Logo : Sénat français

Direction de la séance

Projet de loi

Développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 533 , 532 , 529)

N° 224

6 mai 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

C Avis du Gouvernement
G Demande de retrait
Retiré

Mme CARLOTTI, MM. TEMAL, KANNER, TODESCHINI et ROGER, Mmes CONWAY-MOURET et Gisèle JOURDA, MM. Mickaël VALLET, VALLINI, VAUGRENARD, ANTISTE, COZIC et Patrice JOLY, Mmes LEPAGE et MONIER, MM. STANZIONE, TISSOT

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE 2 BIS


Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Sauf concertation frauduleuse avec la personne au profit de laquelle les fonds ou les ressources économiques ont été mis à disposition ou utilisés, les organisations de solidarité internationale reconnues par le droit français y compris les organisations humanitaires impartiales dont l’objet est de porter assistance aux personnes vulnérables, ainsi que leur personnel, sont exclues du champ d’application de l’article L. 562-4 du code monétaire et financier. Elles sont dégagées de toute responsabilité et aucune poursuite pénale ne peut être engagée à leur encontre de ce chef par application des articles L. 562-5 et L. 574-3 du même code, des articles 421-2-2 et 421-5 du code pénal et de l’article 459 du code des douanes.

Les transactions et opérations interdites en application de l’article L. 562-5 du code monétaire et financier qui sont destinées à la conduite des activités des organisations de solidarité et des organisations humanitaires, de leurs employés et contractants, sont autorisées en l’absence de concertation frauduleuse telle que mentionnée au premier alinéa du présent paragraphe.

Objet

Cet amendement vise à modifier les articles susmentionnés du Code monétaire et financier, du Code pénal et du Code des douanes qui transposent la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. L’ordonnance n°2020-1342 du 4 novembre 2020 qui a procédé à cette transposition et qui renforce l’application des mesures de gel des avoirs et d’interdiction de mise à disposition a occulté son application aux organisations de solidarité internationale et fait potentiellement obstacle à la mise en œuvre de l’action humanitaire par ces organisations.

Dans les faits, seraient ainsi sanctionnées désormais la simple mise à disposition ou l’utilisation de fonds et ressources économiques au profit de certaines personnes, ce qui concernera les soins, et les vivres, y compris à l’étranger, sans que ne soit prévu le caractère intentionnel ou non de l’infraction supposée. En ne prévoyant aucune exemption humanitaire, cette ordonnance aurait pour effet de remettre en cause les conditions et principes d’intervention des organisations humanitaires et de solidarité internationale, de criminaliser les activités relevant de l’action humanitaire et de faire peser sur les organisations de solidarité présentes sur le terrain le risque de poursuites et de condamnation pénales. Cette ordonnance aurait déjà des répercussions sur la poursuite même des activités sur le terrain. Dans l’attente d’une mise en conformité avec les obligations découlant de cette ordonnance et d’une clarification du droit applicable, certains bailleurs de fonds chargé de procéder au criblage des bénéficiaires finaux, comme l’AFD, ont suspendu des contrats de financement, provoquant le blocage des opérations concernées par ces contrats.

Pourtant, tant les recommandations de la Commission européenne de son rapport du 24 juillet 2019 sur l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme pesant sur le marché intérieur et liés aux activités transfrontières que la recommandation n°8 de février 2021 du  Groupe d’Action Financière (GAFI), insistent sur la prise en compte des organismes à but non lucratif dans le cadre de l’édiction de mesures de lutte contre le financement du terrorisme, selon une approche fondée sur les risques et des mesures ciblées et proportionnées.

Par ailleurs, la directive 2017/541 du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme, pierre angulaire du cadre juridique de l’UE en la matière, exclut bien de son champ d’application les activités humanitaires.

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n°2018-717/718 du 6 juillet 2018 répondant à une QPC relative au principe de fraternité, souligne que tout obstacle à ce principe enfreint la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans aucune autre considération que le but poursuivi et la vulnérabilité de la personne concernée.

Par conséquent, le Groupe socialiste, écologiste et républicain, par cet amendement, défend aux côtés des organisations internationales de solidarité, l’exemption au motif de l’action humanitaire des dispositions qui viennent d’être intégrées en droit français par l’ordonnance relative au gel des avoirs.