Direction de la séance |
Proposition de loi Saisie et confiscation des avoirs criminels (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 446 rect. , 445 ) |
N° 32 rect. 25 mars 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. DURAIN, Mmes CARLOTTI, CONCONNE, DANIEL et de LA GONTRIE, MM. BOURGI et CHAILLOU, Mme HARRIBEY, M. KERROUCHE, Mmes LINKENHELD et NARASSIGUIN, M. ROIRON et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER |
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le cinquième alinéa de l’article 131-21 du code pénal est ainsi modifié :
1° Les mots : « porte également sur les », sont remplacés par les mots : « est obligatoire s’agissant des » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
Objet
L’objet de cet amendement, inspiré des travaux de l’association CRIM’HALT, est de rendre obligatoire, sauf motivation contraire, la confiscation des biens meubles ou immeubles dont l’origine n’a pu être justifiée, en cas de délit ou de crime puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect. Cela offrirait, entre autres, la possibilité de cibler les personnes impliquées dans des dossiers de trafic de stupéfiants.
A l’heure actuelle, un membre d’un réseau criminel condamné pour racket et extorsion de fonds, propriétaire de commerces ou détenant des participations dans diverses sociétés acquis avec de l’argent sale et ayant la libre disposition d’autres biens, a la possibilité de conserver tous ces biens et de continuer à en disposer, dès lors que les juges n’ont pu prouver que ces biens sont le produit de l’infraction. Les montages financiers illicites et organisations patrimoniales frauduleuses auxquels se livrent les délinquants leur permettent d’échapper aux confiscations et de continuer à profiter des biens obtenus par des voies illégales.
Dans sa directive 2022/0167 relative au « recouvrement et à la confiscation d’avoirs criminels », le Parlement européen constate : « La criminalité organisée représente l’une des plus grandes menaces pour la sécurité de l’Union Européenne. La portée transnationale de la criminalité organisée, son recours systématique à la violence et à la corruption et son degré d’infiltration économique sans précédent ont été mis en évidence lors des opérations EncroChat, Sky ECCet ANOM menées en 2020-2021(...) Les organisations criminelles déploient des moyens sophistiqués pour blanchir leurs importantes recettes, qui sont estimées au minimum à 139 milliards d’euros chaque année(...)Il est essentiel de priver les criminels de ces profits illicites pour désorganiser les activités des groupes criminels et prévenir leur infiltration dans l’économie légale. »
La confiscation obligatoire des avoirs criminels en cas de condamnation pénale doit donc être la pierre d’angle de la lutte contre les organisations criminelles.
Le présent amendement modifie le cinquième alinéa du même article afin de combler un vide juridique en ce qui concerne la confiscation des biens meubles ou immeubles dans le cas où le condamné n’a pu en justifier l’origine. Il propose une avancée majeure dans la lutte contre le blanchiment d’argent, en dotant la justice d’un levier efficace et puissant pour contrer la pénétration de l’argent du crime dans l’économie légale, empêcher le bénéficiaire effectif du produit infractionnel de se servir de l’organisation patrimoniale frauduleuse qu’il a mise en place pour s’opposer à la confiscation. Au demeurant, ce dispositif répond aux préconisations de l’article 5 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l’Union européenne.
Les enquêteurs et magistrats sont trop souvent découragés par les difficultés engendrées par l’enquête patrimoniale. L’identification des avoirs criminels est perçue comme une charge supplémentaire et non vraiment justifiée dans la mesure où, in fine, leur confiscation n’est pas obligatoire mais facultative. La rendre obligatoire donnera tout son sens à l’enquête patrimoniale.
Dans le cadre de la procédure, le condamné est présumé bénéficier en connaissance de cause de ressources ou de biens dont il sait que l’origine est frauduleuse. Il s’agit d’une présomption réfragable. Il dispose de la possibilité de prouver que le droit de propriété privée qu’il revendique sur les biens meubles ou immeubles en cause est justifié par des ressources légales.
La confiscation prononcée, faute pour le condamné de pouvoir justifier l’origine des biens en cause, n’est donc pas disproportionnée par rapport au but d’intérêt général poursuivi.
Le juge disposera aussi de la possibilité de ne pas prononcer la confiscation à la condition de motiver cette décision.
En rendant la confiscation obligatoire, le condamné ne pourra sérieusement soutenir qu’il n’avait pas pu comprendre les conséquences juridiques de ses actes faute pour lui de pouvoir justifier l’origine du bien.
Cette confiscation obligatoire aurait aussi pour effet d’accroître les ressources de l’AGRASC grâce à la confiscation de beaucoup plus de biens meubles ou immeubles, et d’en mettre une partie à disposition des collectivités territoriales, comme le prévoit la présente proposition de loi.