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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2025

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION JUSTICE

(n° 143 , 144 , 150)

N° II-1047

29 novembre 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mme Mélanie VOGEL, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SENÉE et SOUYRIS


Article 42 (crédits de la mission)

(État B)


Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

10 000 000

8 000 000

 

10 000 000

8 000 000

 

Administration pénitentiaire

dont titre 2

 

 

 

 

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

 

 

 

 

Accès au droit et à la justice

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

Objet

Pour renforcer la lutte contre les violences sexuelles, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande la création de juridictions spécialisées en matière de violences sexuelles.

Aujourd’hui, la victime de violences sexuelles qui souhaite poursuivre son agresseur en justice doit se préparer à un parcours de combattante qui, bien trop souvent, n’aboutit même pas. Non seulement la procédure est longue, mais les interlocutrices et interlocuteurs sont multiples et restent mal formés aux spécificités des violences sexuelles. Il est fréquent que la victime doive détailler plusieurs fois les faits – et qu’elle soit ainsi contrainte de revivre encore et encore les violences traumatisantes.

Le problème d’une coordination difficile entre le volet pénal et le volet civil des affaires de violences sexuelles n’est pas nouveau et sa reconnaissance a au moins abouti à la création des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales généralisées en début d’année.

Toutefois, la création de ces pôles ne permet pas de remédier au problème de la multiplicité des acteurs, car la séparation du traitement judiciaire en un volet pénal et un volet civil est maintenue, même si la coordination des acteurs pourrait être facilitée. En plus, les nouveaux pôles ne concernent que les violences intrafamiliales et non pas les violences sexuelles dans leur ensemble. Les 84 000 victimes de violences sexuelles commises hors cadre familial ne sont point concernées et leurs parcours judiciaires restent tout aussi complexes.

Il est temps que des juridictions spécialisées en matière de violences sexuelles soient enfin créées en France, comme l’a fait l’Espagne il y a vingt ans.

Dès lors que les violences sexuelles sont traitées par une juridiction spécialisée, les procédures deviendraient moins complexes pour les parties et le nombre d’interlocutrices et d’interlocuteurs différents diminuerait. Comme une seule juridiction serait compétente pour examiner les faits, les acteurs de la chaîne judiciaire pourraient non pas uniquement coordonner leur travail, mais travailler réellement main dans la main.

Cette réforme permettrait aux magistrates et magistrats affectés aux juridictions traitant des violences sexuelles de se spécialiser. Il leur serait plus facile d’apprécier les faits et d’évaluer les récits des parties. La formation en matière de traitement judiciaire des violences sexuelles pourrait se concentrer sur les juges affectés à ces nouvelles juridictions spécialisées. Par conséquent, les formations, qui sont désormais aussi imposées par le droit européen (article 36 de la directive 2024/1385), gagneraient en pertinence et en efficacité.

Moyennant des adaptations procédurales, les magistrates et magistrats du parquet pourraient développer une expertise supplémentaire et la phase d’instruction des affaires pourrait gagner en précision, ce qui est primordial à l’heure où 86 % des affaires de violences sexuelles pour des faits commis hors le cadre conjugal sont classées sans suite.

Dans la mesure où les magistrates et magistrats ainsi spécialisés pourraient aussi exercer les fonctions de présidente ou président et d’assesseure ou assesseur à la cour d’assises, la spécialisation d’une partie de la magistrature améliorerait aussi le traitement des affaires de viol renvoyées devant une cour d’assises.

Afin de créer des juridictions spécialisées en matière de violences sexuelles, il est demandé d’abonder de 10 000 000 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement du programme 166 : « Justice judiciaire » dans son action 01 « Traitement et jugement des contentieux civils » et de minorer des mêmes montants le programme 310 : « Conduite et pilotage de la politique de la justice » dans son action 09 « Action informatique ministérielle ».

Toutefois, les auteures et auteurs du présent amendement précisent que ce transfert entre les deux programmes ne témoigne nullement d’une volonté de leur part de diminuer le budget du programme 310, puisqu’il s’agit uniquement d’un gage financier. Les auteures et auteurs du présent amendement appellent le Gouvernement à lever ce gage.