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Direction de la séance

Proposition de loi

Mariage en France et résidence irrégulière sur le territoire

(1ère lecture)

(n° 190 rect (2023-2024) , 333 )

N° 10

19 février 2025


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G Favorable
Adopté

M. LE RUDULIER

au nom de la commission des lois


ARTICLE ADDITIONNEL AVANT ARTICLE UNIQUE


Avant l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 63 du code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du 2° , après le mot : « fournies, », sont insérés les mots : « y compris en application de l’avant-dernier alinéa du présent article, » ;

2° Après l’avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les futurs époux de nationalité étrangère fournissent à l’officier d’état civil, outre les pièces mentionnés au 1° du présent article, tout élément lui permettant d’apprécier leur situation au regard du séjour. »

Objet

Le conditionnement de la liberté de mariage à la régularité du séjour des futurs époux est, en l’état de la jurisprudence constitutionnelle, considéré comme une atteinte excessive à la liberté de mariage.  

En effet, bien que le Conseil constitutionnel considère que « la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne fait pas obstacle à ce que le législateur prenne des mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères à l’union matrimoniale » (décision n° 2006-542 DC du 9 novembre 2006 sur la loi relative au contrôle de la validité des mariages), il a toutefois déclaré contraires à la Constitution des dispositions qui assimilaient à « un indice sérieux » justifiant que l’officier d’état civil saisisse le procureur de la République aux fins d’opposition au mariage « le fait », pris isolément, « pour un ressortissant étranger, de ne pas justifier de la régularité de son séjour ». Le Conseil constitutionnel a motivé sa déclaration d’inconstitutionnalité en « considérant que le respect de la liberté du mariage […] s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé » (Décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité).

C’est pourquoi, lors de son examen au stade de la commission le 12 février dernier, la commission des lois n’a pas adopté le texte, nonobstant son souhait de voir cette jurisprudence évoluer.

La situation actuelle demeure cependant insatisfaisante, les maires se retrouvant parfois en première ligne face à des cas vraisemblables de mariages arrangés ou simulés, en particulier lorsque l’un des futurs époux est soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

S’il est vrai que les maires ne sont pas, en l’état du droit, démunis puisqu’ils peuvent saisir le procureur de la République lorsqu’existent des indices sérieux laissant présumer un projet de mariage arrangé ou simulé, conformément à l’article 175-2 du code civil, ils ne disposent toutefois pas de toutes les informations objectives qui pourraient guider leur appréciation de la volonté matrimoniale. En l’état, il ne leur est notamment pas possible d’exiger des futurs époux la preuve de la régularité de leur séjour pour célébrer le mariage.

Pour y remédier, le présent amendement prévoit que les futurs époux de nationalité étrangère fournissent à l’officier d’état civil tout élément lui permettant d’apprécier leur situation au regard du séjour. 

Il convient de souligner que, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cette pièce justificative supplémentaire ne serait qu’un des éléments constitutifs d’un faisceau d’indices permettant à l’officier d’état civil de présumer qu’il fait face à un mariage arrangé ou simulé. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que « le caractère irrégulier du séjour d’un étranger peut constituer dans certaines circonstances, rapproché d’autres éléments, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un autre but que l’union matrimoniale » (décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 précitée). Tel que proposé par le présent amendement, il n’y aurait donc pas de saisine automatique ni systématique du procureur de la République. Par ailleurs, la démonstration de la régularité du séjour serait dissociée de la fourniture des pièces qui subordonnent la célébration du mariage, le nouvel alinéa inséré à l’article 63 du code civil étant volontairement exclu de l’énumération formée par le 1° du même article 63.

Ainsi, le présent amendement ne constitue pas le même cas de figure que le considérant n° 95 de la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 précitée, lors de laquelle le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la Constitution d’estimer que « le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l’absence de consentement », un point d’exergue étant mis sur les termes « dans tous les cas ».

Dès lors que d’autres indices doivent venir étayer les soupçons de l’officier de l’état civil, notamment les auditions et entretiens qu’il peut mener en cas de doute, il apparaît ainsi juridiquement possible, à jurisprudence constitutionnelle constante, de prévoir la production par l’époux étranger de la justification de la régularité de sa situation.

Enfin, dans le cas où le dispositif initial de l’article unique de la proposition de loi était adopté, le présent amendement permettrait utilement de préciser les conditions dans lesquelles l’officier d’état civil pourrait vérifier si l’un des futurs époux est en situation irrégulière, le texte initial étant muet sur ce point.