Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2023 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 114 , 115 , 118, 119) |
N° I-888 rect. 18 novembre 2022 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme BELRHITI, MM. BELIN et TABAROT, Mme DREXLER, M. Jean-Baptiste BLANC, Mme JACQUES, M. COURTIAL, Mme DUMONT, M. CAMBON, Mme DEMAS, M. HOUPERT, Mme IMBERT, MM. BOUCHET, Bernard FOURNIER et BURGOA, Mme Frédérique GERBAUD, MM. PANUNZI et CADEC et Mmes LOPEZ et THOMAS ARTICLE 2 |
I. – Après l’alinéa 1
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° Le tableau constituant le deuxième alinéa du I de l’article 194 est ainsi modifié :
a) À la deuxième ligne de la première colonne, les mots : «, divorcé ou veuf », sont remplacés par les mots : « ou divorcé » ;
b) Après la troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Veuf sans enfant à charge | 1,5 |
» ;
…° Au premier alinéa de l’article 195, les mots : «, divorcés ou veufs », sont remplacés par les mots : « ou divorcés ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Objet
Amendement visant à attribuer une demi-part fiscale aux veufs et veuves
Au fondement de notre tradition fiscale, l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen fixait déjà le devoir de répartir également « la contribution commune (...) entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Cette conception concrète, équitable, du principe d’égalité en matière d’imposition s’avère d’autant plus nécessaire face aux difficultés économiques aujourd’hui rencontrées par les générations de nos ainés et, plus largement, face à la baisse du pouvoir d’achat à laquelle certaines catégories de la population sont particulièrement exposées.
C’est notamment le cas, lorsque le décès d’un conjoint diminue brutalement les revenus du foyer fiscal, laissant le conjoint survivant en situation de veuvage, tandis que ses charges restent inchangées. Cet effet de cisaillement accroît la charge fiscale pesant sur des personnes dont la situation s’est dégradée soudainement, tant sur un plan matériel que moral.
Une pression fiscale accrue s’exerce ainsi en tous points sur la personne en situation de veuvage. Certaines d’entre elles peuvent effectivement devenir imposables alors qu’elles ne disposent que de très faibles revenus, d’autres perdre le bénéfice de l’exonération de la taxe d’habitation ou de la taxe foncière. Dans l’hypothèse où un veuf ou une veuve pourrait bénéficier d’une pension de réversion, celle-ci demeure conditionnée à un certain niveau de revenus personnels d’une part, et proportionnée à la pension de retraite initiale d’autre part. Il faut également rappeler à cet égard que les pensions de retraite demeurent soumises à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) quelle que soit la situation du pensionnaire. Le maintien à domicile de la personne en situation de veuvage, souvent nécessaire à son bien-être, conserve à sa charge un coût invariable mais de moins en moins supportable, tandis que l’admission dans un EHPAD, une maison de retraite ou un établissement de santé se heurte à d’autres difficultés tant économiques qu’éthiques et morales.
Actons, enfin, que près de 5 millions de personnes sont aujourd’hui en situation de veuvage en France, dont 500 000 le sont devenues de manière précoce (avant 55 ans). Il s’agit donc d’un phénomène à la fois large au sein de la population française mais aussi intergénérationnel. Force est de souligner que cette situation concerne de surcroît particulièrement des femmes, qui constituent près des trois quarts des personnes en situation de veuvage, et plus particulièrement encore des femmes isolées de plus 70 ans, puisqu’au-delà de cet âge une femme sur deux vit seule. Ces circonstances créent ainsi, en d’autres termes, une situation objectivement différente au détriment des veuves et des veufs, tandis qu’elles demeurent soumises à un principe d’égalité rigide et aveugle sur un plan fiscal.
Les aménagements fiscaux existants se bornent, à l’heure actuelle, à une approche sectorielle devenue insuffisante : qu’il s’agisse de parents isolés, ayant eu au moins un enfant élevé seul durant cinq ans, de titulaires d’une carte d’invalidité ou d’une pension militaire d’invalidité, de veuves ou de veufs d’un ancien combattant ou touchant une pension militaire ; c’est toujours une situation particulière et ajoutée au veuvage qui se trouve prise en considération par l’administration fiscale, en raison de conditions d’attribution restrictives.
L’histoire de cette demi-part fiscale au profit des personnes en situation de veuvage confirme également, s’il en est besoin, que sa réintroduction aujourd’hui serait possible. Initialement prévue dans les années 1950 au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, elle témoignait d’un engagement fort de l’État au soutien des veuves de guerre, dont le coût s’élevait à près de deux milliards pour l’époque. La suppression de cette demi-part, progressivement appliquée entre 2008 et 2014, n’a en revanche pas bouleversé le budget de l’État, tandis qu’elle a affecté le budget de nombreuses personnes en situation de veuvage. Sa réintroduction aujourd’hui aurait un coût inférieur à un milliard d’euros, mais présenterait de nombreux avantages, y compris pour le système fiscal : soit un allègement de la pression fiscale sur des personnes modestes, accroissant ainsi un pouvoir d’achat lui-même source de recettes étatiques ; soit une meilleure libération des capitaux détenus par les veuves ou veufs les moins modestes, par le biais de donations, successions et d’autres voies également soumises à l’impôt ou aux prélèvements.
Cette situation rappelle que la question de l’impôt, des retraites et du pouvoir d’achat, actuellement au centre des préoccupations du Gouvernement, ne peuvent faire l’économie d’une action quant à la situation fiscale des personnes en situation de veuvage.
C’est pourquoi cet amendement vise à introduire le bénéfice général d’une demi-part fiscale pour toute personne veuve, avec pour seule condition que le conjoint survivant demeure seul et n’ait renoué aucun lien matrimonial depuis le décès de son conjoint défunt.