Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 143 , 144 ) |
N° I-1813 rect. bis 26 novembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. JACQUIN et Patrice JOLY, Mme CONWAY-MOURET, MM. REDON-SARRAZY et Michaël WEBER, Mmes CANALÈS, ESPAGNAC, BROSSEL et BONNEFOY et M. DARRAS ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 15 |
Après l'article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Le chapitre III du titre V du livre IV du code des impositions sur les biens et services est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne
« Sous-section 1
« Éléments taxables et territoire de taxation
« Paragraphe 1
« Principes
« Art. L. 453-84. – Les règles relatives aux éléments taxables et au territoire de taxation pour la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par le titre Ier du livre Ier, par le chapitre unique du titre Ier du présent livre, par la section unique du chapitre Ier du présent titre et la présente sous-section.
« Art. L. 453-85. – Sont soumises à la présente taxe les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne au sens des articles L. 453-86 et L. 453-87 lorsque sont dépassés les seuils de taxation au niveau mondial et national définis aux articles L. 453-89 et L. 453-90.
« Paragraphe 2
« Plateformes numériques de vente en ligne et livraisons de biens
« Art. L. 453-86.- Les plateformes numériques de vente en ligne s’entendent des opérateurs de plateforme en ligne au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation et de tout opérateur exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, un système organisé de vente caractérisé par l’absence physique simultanée du professionnel et du consommateur et par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance.
« Art. L. 453-87.- Les livraisons de biens au sens de la présente section s’entendent du transfert de la possession physique ou du contrôle des biens meubles corporels au bénéfice du client final, personne physique ou morale, ayant renseigné une adresse de livraison située sur le territoire de taxation déterminée à l’article L. 453-91.
« Paragraphe 3
« Seuils de taxation
« Art. L. 453-88. – Les seuils de taxation prévus au présent paragraphe sont appréciés au regard du chiffre d’affaires réalisé au titre des ventes effectuées par les entreprises mentionnées à l’article L. 453-86, quelle que soit leur forme et quel que soit leur lieu d’établissement, au cours de l’année civile précédant l’année du fait générateur.
« Pour les entreprises liées entre elles directement ou indirectement par une relation de contrôle au sens du II de l’article L. 233-16 du code de commerce, les seuils de taxation s’apprécient au niveau du groupe qu’elles constituent.
« Art. L. 453-89.- Le seuil de taxation au niveau mondial est dépassé lorsque le chiffre d’affaires réalisé au titre des ventes à distance excède 750 millions d’euros.
« Art. L. 453-90.- Le seuil de taxation au niveau national est dépassé lorsque le chiffre d’affaires réalisé au titre des ventes à distance excède 25 millions d’euros.
« Paragraphe 4
« Territoire de taxation
« Art. L. 453-91. -Le territoire de taxation s’entend exclusivement du 1° de l’article L. 112-4.
« Paragraphe 5
« Exonérations
« Art. L. 453-92. – Par dérogation à la présente sous-section, sont exonérées de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de ventes en ligne :
« 1° Les livraisons effectuées dans un lieu différent de l’adresse renseignée par le client final, tels que commerces physiques de vente au détail, points-relais ou points de livraison en libre-service ;
« 2° Les livraisons opérées par le prestataire mentionné à l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques dans le cadre du service prévu au cinquième alinéa de l’article L. 1 du même code ;
« 3° Les livraisons effectuées à une adresse située en zone France ruralités revitalisation mentionnée au II de l’article 44 quindecies A du code général des impôts ou en zone France ruralités revitalisation “plus” mentionnée au III du même article 44 quinquies A.
« Sous-section 2
« Fait générateur
« Art. L. 453-93. – Les règles relatives au fait générateur et à l’exigibilité de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par le titre Ier du livre Ier et par la présente sous-section.
« Art. L. 453-94. – Le fait générateur de la taxe est constitué au moment où la vente à distance donnant lieu à la livraison mentionnée à l’article L. 453-87 est effectuée.
« Sous-section 3
« Montant de la taxe
« Art. L. 453-95. – I.-Le montant de la taxe est égal à un montant forfaitaire de 0,50 euro par livraison taxable.
« II. – Le montant forfaitaire s’applique à chaque livraison taxable, quel que soit le nombre de biens livrés.
« Sous-section 4
« Exigibilité
« Art. L. 453-96. – Les règles relatives à l’exigibilité de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par le titre IV du livre Ier.
« Sous-section 5
« Personnes soumises à obligation fiscale
« Art. L. 453-97. – Les règles relatives aux personnes soumises à obligation fiscale pour la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par le titre V du livre Ier et par la présente sous-section.
« Art. L. 453-98. – Est redevable de la taxe l’entreprise mentionnée à l’article L. 453-86 lorsque sont dépassés, au cours de l’année civile précédent l’année du fait générateur, les seuils de taxation au niveau mondial et national prévus aux articles L. 453-89 et L. 453-90.
« Art. L. 453-99. – Le redevable est soumis à une obligation de représentation fiscale dans les conditions prévues au chapitre II du titre V du livre Ier.
« Sous-section 6
« Constatation de la taxe
Art. L. 453-100. – Les règles relatives à la constatation de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par le titre VI du livre Ier et par la présente sous-section.
