Direction de la séance |
Proposition de loi constitutionnelle Accélérer le redressement des finances publiques (1ère lecture) (n° 783 (2023-2024) , 111 , 109) |
N° 4 rect. 12 novembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. CADIC, CAMBIER, COURTIAL et DELAHAYE, Mme DEVÉSA, M. FARGEOT et Mmes JACQUEMET et SOLLOGOUB ARTICLE 1ER |
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au cinquième alinéa, après les mots : « impositions de toutes natures », sont insérés les mots : « qui, pour celles qui relèvent de la fiscalité directe, ne sauraient avoir de portée confiscatoire en dépassant la moitié des revenus du contribuable perçus l’année précédant celle du paiement des impositions » ;
Objet
Le présent amendement propose la constitutionnalisation d'un « bouclier fiscal » plafonnant à 50 % le taux individuel global d'impositions directes.
Le bouclier fiscal créé en 2006 fut l’occasion pour le Conseil constitutionnel de se référer expressément à la notion jusque-là inédite de confiscation et, partant, d’amorcer explicitement l’exigence du caractère non-confiscatoire de l’impôt.
Saisi, dans le cadre de son contrôle a priori, par des députés de l’opposition sur le fondement du principe d’égalité devant les charges publiques posé par l’article 13 de la Déclaration de 1789, le juge constitutionnel déclara que l’exigence d’égalité « ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » (décision n° 2005-530 DC, Loi de finances pour 2006, cons. 65). L’hypothèse d’inconstitutionnalité étant soulevée, le Conseil précisa que, « loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, [le bouclier fiscal] tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques » (cons. 66).
Certes, le principe de non-confiscation fut admis, mais, étant adossé au principe d’égalité (et non au droit de propriété), il n'a pas permis au Conseil constitutionnel de définir précisément le seuil de la confiscation, le limitant, dans le cadre d’un contrôle minimum, à ne sanctionner que la seule rupture manifeste d’égalité devant les charges publiques.
Or, la très confortable marge d’appréciation laissée ici au législateur s'avère extrêmement défavorable aux contribuables minoritaires, sur qui il est politiquement toujours tentant de concentrer la charge fiscale au bénéfice d'une majorité électorale potentiellement tyrannique. En témoigne la très forte concentration des impôts sur le revenu et sur la fortune.
Si une majorité d’électeurs décident de confisquer leurs revenus à une minorité de contribuables, sous la seule justification que ladite majorité est souveraine par le truchement de ses représentants au Parlement, cela pose un problème moral et vraisemblablement économique, si l’on veut bien admettre que le respect des droits subjectifs de chacun est une des conditions du progrès économique et social.
Quoi qu'il en soit, la robustesse et l’efficacité de la protection des contribuables face au danger de l’impôt confiscatoire (ou excessif) ne tiennent pas tant au fondement retenu qu’au niveau de la garantie juridique elle-même. La conformité à la Constitution de la suppression du bouclier fiscal par le législateur lors de la première loi de finances rectificative pour 2011 a ainsi montré que constitutionnalité ne valait pas constitutionnalisation, et que le problème de la pérennité du régime du bouclier tenait d'abord et avant tout à sa simple base législative ordinaire.
La question de l’impôt confiscatoire s’intègre dans la recherche d’un équilibre entre les droits de l’individu-contribuable et les prérogatives de la collectivité-État. Or, un seuil de non-confiscation à 50 %, tel que l’avaient défini tant la jurisprudence constitutionnelle allemande en 1995 que le législateur français en 2007, aurait le mérite de tracer une ligne de démarcation objective car paritaire entre le contribuable (à qui serait garantie une sphère d’autonomie personnelle) et l’État (à qui seraient laissées, le cas échéant, d’importantes marges de manœuvre pour mener des politiques de redistribution).
En assurant aux contribuables et agents économiques de conserver à longue échéance au moins la moitié de leurs revenus, un bouclier fiscal constitutionnalisé inciterait puissamment à l’effort, à la prise de risque, à l’accumulation de capital et à la réalisation d’investissements au long cours, autant de comportements utiles à la productivité globale de l’économie et, par voie de conséquence, au redressement des finances publiques.