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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2025

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX

(n° 143 , 144 , 147)

N° II-839

28 novembre 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes PONCET MONGE, SENÉE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mme Mélanie VOGEL


Article 42 (crédits de la mission)

(État B)


Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

1

 

1

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

1

 

1

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Soutien des ministères sociaux

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

1

1

1

1

SOLDE

0

0

Objet

Le présent amendement d'appel vise à suspendre les objectifs pour 2025 de la réforme initiée par le PJL Plein Emploi et à différer d’un an son déploiement.

Les moyens financiers et humains ne sont pas alloués en 2025 à France travail (budget figé alors qu’un accompagnement rénové et renforcé coûte de l'ordre de 900 euros par personne et par an, suppression de 205 à 500 postes alors que la poursuite de la réforme exigeait environ 800 postes supplémentaires). Les moyens stagnent ou régressent, la marche de la réforme en 2025 (160 000 accompagnements de plus) est entravée.

De plus, les départements qui sont requis pour s’engager sur la moitié des nouveaux objectifs d’accompagnement des allocataires du RSA sont dans une situation dégradée par le budget 2025.

Si le premier rapport d'évaluation des expérimentations a montré des aspects encourageants, il rappelle que "les expérimentations déployées dans le cadre de la rénovation de l’accompagnement des allocataires du RSA se sont majoritairement appuyées sur des contextes locaux partenariaux favorables", permettant un premier bilan plus favorable et probablement éloigné de la réalité en cas de généralisation de l'inscription des allocataires RSA dans tous les départements.

Enfin, si le rapport présente des aspects positifs, comme le fait que l'accompagnement renforcé et personnalisé (et non les sanctions qui ne sont d'ailleurs évoquées à aucun moment du rapport, lequel lie les aspects positifs en termes de réinsertion et de retour à l'emploi à l'accompagnement rapproché et non aux sanctions) c’est l’accompagnement renforcé et intensif (portefeuille de 50 à 70) qui a "des effets positifs sur la situation des bénéficiaires.

Cela "a participé à la construction d’une relation de confiance entre les ARSA et leurs référents de parcours. Pour les allocataires, la configuration d’accompagnement personnalisée et régulière renforce la confiance, favorisant leur engagement. Le suivi par un référent unique assure une personnalisation de l’accompagnement, ce qui contraste positivement avec leurs expériences passées", le maintien d'un tel lien personnalisé de confiance passe nécessairement par la diminution du portefeuille des accompagnateurs et une augmentation en conséquence du personnel et des moyens alloués à France Travail et aux Départements.

Or, au-delà des moyens gelés voire de la suppression de personnel, le rapport souligne de nombreux freins rencontrés pour le recrutement de personnels nécessaire au renforcement de la qualité de l'accompagnement : "le renforcement de l’accompagnement devait passer par des recrutements de professionnels, or il a été difficile de recruter sur de nombreux territoires. Cela a retardé la mise en œuvre de parcours renforcés, et limité les changements attendus via l’expérimentation.".

Le rapport indique que la taille moyenne indicative des portefeuilles serait de 50 à 70 allocataires par portefeuille en parcours "emploi" et entre 45 et 80 pour le parcours "social". Or cela semble assez éloigné de la taille moyenne des portefeuilles actuellement à France Travail. Rappelons qu'en 2019, la Mission Flash Pôle Emploi de l'Assemblée Nationale parlait de "portefeuille surdimensionné" puisqu'un seul conseiller accompagnait en moyenne : 349 demandeurs d’emploi en modalité « suivie » ; 216 en modalité « guidée »  ; 100 en accompagnement « renforcé »  ; 49 en accompagnement « global ».

Et le rapport de préciser : « Les moyennes observées à l’échelon régional sont dans certains cas encore plus élevées : plus de 400 demandeurs d’emploi en moyenne par portefeuille en Nouvelle-Aquitaine pour les conseillers en modalité « suivi », par exemple, ou plus de 300 demandeurs d’emploi par conseiller en modalité « guidé » dans les outre-mer (en Guadeloupe ou à Mayotte). ». Or le présent budget diminue les moyens alloués à France Travail en diminuant ses ETP de 500 postes (peut-être porté à moins 205), alors même que, dans les auditions pour la Commission des Affaires Sociales, le directeur de France Travail évaluait à 827 postes supplémentaires pour être en capacité d'accueillir les 160 000 ARSA en plus en 2025 (à terme 1,2 million contre 40 000 aujourd'hui).

Par ailleurs, la diminution des portefeuilles pour l'accompagnement renforcé représente un coût que la présente Mission Travail et Emploi ne prend pas en compte. Or, selon le rapport : "Les estimations réalisées soulignent la sensibilité du coût/parcours non seulement au contenu du parcours mis en œuvre (contenu de l’accompagnement et des actions le composant), mais aussi au nombre de parcours accompagnés par un même référent (fonctions de la taille des portefeuilles et de la durée des parcours), la capacité d’accompagnement du territoire étant elle-même plus ou moins sollicitée au regard du nombre d’allocataires relevant de l’accompagnement.".

Selon les estimations du rapport les coûts moyens de l'accompagnement se situent 600 euros et 1400 euros pour les parcours moyens, indiquant également que "Ce montant est susceptible de beaucoup augmenter (jusqu’à 4 000 € dans les situations observées) quand l’accompagnement se veut extrêmement renforcé, et ciblant des publics rencontrant des problématiques spécifiques.".

Or, selon le rapport encore, 82% des allocataires du RSA accompagnés lors des expérimentations présentent au moins un frein périphérique à l’emploi, souvent deux (43 % liés à la mobilité, 29 % à un état de santé, 25 % à des contraintes familiales, 20 % au logement), compliquant bien souvent l'accompagnement.

Ainsi, les "parcours « socio-professionnels » de 15 h par semaine entièrement en face à face avec des professionnels sur une période de 9 mois" représentent un coût de 3 000 euros.

Les 8 territoires étudiés ont en outre bénéficié d'un financement fléché de 815 000 euros en moyenne, qui a permis le financement de ces accompagnements personnalisés et renforcés, ainsi que la réduction des portefeuilles des accompagnateurs.

Or, non seulement les crédits alloués à France Travail sont stables (alors que les besoins budgétaires supplémentaires lors de la réforme avaient été évalués entre 2,3 et 2,7 milliards d’euros pour la période 2024 - 2026), mais en plus les moyens alloués aux collectivités locales et aux départements sont en baisse dans le présent PLF.

Dans ces conditions, les nouveaux objectifs pour 2025 (accompagnements renforcés, prospection renforcée auprès des entreprises etc., semblent non atteignables, sauf au prix d’une dégradation des actions qui risque de peser très négativement sur les personnes accompagnées.

Pour toutes ces raisons, le présent amendement d'appel demande un report d’un an de la feuille de route de la réforme afin de mieux préparer les territoires et l'agence à l'accompagnement renforcé de ces allocataires, et ainsi permettre une réelle réinsertion sociale et un retour à l'emploi durable.

L’action 02 Structures de mise en œuvre de la politique de l’emploi du programme 102 Accès et retour à l’emploi est abondée de 1 euro en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Pour respecter les règles de recevabilité financière, ces crédits sont prélevés sur l’action 01 Développement des compétences par l’alternance du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.