Art. L. 453-101. – Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, en application de l’article L. 177 A du livre des procédures fiscales, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité les informations relatives aux montants encaissés mensuellement au titre des ventes en distinguant, le cas échéant, les ventes se rapportant aux livraisons qui ne sont pas prises en compte en application de l’article L. 453-92 du présent code.
« Ces informations sont tenues à la disposition de l’administration et lui sont communiquées à première demande.
« Sous-section 7
« Paiement de la taxe
Art. L. 453-102. – Les règles relatives au paiement de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par le titre VII du livre Ier et par la présente sous-section.
« Art. L. 453-103. – La taxe fait l’objet d’acomptes.
« Sous-section 8
« Contrôle, recouvrement et contentieux
« Art. L. 453-104. – Les règles relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par le titre VIII du livre Ier.
« Sous-section 9
« Affectation
« Art. L. 453-105.- L’affectation du produit de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne est déterminée par l’article L. 2333-98 du code général des collectivités territoriales ».
II.- Le chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne
« Art. L. 2333-….-I.- Les collectivités et leurs groupements mentionnés au I de l’article L. 1231-1 du code des transports ou, par substitution, la collectivité mentionnée au II du même article L. 1231-1, exerçant l’une des compétences mentionnées à l’article L. 1231-1-1 du même code, perçoivent le produit de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne mentionnée à l’article L. 453-84 du code des impositions sur les biens et services.
« II. – Les modalités de mise en œuvre de la présente section sont précisées, en tant que de besoin, par un décret en Conseil d’État ».
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Objet
Le nombre de livraisons de biens opérées par les plateformes numériques de vente en ligne a considérablement augmenté ces dernières années au point de représenter 1,5 milliard de colis annuels livrés en France. En ville, ce flux de transport de marchandises correspond à 20 % du trafic et à 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Outre les conséquences en matière environnementale et sur la santé publique, l’expansion toujours croissante des livraisons opérées par les acteurs du e-commerce contribue fortement à augmenter la congestion urbaine et l’usure des infrastructures routières et des emplacements de livraisons, à la charge des collectivités, alors même que les investissements de ces collectivités cherchent, par le développement des transports en commun, à libérer de l’espace de voierie et à décongestionner le trafic. C’est donc sans contrepartie que les plateformes d’e-commerce profitent ainsi doublement des investissements locaux dont elles en neutralisent en partie les effets.
Alors que des villes ou États étrangers ont mis en place des dispositifs fiscaux visant à frapper les livraisons des biens opérées par ces plateformes (la ville de Barcelone, l’État du Colorado ou encore l’État du Minnesota), plusieurs propositions ont également été avancées en ce sens en France : une taxe sur les livraisons liées au commerce électronique avait été envisagée en 2018 dans le cadre de la proposition de loi portant pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ; une proposition similaire figurait également dans le rapport commandé par le ministère des transports à l’ancien député Philippe Duron en 2021 ; le rapport du Sénat de juillet 2023 sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité appelait encore à l’établissement d’une telle contribution. Cette piste a également été partagée par des groupes politiques de tous bords lors des Assises du financement des transports franciliens en début d’année 2023 et, plus récemment, le Groupement des autorités responsables de transport (GART) a encore proposé une mesure similaire.
Le présent amendement vise ainsi à concrétiser ces propositions et à instituer au code des impositions sur les biens et services une taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne dont le produit serait affecté aux AOM et AOMR. Cette taxe entend assujettir les seules plateformes qui opèrent les volumes de livraisons les plus conséquents, définies à partir d’un critère objectif et rationnel fondé sur les seuils de chiffre d’affaires également applicables en matière de taxe sur certains services numériques, tout en exonérant les livraisons de biens à destination des territoires ruraux, lesquels sont moins concernés par les problématiques susmentionnées et dont les habitants sont parfois contraints de recourir à de telles livraisons.
L’amendement vise également à défendre les petits commerçants en rééquilibrant la concurrence déloyale avec les géants du e-commerce et lutter contre les oligopoles. Bien que l’e-commerce puisse être une opportunité pour des petits commerçants et créateurs de toucher de nouveaux clients, ils ne sont pas égaux face aux plateformes et n’ont pas les mêmes moyens. En exemptant les petits commerçants de cette contribution via un chiffre d’affaires minimum à réaliser et en y excluant les livraisons en magasin physique, l’amendement encourage un équilibre plus juste entre les plateformes d’e-commerce et les vendeurs indépendants. Une exemption pour les services de livraison en point-relais participerait également à favoriser l’activité et le dynamisme des commerces de proximité tout en limitant les déplacements inutiles du dernier kilomètre dus aux échecs de livraisons des destinataires absents. Enfin, en faisant payer à la plateforme un montant forfaitaire au moment de la validation du panier pour l’envoi du colis, peu importe le nombre de colis, l’amendement favorise encore le regroupement des envois, évitant la multiplication des envois à l’unité, ce qui aide également les entreprises de logistique à consolider leurs envois pour une meilleure efficacité.
Enfin, l’affectation de la taxe aux collectivités territoriales constitue une simple modalité de financement des collectivités concernées et n’entraîne, pour elles, aucune charge nouvelle ni aucune dépense supplémentaire.
Amendement travaillé avec l’association Respire et Clean Cities Campaign