable", lancé en 2011 sous l'ancienne législature et poursuivie jusqu'à aujourd'hui notamment à travers l' appel à projets CASDAR 2015 : "Développer des variétés, des semences et des plants répondant à l’ambition d’une agriculture durable". En effet, afin de développer au mieux les variétés de demain, il convient de ne pas évincer les petits semenciers et les variétés paysannes qui font l'objet d'amélioration et d'adaptation constantes par des procédés naturels et cela depuis des millénaires afin de répondre aux évolutions des terroirs et du climat. Une définition trop large des brevets est une menace pour nos capacités d'innovation, d'adaptation et d'indépendance face aux changements à venir.
La multiplication ces dernières années de nouveaux brevets portant sur des « séquences génétiques », des « unités fonctionnelles d’hérédité » ou des « traits » naturellement présents dans des plantes cultivées, des animaux d’élevage ou des espèces sauvages apparentées constitue une immense menace pour la biodiversité et pour l’innovation indispensable à son renouvellement. Dès qu’un tel brevet est déposé, les sélectionneurs ou les agriculteurs qui conservent et renouvellent cette biodiversité en la valorisant sont obligés de cesser leur activité ou de négocier des droits de licence élevés pour pouvoir la poursuivre. C’est ainsi qu’un sélectionneur français s’est vu contraint de négocier un droit de licence avec le détenteur d’un nouveau brevet portant sur une résistance naturelle de salades à des pucerons pour pouvoir continuer à vendre les semences de variétés qu’il avait lui-même sélectionnée et qu’il commercialisait depuis plusieurs années lors du dépôt de ce brevet.
Ces brevets sur les traits natifs sont le résultat de progrès récents des outils de séquençage génétique qui n’existaient pas lorsque l’actuel Code de la propriété intellectuelle a été rédigé. Il convient aujourd’hui de le modifier pour prendre en compte cette nouvelle réalité et éviter de tels « abus de brevet ». Dans une résolution du 14 janvier 2014, le Sénat a réaffirmé « que devraient être exclus de la brevetabilité les plantes issues de procédés essentiellement biologiques et les gènes natifs ». Le Ministre Stéphane Le Foll a lui-même indiqué lors du colloque sur la propriété intellectuelle organisé le 29 avril 2014 par le Haut Conseil des Biotechnologies que ces brevets ne sont pas admissibles. Seule la loi issue du débat parlementaire public, et non une ordonnance, peut modifier le Code de la propriété intellectuelle sur une question aussi importante.
Certes, le Code de la propriété intellectuelle français ne s’applique qu’aux brevets français et non aux brevets européens qui couvrent de nombreux produits et matières biologiques commercialisés ou utilisés sur le territoire français. Sa modification n’en est pas moins essentielle aussi pour faire évoluer un cadre européen incapable de sortir des blocages procéduriers d’un Office Européen des Brevets dont les décisions s’éloignent de plus en plus de la volonté du législateur. L’introduction en 2004, à l’article 613-5-3 du Code de la propriété intellectuelle français sur le brevet, de l’exception de recherche et de sélection « en vue de créer ou de découvrir et de développer d’autres variétés végétales » a en effet été une étape déterminante de l’introduction de la même exception dans le brevet unitaire européen en 2014. De la même manière, l’annulation de l’extension du brevet français aux traits « natifs » pouvant être naturellement présents dans un produit ou une matière biologique contribuera fortement à l’introduction de la même limitation au niveau européen.