Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 143 , 144 ) |
N° I-1180 20 novembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme PONCET MONGE, MM. Grégory BLANC et DOSSUS, Mme SENÉE, MM. BENARROCHE et DANTEC, Mme de MARCO, MM. FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SOUYRIS et Mélanie VOGEL ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2 |
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 3. Les dépenses mentionnées au 1 sont retenues, pour leur montant effectivement supporté, dans la limite de 2 000 €. Par dérogation, les dépenses mentionnées au 1 sont retenues, pour leur montant effectivement supporté :
a) Dans une limite de 12 000 €, pour l’emploi d’un salarié qui rend uniquement des services mentionnés aux l° et 2° de l’article L. 7231-1 du code du travail et aux 3° à 5° du I de l’article D. 7231-1 du même code ;
b) Dans une limite de 20 000 € pour les contribuables mentionnés au 3° de l’article L. 341-4 du code de la sécurité́ sociale ainsi que pour les contribuables ayant à leur charge une personne, vivant sous leur toit, mentionnée au même 3° , ou un enfant donnant droit au complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 541-1 du même code. »
Objet
Ce crédit d’impôt permet aux particuliers de déduire 50% des dépenses de services à domicile engagées, ces services comprenant de nombreuses activités : entretiens de la maison et travaux ménagers, jardinage, garde d’enfants, préparation de repas, livraison de repas etc. Son plafond des dépenses éligibles a été relevé plusieurs fois et se situe actuellement à 12 000 euros. Le coût total de la politique de soutien aux services à la personne s’élèverait à 7,3 milliards d’euros pour 2020, dont 71 % pour le crédit d’impôt.
Cet amendement vise à concentrer l'utilité du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile quand il s'agit de services à la personne qui sont essentiels au quotidien de personnes âgées et/ou en situation de handicap.
Selon Clément Carbonnier et Nathalie Morel, au moins 54% des heures de services consommées concernent des services de confort (tels que le ménage et repassage pour des personnes valides, ainsi que du jardinage et petit bricolage). Leur répartition est extrêmement concentrée sur les ménages les plus aisés, en particulier parmi les personnes âgées les plus fortunées.
Les chercheurs-euses avancent : « L’analyse des bénéficiaires du crédit d’impôt met en exergue la très forte anti-redistributivité du dispositif, qui bénéficie principalement aux ménages les plus aisés. La moitié la plus modeste de la population a bénéficié en 2012 de seulement 6,6% du total de ces dépenses fiscales, alors que le décile le plus aisé a bénéficié de 43,5% de la subvention fiscale totale. La croissance s’accélère même tout en haut de la distribution puisque les ménages du centile le plus aisé ont bénéficié en moyenne de trois fois plus de crédit d’impôt que les moins aisés de ce décile du haut ».
Si l’introduction de la réduction d’impôt en 1991, à un niveau de plafond relativement bas, a eu un impact positif sur l’emploi, ce n’est pas le cas des hausses de plafond successives. La méta-analyse menée par Clément Carbonnier, économiste, montre à la fois le faible nombre d’emplois équivalents temps plein créés par les hausses de plafond et leur coût très élevé, autour de 160 000 euros par emploi créé, du fait d’un fort effet d’aubaine pour les ménages les plus aisés et les plus consommateurs de services. Ainsi, avec la chercheuse Nathalie Morel, ils expliquent : « les modifications de plafond apparaissent donc davantage comme une aide aux ménages les plus aisés que comme une mesure permettant d’augmenter substantiellement l’emploi dans les services à la personne (…) Peu performante en termes de création d’emplois ainsi qu’en termes de réponse à des besoins sociaux, cette politique coûteuse contribue également à structurer un secteur caractérisé par des emplois de mauvaise qualité : salaires très faibles notamment liés à la forte prévalence du temps partiel court, temps de travail fragmentés (et temps de transport longs), conditions de travail difficiles avec un taux d’accidentologie élevé ».
Par conséquent, nous suggérons - via cet amendement - d'abaisser le plafond du montant pouvant être défiscalisé, les ménages pourront continuer de déclarer les revenus des personnes qu'elles emploient à leur domicile jusqu'à 2000 euros et bénéficier d'un crédit d'impôt de 50 % sur cette somme. Au-delà de cette limite, nous jugeons que c'est aux ménages de supporter le coût des personnes qu'elles emploient à leur domicile quand il s'agit de prestations de confort. Cette limite de déclaration actuelle de 12 000 euros est très élevée : seuls quelques ménages privilégiés peuvent se permettre des dépenses de personnel aussi importantes ! Cette diminution de plafond conserverait un effet incitatif tout en permettant d'éviter l'effet d'aubaine pour les personnes aisées, qui peuvent ainsi réduire sensiblement le montant de leurs impôts pour des services de confort.
Parallèlement à cette diminution de plafond, il est à noter que cet amendement conserve le plafond de 12 000 euros pour les services à domicile liés à l'assistance des personnes âgées, aux personnes en situation de handicap ou aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à la mobilité favorisant leur maintien à domicile. Il s'agit bien de rendre ce crédit d'impôt plus efficace socialement en se concentrant sur les populations qui en ont le plus besoin. Le plafond de 20 000 euros pour les personnes invalides « étant absolument incapables d'exercer une profession et qui sont dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie, » - les personnes mentionnées au 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité́ sociale est également maintenu.
Cet amendement permettrait également de répondre à des recommandations du rapport de la Cour des comptes « Le soutien de l’État aux services à la personne » datant de mars 2024, notamment « resserrer le périmètre des activités éligibles au soutien de l’État » et « réduire le coût du crédit d’impôt pour les activités de la vie quotidienne ne relevant pas des politiques en faveur de l’autonomie et de la garde d’enfants, selon l’un des deux scénarios proposés ».
L’ensemble de ces économies générées par la réduction des services de « confort » doivent être fléchées vers les services essentiels qui souffrent d’un sous-financement chronique.