Direction de la séance |
Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025 (1ère lecture) (n° 129 , 138 , 130) |
N° 833 15 novembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 6 |
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation ayant pour objectif d’évaluer spécifiquement, pour 2024, la perte de recettes qui aurait été évitée par le gel des barèmes des allègements généraux et la suppression des exonérations de cotisations au-delà de deux fois le salaire minimum de croissance.
Objet
Selon le Conseil d’Analyse Économique dans une étude de 2019, si les baisses de cotisations sociales sur les bas salaires ont pu avoir des effets sur l’emploi : « Les baisses de cotisations sociales sur les salaires plus élevés (au-delà de 1,6 SMIC) n’ont pas encore fait la preuve de leur efficacité », et les chercheurs d’écrire : « nous recommandons une remise en cause des réductions du coût du travail au-delà du seuil de 1,6 SMIC ».
De même, le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le contrôle et l’efficacité des exonérations de cotisations sociales de septembre 2023, indiquait que « le maintien des exonérations de cotisations familiales (dites « bandeau famille ») portant sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic ne se justifiait pas, c’est pourquoi nous proposons de les supprimer.».
Les auteurs du rapport ne trouvaient, tout comme le CAE avant eux, aucun effet bénéfique des exonérations de cotisations sociales sur l’emploi ou la compétitivité des entreprises au-delà de 2 SMICs.
Même les propres économistes mandatés par le gouvernement, Antoine Bozio et Etienne Wasmer, dans leur rapport établissant un état de l’art de la recherche sur les politiques d’exonérations de cotisations sociales en France et en Europe, ne parviennent pas à démontrer un effet des exonérations de cotisations sur l’emploi au-delà d’un certain seuil.
Les travaux cités du Conseil Supérieur de l'Emploi, des Revenus et des Coûts, le CSERC (1996), Laffargue (1996), Malinvaud (1998), Salanié (2000), Audric, Givord et Prost (2000), L’Horty (2000), et Laffargue (2000) mettent surtout en avant des effets importants sur l’emploi non qualifié avec une borne à 1,3 SMIC.
Un article publié dans le Journal of Public Economics (Kramarz et Philippon, 2001) sur les réformes Juppé de 1995 et 1996 démontre des effets positifs (très net) s’arrêtant à 1 et 1,2 SMIC.
Enfin la méta analyse de Bunel, Emond et L’Horty (2012) également citée par Bozio et Wasmer semble aller dans le même sens puisque « leurs simulations indiquent qu’il est plus efficace de concentrer les réductions de cotisation sur les plus bas salaires ». Si des mesures d’exonération de cotisation au-delà des bas salaires peuvent parfois être efficace, c’est lorsqu’elles sont temporaires et ciblées, comme semble le démontrer l’expérience suédoise, citée par Bozio et Wasmer, qui a mis en place une exonération de cotisation de 31 % de 2008 à 2015 pour les moins de 26 ans, avec un fort effet sur l’emploi, lequel s’est maintenu même après la fin des exonérations de cotisations par la Suède en 2016. En définitive, les chercheurs observent que cette exonération a surtout servi à lever un effet discriminatoire : « la baisse des cotisations a permis aux employeurs d’incorporer de jeunes salariés contre lesquels il existait auparavant une forme de discrimination, et une fois ces jeunes en emploi, cet a priori négatif aurait disparu. ».
Enfin, les Evaluation interdisciplinaire des impacts du CICE en matière de compétitivité internationale, d’investissement, d’emploi, de résultat net des entreprises et de salaires, n’a pas non plus conclu à de réels effets sur l’emploi : « En ce qui concerne l’emploi global, aucun impact significativement positif ne ressort de nos estimations, quelle que soit la spécification retenue. ». Bozio et Wasmer se tournent alors vers les potentiels effets « trappes à bas salaires » des exonérations, sans parvenir non plus à les démontrer.
Ainsi, alors que le coût des mesures en faveur de l’emploi ne cesse de peser sur le budget de l’Etat et les comptes de la sécurité sociale, les divers gouvernements s’obstinent à ne pas remettre en cause des politiques d’exonérations dont les effets au-delà d’un certain seuil ne sont pas démontrés, ni en termes d’effet emploi, ni en termes de compétitivité.
En 2023, la Commission des comptes de la Sécurité sociale évaluait le coût des exonérations de cotisations sociales à 89 milliards dont 2,9 n’étaient pas compensées par le Budget de l’Etat, soit près de 3 points de PIB, alors qu’en 2012 elles ne représentaient qu’1,1 point de PIB (le seul CICE en 2013 a fait passer les coûts de 1,1 à 2,1 points de PIB et la transformation du CICE en exonérations a fait augmenter le coût (la perte de recettes) de ces dernières de 36,1 milliards en 2018 à 52 milliards en 2019).
Dans le total de ces exonérations, le bandeau maladie représentait un coût (une perte de recettes) de 25 milliards (89% des salariés sont concernés par ce bandeau) et le bandeau famille 9,6 milliards (98% des salariés sont concernés). Ces sommes exorbitantes constituent un coût important pour l’ensemble des finances publiques alors que l’objectif est un déficit à 3 % toutes APU consolidées selon les critères européens.
Cela serait une stratégie bien meilleure que la cure d’austérité préparée par le gouvernement puisque celle-ci aura, selon l’OFCE, un effet récessif de 0,8 points de PIB en 2025, alors qu’un point de sortie des exonérations de cotisations à 2 SMIC, n’aurait selon l’économiste Anne Laure Delatte, dans le pire des cas, qu’un impact récessif mineur de 0,05 point de PIB en 2025.
Pour les comptes sociaux, une remise en cause des bandeaux à partir de 2 fois le SMIC réduirait massivement les exonérations et donc la dépense pour l’Etat en recentrant les exonérations sur les bas salaires, soit sur le dispositif initial.
Soit l’inverse de ce que prévoit le gouvernement alors que la densité de la population active au SMIC approche les 17 % (du fait de la déflation salariale, les salaires n’ayant pas suivi l’inflation) et alors que l’effet dans certaines branches est peu maitrisé compte tenu de la place de la sous-traitance (du fait de la politique d’externalisation des grands groupes).
L’économiste Anne Laure Delatte évalue les recettes restaurées à 8 milliards pour 2025, tandis qu’en audition pour la Commission Affaires Sociales, l’économiste Gilbert Cette estime que le potentiel des gains se situe aux environs de 6 milliards et l’économiste Pierre Cahuc avance un chiffre supérieur aux deux économistes.
Ces désaccords sur les chiffres démontrent l’importance d’une étude sur le sujet, surtout compte tenu de l’importance des gains estimés, même les plus bas.
En tout état de cause, le rendement est bien supérieur à la réforme gouvernementale estimé à 4 milliards au maximum, ce qui ne suffit pas à ralentir la trajectoire déficitaire des comptes publics alourdie par 89 milliards d’exonérations dont une part importante est sans effets probants selon un large consensus d’économistes.
Le présent amendement présente une solution alternative réelle au problème du déficit en demandent au gouvernement d’envisager une mesure bien plus ambitieuse : une extinction des exonérations de cotisations au-delà de 2 SMIC.
Ainsi, l’objet de cet amendement est de demander un rapport afin d’évaluer, la perte de recettes qui aurait été évitée par la suppression des allègements généraux au-delà de 2 SMIC.