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Direction de la séance

Projet de loi

Lutte contre le dérèglement climatique

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 667 , 666 , 634, 635, 649, 650)

N° 1935

10 juin 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

M. LABBÉ, Mme BENBASSA, MM. SALMON, FERNIQUE, DANTEC

et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires


ARTICLE 68


I. – Alinéas 13, 14 et 15

Remplacer les mots :

et durables

par les mots :

ou significatifs

II. – Alinéas 19 et 22

Supprimer ces alinéas.

Objet

L’article 68 élargit l’actuel délit de pollution des eaux au sol et à l’air, pour en faire un délit général de pollution des eaux, du sol et de l’air, inséré dans un nouveau titre au sein du livre II du code de l’environnement relatif aux atteintes générales aux milieux physiques.
La création d’un délit général d’atteinte à l’environnement figurait parmi les recommandations de la mission d’inspection conjointe IGJ/CGEDD au sein du rapport « une justice pour l’environnement » d’octobre 2019 qui soulignent que « le droit pénal de l’environnement se caractérise par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes tandis que les infractions spéciales par renvoi sont nombreuses ».
Consacrer ce nouveau délit général comblerait donc une réelle lacune du droit actuel, mais seulement à certaines conditions.
Ainsi, la rédaction proposée n’est pas opérationnelle, notamment en ce qu’elle qualifie les atteintes à l’environnement qui constituent ce délit de “graves et durables”, durable étant défini comme susceptible de perdurer pendant au moins 7 ans.
Les deux adjectifs « grave » et « durable » visent à transposer la notion qui sous-tend l’article 223-1 du code pénal sur la mise en danger d’autrui.
Mais le qualificatif durable est inopérant pour l’environnement : tout d’abord, même en présence d'un dommage grave, caractériser la durée des atteintes impose un travail d’expertise dont les services de la police de l’environnement, le ministère public ou les victimes ne disposent pas. Ensuite, quand bien même une expertise viendrait établir que les atteintes sont susceptibles de durer plus de 7 ans, il sera aisé de la contredire, au vu de la complexité du sujet, et, ainsi en semant le doute, d’éviter toute condamnation.
Notamment, suite au naufrage de l’Erika, des experts ont établi que les atteintes ont duré deux ans, et ne sont donc pas durables, au sens de la rédaction actuelle de l'article. Cette catastrophe dont personne ne conteste la gravité ne rentrerait donc pas dans le nouveau dispositif crée par l'article 68.
Par ailleurs, l’air et l’eau étant des milieux à fort potentiel de dilution, la caractérisation d'atteintes graves de plus de 7 ans y sera nécessairement plus complexe que dans les sols, et même impossible dans de nombreux cas. Ce qualificatif de “durable” revient à acter que ces milieux seront de fait moins protégés. Or, ces dommages peuvent être graves : par exemple, les milieux aquatiques sont décloisonnés, ce qui rend difficile la remédiation. Ils favorisent la diffusion des polluants dans tous les compartiments de l'environnement, parfois très loin en aval de la pollution. Les espèces inféodées aux milieux aquatiques, sont les plus menacées au vu de la liste rouge de l'UICN, aussi il convient de ne pas acter, par cet article, leur moindre protection.
C’est pourquoi il est proposé de substituer au caractère “durable” du dommage, le caractère significatif, dont l’usage est recommandé par la commission européenne.
En effet la Commission européenne a édicté des lignes directrices sur la définition du dommage environnemental, tel qu’il est visé par la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale (Communication de la Commission Lignes directrices permettant une compréhension commune du terme «dommage environnemental» tel que défini à l’article 2 de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux 2021/C 118/01).
Il y est rappelé que pour faire référence à des dommages affectant « gravement » l’environnement, les modifications négatives et la détérioration doivent être « mesurables ». Le terme « mesurable » signifie que les dommages doivent pouvoir être quantifiés ou estimés, et que la situation avant et après un événement dommageable doit pouvoir être comparée de manière significative. L’annexe I de la directive 2004/35/CE mentionne ainsi les « dommages significatifs ».
En outre, la rédaction de l'article pose un deuxième problème car elle prévoit que le dommage soit à la fois grave et durable, ce qui revient à exclure des atteintes graves dont la durée pourrait être relativement courte ou difficile à caractériser dans le temps : il est des dommages graves, qui ne s’étendent pas dans le temps, en tout cas pas 7 ans. Réciproquement des dommages naturellement réversibles (et donc non graves) mais qui empêchent le milieu naturel de se reconstituer rapidement (donc durable). On peut citer l’effarouchement des animaux sauvages ou migrateurs par une activité humaine (via des activités non autorisées dans des parcs nationaux par exemple) .
Ainsi, ce nouveau délit général de pollution sera dans les faits très difficile, voire impossible à faire appliquer.
Il s'agit donc, dans l'amendement, de retenir, à égalité ou en illustration de « grave », l’adjectif « significatif ».
La modification proposée vise aussi en cohérence, à supprimer les alinéas de l’article 68 établissant la définition de la durabilité des atteintes, car, encore une fois imposer une durée de 7 ans retire au texte son effet utile et serait contraire aux textes européens précités qui ne fixent pas de condition de durée.