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Direction de la séance

Proposition de loi

Encadrement des loyers et amélioration de l'habitat dans les outre-mer

(1ère lecture)

(n° 364 , 363 )

N° 4 rect.

4 mars 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

Mme BÉLIM, MM. KANNER, LUREL et OMAR OILI, Mme ARTIGALAS, MM. BOUAD, CARDON, MÉRILLOU, MICHAU, MONTAUGÉ, PLA, REDON-SARRAZY, TISSOT, STANZIONE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 3 (SUPPRIMÉ)


Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et à Saint-Martin, les modalités de mise en œuvre de l’exemption au Règlement (UE) 2024/3110 établissant des règles harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant le règlement (UE) n° 305/2011 sont précisées par décret. 

Le représentant de l’État dans le bassin géographique constitue des comités référentiels construction, compétents sur des zones géographiques précisées par le décret précité afin de contribuer à la mise en œuvre de cette exemption et de contribuer à la définition de référentiels de construction en tenant compte des besoins de la production locale, des spécificités et contraintes locales. 

Les règles d’organisation, de fonctionnement et de contrôle de ces comités sont fixées par décret.

Les comités peuvent mener des travaux avec les instances nationales ou internationales, ainsi que des collectivités françaises ultramarines ne relevant pas de l’article 349 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne.

Objet

Grâce à une importante mobilisation du gouvernement français, le Parlement européen a autorisé, par le vote historique du 10 avril 2024, les Départements et Régions d’Outre-mer ainsi que Saint-Martin à déroger au marquage CE pour les produits de construction. Il ouvre enfin la voie à une adaptation nécessaire des normes dans les Outre-mer. 

L'urgence est triple. Économique, car ces normes inadaptées freinent le développement des filières locales du BTP, les empêchant de créer de l'emploi et de la valeur ajoutée dans les Outre-mer. Sociale, car le surcoût lié à l'importation des matériaux pourrait être réduit en utilisant des matériaux produits sur le territoire ou dans le bassin géographique. Environnementale, car l'importation massive de matériaux génère des émissions de gaz à effet de serre inadmissibles face à l'urgence climatique. 

Des solutions existent. À Mayotte, la Brique de Terre Compressée (BTC) utilisée dans la construction du lycée des métiers du Bâtiment a démontré son excellence, résistant par exemple au passage du cyclone Chido. En Nouvelle-Calédonie, le Registre de la Construction (RCNC) permet depuis 2020 de développer des constructions de qualité et adaptées à l’archipel. La Nouvelle-Calédonie ajoute ainsi à son système normatif de référence des normes dont il est fait la démonstration qu'elles ont un impact positif sur la qualité de la construction. Ce peut être le cas des normes australiennes qui peuvent être plus protectrices en matière anticyclonique. 

Pour amplifier les initiatives évoquées à Mayotte tout en s’inspirant de la dynamique calédonienne, cet amendement prévoit la création de comités relatifs aux produits de construction. 

Ils seront chargés d’une part de contribuer à la nécessaire mise en œuvre de l’exemption de marquage CE, en tenant compte des besoins de la production locale, des spécificités et contraintes locales. Concernant l’exemption de marquage CE, le secrétariat des comités pourrait le cas échéant être assuré par l’établissement public mentionné à l’article L121-1 du code de la construction et de l'habitation. 

Ces comités seront chargés d’autre part de soutenir et d’accompagner l’innovation locale dans le domaine des matériaux de construction et des procédés de construction et de définir des référentiels de construction adaptés aux contraintes climatiques, géographiques et culturelles locales et tenant compte des objectifs de construction durable et frugale. 

Ces comités devront compter parmi leurs membres les acteurs locaux. C’est une condition essentielle pour leur fonctionnement et la pertinence de leur action. Parmi les représentants, devraient ainsi figurer, sans que cette liste ne soit exhaustive, les instances représentatives des filières locales de la construction et du BTP ou les scientifiques et experts locaux.

Ces comités ne doivent pas pouvoir valider des matériaux à la qualité fragile : nos concitoyens ultramarins comme les assureurs ne feraient pas confiance et ne les utiliseraient pas. Pour valider sur un plan technique ces matériaux et procédés, il faut donc des procédures rigoureuses, associant les services de l’Etat et les instances nationales concernées. De plus, les travaux menés par Mayotte pour recourir à la BTC ont été longs et coûteux mais ont fonctionné. N'est-il pas dommage que la Guyane ait mené les mêmes travaux sur ce matériau sans profiter de l'expertise mahoraise ? Il nous faut mutualiser et partager nos savoir-faire par le biais d’une instance ultramarine de coordination dont la forme et les modalités doivent rester souples et à la décision des socioprofessionnels. Cette instance comptera notamment une représentation de différents territoires, notamment Saint-Barthélémy et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui ne sont pas des Régions Ultrapériphériques mais peuvent être directement intéressés par ces travaux.

Ces dernières années, des jalons importants ont été posés. Le Sénat, par ses travaux successifs - du rapport fondateur sur le BTP au pied du mur normatif dans les Outre-mer du président Michel MAGRAS en 2017 au rapport conjoint sur la politique du logement dans les Outre-mer des sénateurs Guillaume GONTARD, Micheline JACQUES et Victorin LUREL en 2021 - a défini les grandes orientations et la nécessité absolue d’adapter ces normes de construction. Le Livre Blanc de la Construction Durable Outre-mer, fruit d'une collaboration entre les forces vives de chacun de nos territoires, propose désormais une feuille de route claire et opérationnelle que cet amendement se propose de prolonger. 

Vu l’important travail mené par l’ensemble des acteurs publics et privés dans le cadre du Livre Blanc de la Construction Durable Outre-mer, le dialogue et la concertation doivent présider à la rédaction des décrets d’application. La consultation du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) et des acteurs des principaux bassins sur les projets de décret est dès lors impérative. 

L'adaptation des normes dans les Outre-mer n'est plus une option : elle est une nécessité. Elle permettra de créer des emplois locaux, de réduire notre empreinte carbone, de développer notre résilience face au changement climatique et de valoriser nos savoir-faire traditionnels. Le vote historique du Parlement européen permet aux Outre-mer de nouvelles possibilités que le Sénat, chambre des territoires, doit pleinement accompagner.