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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2025

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 143 , 144 )

N° I-1011

20 novembre 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable si rectifié
G Défavorable
Tombé

MM. OUIZILLE, COZIC, KANNER et RAYNAL, Mmes BLATRIX CONTAT, BRIQUET et ESPAGNAC, MM. ÉBLÉ, FÉRAUD, JEANSANNETAS et LUREL, Mmes ARTIGALAS, BÉLIM, BONNEFOY, BROSSEL et CANALÈS, MM. CARDON, CHAILLOU et CHANTREL, Mmes CONCONNE et DANIEL, MM. DARRAS, FAGNEN et GILLÉ, Mme HARRIBEY, MM. JACQUIN et JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, M. KERROUCHE, Mmes LE HOUEROU, LINKENHELD et LUBIN, MM. MARIE et MÉRILLOU, Mme MONIER, M. MONTAUGÉ, Mme NARASSIGUIN, MM. PLA et REDON-SARRAZY, Mme Sylvie ROBERT, MM. ROIRON, ROS, STANZIONE, TEMAL, TISSOT, UZENAT, Mickaël VALLET, VAYSSOUZE-FAURE, Michaël WEBER, ZIANE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 26


Après l’article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 119 bis A est ainsi modifié :

a) Le 1 est ainsi modifié :

- Le premier alinéa est ainsi modifié :

i) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

ii)les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b, » sont supprimés ;

- Les a et b sont ainsi rédigés :

« a) Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou des revenus et risques attachés à ces titres, ou son montant est établi en en tenant compte ;

« b) Le versement est lié, directement ou indirectement :

« – à une cession temporaire desdites parts ou actions réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;

« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;

« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions. » ;

b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Lorsque les revenus mentionnés au I sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces revenus, l’établissement payeur des revenus applique, lors de la mise en paiement, la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis.

« Le bénéficiaire des revenus mentionnés au premier alinéa du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que la distribution de ces revenus dans cet État ou territoire a principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.

« L’établissement payeur des revenus mentionnés au même premier alinéa adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements. »

2° L’article 187 est ainsi modifié :

a) Au 2, après le mot : « et », sont insérés les mots : « pour les revenus mentionnés à l’article 119 bis A » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 3. Le remboursement d’une retenue à la source ne peut avoir lieu qu’après constat par l’administration fiscale qu’une retenue a effectivement eu lieu. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Objet

Les manœuvres de contournement de l’impôt sur les dividendes dites « Cumcums » coutent près de 3Md€ par an à l’État (plus de 33 Md€ depuis l’origine). Relevées en 2018, ces manipulations ont fait l’objet d’un premier dispositif de régulation en 2019, n’ayant pas permis de pleinement contrer le phénomène. Le présent amendement vise à combler l’une des failles du dispositif anti « CumCum internes ».

Ces montages consistent pour un individu assujetti au prélèvement à la source sur les dividendes à mettre ses actions dans les mains de banques françaises exonérées de taxe le temps du versement de ces dividendes, puis à récupérer ensuite les titres et les dividendes, évitant ainsi l’impôt.

Le dispositif instauré en juillet 2019 pour contrecarrer cette pratique est incomplet. En effet, il se limite aux montages financiers consistant en un prêt « réel » de l’action possédée par un individu assujetti à une banque. Il ignore cependant les mécanismes plus complexes consistant en :

- L’échange de la propriété d’une action (achat de l’action par la banque, vente par l’individu) ;

- L’utilisation concomitante d’un instrument financier de réplication synthétique de l’évolution de l’action permettant de faire porter le risque d’évolution du cours non pas à la banque mais à l’individu assujetti, qui reste dès lors le propriétaire « effectif » des risques relatifs à l’action. La banque ne court elle aucun risque mais empoche le dividende sans la retenue à la source.

Tout l’intérêt du présent amendement du groupe SER que nous présentons aujourd’hui est qu’il permet de combattre efficacement les pratiques d’arbitrage de dividendes sans passer par une renégociation longue et incertaine des conventions fiscales signées par la France avec ses partenaires internationaux.

Le I de l’amendement supprime la notion des 90 jours autour de la date de versement des dividendes et élargi les cas où la retenue à la source doit s’appliquer. Cet article propose également un mécanisme qui permet de combattre l’instrumentalisation des conventions fiscales à des fins d’évitement de l’impôt. En effet, la retenue à la source de 30% est appliquée automatiquement pour tous les flux financiers partants à l’étranger. Charge ensuite à la personne établie dans un pays ayant une convention fiscale favorable avec la France de prouver qu’elle est bien le bénéficiaire effectif de ce versement afin d’obtenir le remboursement de la retenue à la source.

Le II de l’amendement soumet au taux majoré de prélèvement à la source applicable aux flux de revenus payés dans des pays ou territoires non coopératifs l’ensemble des cas définis dans l’article 1. Il permet également de s’attaquer aux schémas « CumEx » en interdisant qu’un remboursement de la retenue à la source ait lieu sans que l’administration fiscale ait pu au préalable vérifier de l’effectivité de cette retenue.

Une proposition de loi en tous points identique à celle-ci a été déposée au Sénat par la Sénatrice Nathalie Goulet et un ensemble transpartisan de Sénateurs. De nombreux groupes politiques, aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat, sont favorables à ces mesures. Une majorité est donc possible sur ce texte et montrerait à nos concitoyennes et concitoyens l’importance que leurs représentants attachent à la justice fiscale.


NB : La mention « Tombé » signifie qu'il n'y avait pas lieu de soumettre l'amendement au vote du Sénat dans la mesure où soit l'objectif poursuivi par l'amendement a été atteint par l'adoption d'un autre amendement (ex. : amendement de rédaction globale incluant la modification proposée), soit, au contraire, l'amendement était incompatible avec un amendement précédemment adopté (ex. : l'adoption d'un amendement de suppression fait tomber tous les autres).