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Direction de la séance

Proposition de loi

Corrida et combats de coqs

(1ère lecture)

(n° 475 , 115 (2024-2025) )

N° 6

12 novembre 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G  

M. BAZIN et Mme CAZEBONNE


ARTICLE 1ER


Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article 227-20 du code pénal est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 227-20. – Il est interdit de recevoir des mineurs de moins de seize ans dans des lieux où se déroulent des courses de taureaux ou des combats de coqs en application du onzième alinéa de l’article 521-1. 

« L’infraction prévue par le présent article est punie de 7 500 € d’amende. La récidive est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. 

« Le prévenu peut prouver qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur. S’il fait cette preuve, aucune peine ne lui est applicable de ce chef. »

II. – Le I entre en vigueur un an après la publication de la présente loi.

Objet

Cet amendement a pour objectif de répondre aux préoccupations de la commission qui confirme en préambule de son rapport que «les combats de coqs et la corrida sont des spectacles violents qui peuvent heurter la sensibilité de certains » mais qui n’a cependant  pas adopté les articles au motif d’un dispositif juridique qui lui a semblé inopérant.

La position de la commission est reprise point par point :

•    «  Une disposition difficilement applicable aux combats de coqs »

L’article 521-1 prévoit que la construction de nouveaux gallodromes est interdite. Le conseil constitutionnel a souligné dans sa décision QPC du 31 juillet 2015 qu’en interdisant la construction de nouveaux gallodromes par la loi du 8 juillet 1964, le législateur a entendu « accompagner et (…) favoriser l’extinction de ces pratiques ».

La volonté du législateur est donc ancienne et confirmée.

Cependant cet amendement, comme la PPL, n’a pas pour vocation à supprimer ces pratiques mais simplement à en soustraire les mineurs.

Afin de répondre à la nécessité pour les organisateurs de combats de coqs de s’organiser, l’amendement prévoit une entrée en vigueur différée.

•    « Un instrument qui paraît mal adapté pour les corridas »

Le terme « course de taureaux » est une traduction de « corrida de toros » qui désigne les corridas sanglantes ayant lieu sur des taureaux. 
En effet, les autres jeux taurins sans mise à mort ne s’exercent pas sur des taureaux (mais sur des vaches ou des bœufs) et ne sont pas considérés comme des actes de cruauté comme en témoignent les débats parlementaires de 1951 à l’origine de la loi du 21 avril 1951 instituant l’exonération pénale pour les » courses de taureaux (1) » .  Aussi, les courses landaises et camarguaises n’entrent pas dans le champ de l’article 521-1 du code pénal.
En outre, si comme l’énonce la commission, les « courses de taureaux » incluent les courses landaises et camarguaises, ces activités sont alors d’ores et déjà considérées comme des sévices graves bénéficiant d’une dérogation. Elles ne pourraient donc se tenir que dans les territoires où il existe une tradition locale ininterrompue.
Si l’on devait suivre l’interprétation de la commission, cela impliquerait une suppression totale de nombreux jeux taurins non sanglants (courses landaises, camarguaises mais aussi taureau-piscine) dans tous les territoires où une tradition locale ininterrompue ne peut être invoquée.
La commission estime que « le texte proposé ne permet pas de distinguer entre la participation à une corrida en tant qu’acteur et en tant que spectateur ». 
Cet amendement concerne le fait de recevoir des mineurs de moins de 16 ans dans des lieux où se déroulent des courses de taureaux et des combats de coqs et donc des mineurs de 16 ans spectateurs tout autant qu’acteurs.
La commission ayant jugé que « dans l’échelle des peines la sanction d’un tel comportement relèverait plutôt d’une contravention », cet amendement prévoit une amende correspondant à celle prévue pour la vente d’alcool à des mineurs. (2) 
La rédaction de l’amendement laisse par ailleurs la possibilité pour le prévenu de prouver son erreur et d’être ainsi disculpé.

•    « Des interrogations sur la pertinence du seuil d’âge choisi »
    La détermination de ce seuil ne peut s’appuyer que sur des éléments scientifiques établis par des professionnels de l’enfant en restant cohérent avec le droit français.
Les deux psychiatres auditionnés par la commission ont confirmé que ce seuil devait se situer entre 16 et 18 ans. Les recommandations du Comité des Droits de l’Enfant de l’ONU qui appelle la France à « interdire l’accès des enfants aux spectacles de tauromachie ou à des spectacles apparentés » s’entendent à partir de 18 ans.
L’article 521-1 considère comme circonstance aggravante le fait d’exercer des sévices graves en présence de mineurs.
L’âge à partir duquel on peut travailler est de 16 ans, avec l’autorisation écrite du représentant légal, l’âge du consentement aux activités sexuelles est de 15 ans.
Cet amendement reprend donc le seuil de 16 ans en totale cohérence avec les recommandations des professionnels de l’enfant et du droit interne.

•    « Une remise en question disproportionnée de l’autorité parentale »
    Le décret n° 2017-150 du 8 février 2017 relatif au visa d’exploitation cinématographique (3)  établit que « La mesure de classification […] est proportionnée aux exigences tenant à la protection de l’enfance et de la jeunesse, au regard de la sensibilité et du développement de la personnalité propres à chaque âge, et au respect de la dignité humaine.
Lorsque l’œuvre ou le document comporte des scènes de sexe ou de grande violence qui sont de nature, en particulier par leur accumulation, à troubler gravement la sensibilité des mineurs, à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser, le visa d’exploitation ne peut s’accompagner que de l’une des mesures prévues au 4° et au 5° du I. »,  ce qui correspond à une interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans.
Ainsi, dans un contexte en tout point semblable quant à l’exposition des mineurs à des scènes de sévices graves de nature à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser, le législateur a jugé que l’intérêt supérieur de l’enfant prime sur l’autorité parentale.
Si, dans un cadre de violences fictives auxquelles le spectateur est exposé par le filtre de l’écran, l’Etat a jugé qu’il était de son devoir de prendre le pas sur l’autorité parentale, il paraitrait totalement incohérent qu’il n’en soit pas ainsi pour un spectacle de grande violence réel auquel l’enfant est exposé sans écran interposé.

Pour conclure, il ressort que, si l’on devait suivre l’interprétation de la commission quant au sens du terme « course de taureaux », il en résulterait que les jeux taurins non sanglants devraient justifier d’une tradition locale ininterrompue pour se maintenir.
Cet amendement prend soin de palier ce biais.
Cet amendement prend en considération les remarques de la commission quant au régime pénal lié à la présence d’un mineur de moins de seize ans et  sanctionne donc un tel comportement d’une amende. Si le prévenu peut prouver qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur, aucune peine ne lui sera alors applicable.
Cet amendement est par ailleurs totalement cohérent avec les données scientifiques, les recommandations de l’ONU et les dispositions du droit interne relatives à l’âge et à l’intérêt supérieur de l’enfant.

 1 JO du 13 avril 1951 Débats parlementaires Conseil de la République S19510412_1057_1080.pdf (pp 1070-1074)
 2 Article L3353-3 - Code de la santé publique - Légifrance
 3 Décret n° 2017-150 du 8 février 2017 relatif au visa d’exploitation cinématographique - Légifrance