Direction de la séance |
Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 186 , 185 ) |
N° 86 rect. bis 27 janvier 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes LOISIER et ROMAGNY, M. DUFFOURG, Mme BILLON et M. CHAUVET ARTICLE 3 |
I. – Alinéas 12 à 15
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
5° Au second alinéa du I de l’article L. 512-7, après la première occurrence de la référence : « annexe I », sont insérés les mots : « à l’exception des activités d’élevage » ;
II. – Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
Objet
Cet amendement permet de revenir à la rédaction initiale du texte déposé le 1er novembre.
L’article 3 initial prévoyait d’ouvrir la possibilité en droit français de mettre en place le régime ICPE enregistrement pour une partie des élevages relevant de la Directive 2010/75 dite « IED », c’est-à-dire ceux dont la taille est inférieure aux seuils de la directive 2011/92 sur l’évaluation environnementale, dite « EIE ». Cette rédaction correspondait pleinement à la proposition de la profession : permettre de relever les seuils de l’autorisation ICPE au niveau des seuils de la Directive EIE, qui sont plus élevés, et ceci indépendamment de la récente révision de la Directive IED, intervenue en avril 2024.
Or, la rédaction actuelle de cet article 3, après adoption de l’amendement n°32, est problématique pour les raisons suivantes :
• Elle repose sur une ambiguïté autour du terme « enregistrement », qui induit un risque de surtransposition.
Le terme « enregistrement » ne recouvre en effet pas le même sens dans la Directive IED et dans le droit des ICPE français. En droit français, la procédure d’enregistrement correspond, juridiquement et dans les faits, à une « autorisation simplifiée » (voir l’article L 512-7 du Code de l’environnement), ainsi qu’il est indiqué dans le rapport. A contrario, dans la directive IED, le terme enregistrement s’entend au sens d’une « notification », qui se rapproche donc beaucoup plus de l’équivalent en droit français de la procédure moins contraignante de déclaration ICPE (voir l’article 4 de la Directive IED).
• Elle conduirait donc à appliquer le régime de l’enregistrement à des élevages qui aujourd’hui relèvent du régime déclaration, ce qui est une complexification pour les élevages concernés.
La révision de la directive IED en date d’avril 2024 (Dir. UE 2024/1785) a abaissé fortement le seuil IED pour les élevages de porcs et de volailles, parfois en deçà de l’actuel seuil ICPE déclaration. C’est notamment le cas des élevages de pondeuses (futur seuil IED à 21 428 pondeuses) et de dindes (9333 dindes).
Alors que le seuil actuel de l’enregistrement est de 30 000 volailles, l’article 3 reviendrait à appliquer la procédure d’enregistrement ICPE (autorisation simplifiée) à des tailles d’élevage beaucoup plus basses.
Sachant que dans la Directive IED, l’enregistrement consiste en une simple « notification », cela conduirait à une surtransposition du droit européen.
• Le régime ICPE enregistrement français, en tant qu’autorisation simplifiée, est juridiquement compatible avec la directive IED actuelle (2010/75).
L’ensemble des arguments juridiques ont été formalisés et sont bien repris dans le rapport législatif n°185 (page 43).
Nous contestons plus particulièrement l’analyse selon laquelle le régime enregistrement ne serait pas compatible avec la directive IED actuelle, au motif que cette dernière « prescrit des mesures adaptées aux projets, tandis que le régime enregistrement ne prévoit que des mesures générales » (p. 42). En effet, la Directive IED prévoit explicitement que les Etats peuvent appliquer des prescriptions générales (article 6). Cet unique argument juridique ne nous semble donc pas recevable, et encore moins suffisant, pour justifier une position interdisant toute possibilité de relèvement du seuil de l’autorisation ICPE dans le cadre de l’actuelle directive IED.
• L’article 3 tel que rédigé conduit à anticiper l’application de la future Directive IED révisée.
Alors que la future Directive IED prévoit une application aux élevages à partir de 2030 (article 3-5 de la Directive 2024/1785), et ceci pour l’ensemble des dispositions, la France anticiperait cette application de plusieurs années, au 1er septembre 2026.
Le secteur de l’élevage a alerté les décideurs sur les risques majeurs de la révision de la Directive IED pour l’avenir du modèle d’élevage familial français en production porcines et avicoles.
Or, la Directive IED prévoit une clause de revoyure : la Commission européenne devra en effet publier un rapport sur l’élevage d’ici le 31 décembre 2026. S’ensuivra un débat sur l’opportunité de maintenir le secteur de l’élevage d’une directive prévue au départ pour les secteurs industriels. Pour mémoire, le Commissaire européen à l’environnement Virginijus Sinkevičius a déclarée le 12 mars en séance plénière du Parlement européen : « Il y a des différences très grandes entre le secteur agricole et le secteur industriel et au vu du rapport, la Commission étudiera les interactions avec les autres législations agricoles, et si nécessaire nous aurons une distinction entre deux instruments législatifs. »
Adopter le texte de l’article 3 en l’état reviendrait à renoncer à toute possibilité que la France porte une position forte en faveur de la sortie de l’élevage de la Directive IED.