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Direction de la séance

Proposition de loi

Diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 753 , 752 )

N° 3

11 juillet 2022


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G  
Rejeté

Le Gouvernement


ARTICLE UNIQUE


I. – Alinéas 30 à 33

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« II. – Les fournisseurs de contenus et les fournisseurs d’hébergement visés par une injonction de retrait au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2021/784 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2021 précité ainsi que la personnalité qualifiée mentionnée aux articles 6-1 et 6-1-1 peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation de cette injonction, dans un délai de quarante-huit heures à compter soit de sa réception, soit du moment où le fournisseur de contenu est informé par le fournisseur de services d’hébergement du retrait du contenu.

« Il est statué sur la légalité de l’injonction de retrait dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal.

II. – Alinéa 34

Remplacer les mots :

la réformation de la décision motivée

par les mots :

l’annulation de la décision

III. – Alinéas 36 et 37

Rédiger ainsi ces alinéas :

« III bis. – Les décisions rendues en application des II et III sont susceptibles d’appel dans un délai de deux mois à compter de leur notification.

« La juridiction d’appel statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

IV. – Alinéa 38

Rédiger ainsi cet alinéa :

« IV. – Les fournisseurs de services d’hébergement visés par une décision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, prise en application de l’article 5 dudit règlement, les déclarant exposés à des contenus terroristes ou leur enjoignant de prendre les mesures spécifiques nécessaires, peuvent demander l’annulation de cette décision, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. » ;

V. – Alinéa 39

Supprimer cet alinéa.

Objet

Le présent amendement a trait à la procédure contentieuse applicable aux décisions de retrait ou, essentiellement rédactionnel, vise à :

- fusionner, au sein d’un alinéa unique, les dispositions, identiques, relatives aux recours ouverts aux fournisseurs de services d’hébergement, aux fournisseurs de contenus et à la personnalité qualifiée à l’encontre des injonctions de retrait ;

- uniformiser l’office du juge en supprimant les termes « réformation », utilisés aux alinéas 34 et 38 en faveur des termes « annulation », plus explicites ;

- supprimer la procédure d'appel devant le Conseil d’État, pour les décisions rendues en application des II et III  pour rétablir une voie d’appel de droit commun, devant les cours administratives d’appel s’agissant d’appel interjetés à l’encontre de décisions de fond, en encadrant toutefois le délai de jugement à un mois à compter de la date de saisine de la juridiction.

- supprimer la mention de la compétence du Conseil d’État en premier et dernier ressort s’agissant des décisions de l’ARCOM, cette règle de compétence étant de nature réglementaire.

S’agissant de la procédure d’appel, il ne paraît en effet pas opportun de déroger à la règle instaurée par l’article L.321-1 du code de justice administrative selon laquelle « Les cours administratives d'appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous réserve des compétences que l'intérêt d'une bonne administration de la justice conduit à attribuer au Conseil d'État 

En effet, la circonstance que les mesures dont s’agit, à savoir des injonctions de retrait de contenu sur internet, portent atteinte à la liberté de communication, ne me parait pas devoir conduire à déroger à cette règle de compétence, sauf à considérer que tel devrait être le cas de toutes le contentieux des mesures de police administrative, qui, dans leur majorité car c’est leur objet, portent atteinte à une liberté fondamentale.

Or, le contentieux d’appel de ces décisions relève invariablement des cours administratives d’appel, y compris pour des décisions tout aussi graves en terme d’atteinte à une liberté fondamentale, sans que le droit au recours effectif soit pour autant méconnu. Il en est ainsi des interdictions de manifestations ou de réunion, des expulsions d’étrangers ou encore des décisions restreignant la liberté de circulation.

Le Conseil d’État est en principe un juge de cassation et les dérogations, exceptionnelles, doivent le rester sauf à remettre en cause la cohérence de l'organisation au sein de l'ordre administratif.

Essentiellement, au-delà du contentieux très technique des questions préjudicielles en appréciation de la légalité ou en interprétation, cette règle de compétence ne connaît que deux exceptions majeures :

- d’une part, le contentieux des élections municipales et départementales justifiée par la nécessité que ces contentieux soient purgés le plus rapidement possible, au nom de l’exigence de continuité de la vie démocratique.

- d’autre part, la compétence d’appel est réservée aux ordonnances du juge des référés du tribunal administratif lorsque celui-ci est saisi selon la procédure du référé liberté.

Or, bien que voisine par ses délais, la procédure de contestation des injonctions organisée par la présente proposition de conduit bien à saisir le juge en excès de pouvoir, c'est-à-dire pour un examen complet de la  légalité de la décision,  l’office du juge n’étant pas seulement limité, comme c’est le cas pour la procédure de référé liberté, à l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, exigeant l’intervention du juge en extrême urgence.

Il est donc logique que les décisions soient portées ensuite en appel devant les cours administratives d’appel pour connaitre une examen tout aussi approfondi, en appel, étant observé que la voie du référé liberté, avec appel au Conseil d’État demeure toujours possible.

En résumé, les destinataires de ces injonctions disposeront non pas d’une mais de deux voies de recours ;

- l’une en excès de pouvoir,  avec un délai de 48h  pour saisir le juge, celui-ci devant juger en 72 h, avec un appel devant la cour administrative d’appel devant statuer en un mois

- l’autre, en référé liberté, dans les mêmes délais, avec un possible appel devant le Conseil d’État, la décision de ce dernier étant, dans ce cas, limitée à l’atteinte grave et manifestement illégale et n’étant pas revêtue de l’autorité de la chose jugée.

J’ajoute, en tout état de cause, que la désignation, au sein de l’ordre de juridiction administratif, du juge compétent pour statuer en appel ou sur les décisions de l’ARCOM, relève en réalité du pouvoir réglementaire et n’a donc pas à figurer dans la présente proposition de loi.