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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2025

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION JUSTICE

(n° 143 , 144 , 150)

N° II-1043

29 novembre 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mme Mélanie VOGEL, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SENÉE et SOUYRIS


Article 42 (crédits de la mission)

(État B)


I. – Créer le programme :

Régulation carcérale

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes : 

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Justice judiciaire

dont titre 2

 

 

 

 

Administration pénitentiaire

dont titre 2

 

264 000 000

 

414 800 000

Protection judiciaire de la jeunesse

dont titre 2

 

 

 

 

Accès au droit et à la justice

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la politique de la justice

dont titre 2

 

 

 

 

Conseil supérieur de la magistrature

dont titre 2

 

 

 

 

Régulation carcérale

264 000 000

 

264 000 000

 

TOTAL

264 000 000

264 000 000

264 000 000

414 800 000

SOLDE

0

-150 800 000

 

Objet

Par le biais du présent amendement d’appel, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demandent qu’il soit enfin mis en place un mécanisme de régulation carcérale.

Depuis l’inscription du principe d’encellulement individuel dans la loi – en 1875 – il n’a encore jamais été respecté. Pire, la population carcérale a été multipliée par deux au cours des 40 dernières années et la surpopulation carcérale atteint des niveaux inédits. La réalité est révoltante : le taux d’occupation des établissements pénitentiaires s’élève désormais à 127,9 % et le nombre de personnes détenues a même atteint deux fois le taux d’occupation prévu dans 17 établissements.

Conséquence directe d’une politique du tout répressif et des durées d’enfermement toujours plus longues, les personnes détenues sont contraintes de dormir à même le sol. Il est simplement impossible de garantir des conditions de détention dignes dans ces prisons et maisons d’arrêt surpeuplées, comme ne cesse de le rappeler la Cour des droits de l’homme qui condamne la France régulièrement pour les conditions de détention indignes.

En parallèle, la surpopulation carcérale pèse lourdement sur le travail des surveillantes et surveillants pénitentiaires. Confrontés à une surpopulation carcérale catastrophique et une mutinerie, les agents du centre pénitentiaire de Majicavo, par exemple, n’ont vu d’autre solution que d’exercer leur droit de retrait pour dénoncer les conditions intolérables dans cette prison mahoraise.

Pour autant, la situation n’est malheureusement pas prête à changer, car il est prouvé depuis longtemps qu’il est infaisable de remédier à la surpopulation carcérale simplement en construisant de nouvelles places de prison. La construction de toujours plus de prisons ne résoudra pas le problème de la surpopulation carcérale, mais pèsera lourdement sur les finances publiques, étant donné qu’il faut entre 200 000 et 500 000 euros pour construire une seule place et que le coût de détention revient ensuite à 125 euros par jour et par personne détenue pour les finances publiques.

En plus, les promesses de construire toujours plus de places sont irréalistes, comme le rappelle encore le plan en cours d’exécution de construire 15 000 nouvelles places d’ici 2027. Seulement 30,1 % de ces 15 000 places de prison prévues par le « plan 15 000 » ont été livrées à ce jour avec seulement 2 123 places en 2023ii. De surcroît, la Cour des comptes constate sobrement que ce plan, déjà extrêmement coûteux pour les finances publiques, sera insuffisant : « Ce plan immobilier, même s’il est prochainement porté à 18 000, ne paraît ainsi pas, à lui seul, en mesure de résorber le problème persistant de la surpopulation carcérale. »iv. Sans inflexion de cette stratégie, il faudrait ainsi construire toujours plus de places de prison, ce qui revient extrêmement cher aux finances publiques.

Alors que la politique actuelle conduit tout droit dans l’impasse, il est grand temps de changer enfin de paradigme en adoptant une politique de déflation carcérale qui devrait notamment comprendre la mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale.

Déjà les États généraux de la Justice de 2022 avaient appelé à ce qu’un mécanisme de régulation carcérale soit enfin mis en place. Le Conseil économique, social et environnemental, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, et la Commission nationale consultative des droits de l’homme ont encore récemment demandé la mise en place d’une telle politique.

Ces appels doivent enfin être entendus. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs écologistes souhaitent renouveler leur appel à la mise en place d’un mécanisme de régulation carcérale ; dès que le taux d’occupation d’un établissement pénitentiaire dépasse sa capacité normale, les acteurs judiciaires et pénitentiaires devraient être contraints à recourir à des dispositifs freinant les entrées et accélérant les sorties.

Ce mécanisme carcéral pourrait être mis en œuvre en faisant recours aux dispositifs existants de régulation de la population carcérale, le cas échéant complétés par de nouveaux outils. En tout état de cause, il convient d’instaurer une obligation de résultat, car c’est la seule manière de lutter contre la surpopulation carcérale et les conditions de détention indignes.

À cette fin, le présent amendement d’appel diminue de 264 000 000 euros en autorisations d’engagement et 414 800 000 euros en crédits de paiement le programme 107 « Administration pénitentiaire » dans son action 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » pour en transférer 264 000 000 euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement au nouveau programme baptisé « Régulation carcérale ».