Direction de la séance |
Proposition de loi Renforcer les conditions d'accès à la nationalité française à Mayotte (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 467 , 466 ) |
N° 2 19 mars 2025 |
Question préalableMotion présentée par |
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Mme Mélanie VOGEL, M. BENARROCHE et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE |
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte. (n° 467, 2024-2025)
Objet
La présente motion du groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires propose de rejeter l’examen de la proposition de loi visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte, considérant que la raison d’être de ce texte, à savoir la prétendue attractivité du droit du sol à Mayotte, n’existe pas.
La présente proposition de loi est fondée sur l’idée erronée selon laquelle le droit du sol serait un facteur d’attraction des migrations depuis les Comores. Or, le durcissement des conditions d’accès à la nationalité à Mayotte en 2018 n’a eu strictement aucune incidence sur le fait migratoire. La part d’étrangers présents sur le territoire est restée stable. Le nombre d’enfants nés à Mayotte de parents étrangers n’a pas diminué, au contraire : en 2022, le nombre de nouveaux nés ayant une mère étrangère était même supérieure à 14 % par rapport à 2018. Le nombre de personnes interpellées en mer dans les kwassa kwassa a augmenté de 128 % par rapport à 2020. L’ensemble de ces données montrent bien que le durcissement du droit du sol à Mayotte est sans impact sur la situation migratoire du département. Le rapporteur a reconnu lui-même en commission que le lien entre droit du sol et attractivité de Mayotte n’avait jamais été clairement démontré.
De façon générale, l’attractivité de notre droit national relève du mythe. Mayotte est à la fois le département français dans lequel la politique migratoire est la plus sévère – absence d’AME, absence d’effet suspensif des OQTF, enfermements et expulsions massives, titres de séjours territorialisés – et le département le plus concerné par l’arrivée de personnes migrantes. Cet arsenal juridique dérogatoire du droit commun n’a pas d’effet dissuasif.
A Mayotte, c’est essentiellement le différentiel économique entre les Comores et la France, cumulé à une importante proximité géographique – seuls 70 kilomètres séparent Mayotte de l’île d’Anjouan – qui explique le choix de l’émigration vers l’archipel français. En 2022, le PIB par habitant à Mayotte était 8 fois supérieur à celui des Comores, qui est classé en 152e position sur 193 dans le classement des pays par Indice de Développement Humain en 2022. Aucune réforme législative ou réglementaire ne pourra changer cet état de fait.
En plus de manquer sa cible, le texte détourne le regard des véritables enjeux structurels du territoire mahorais. Plutôt que de s’attaquer au droit du sol, l’État devrait plutôt présenter des mesures fortes et structurantes pour répondre à l’ensemble des besoins criants du département : défaillance structurelle des services publics, accès au soin, à l’éducation, à l’eau potable, à un logement digne.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Ecologiste – Solidarité et Territoires propose au Sénat de ne pas examiner ce texte.