Direction de la séance |
Proposition de loi Sécurité globale (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 410 , 409 , 393) |
N° 130 rect. 11 mars 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. GONTARD, Mme BENBASSA, MM. BENARROCHE, DANTEC, DOSSUS, FERNIQUE et LABBÉ, Mme de MARCO, M. PARIGI, Mme PONCET MONGE, M. SALMON et Mme TAILLÉ-POLIAN ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 22 |
Après l'article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Est instauré un moratoire interdisant aux autorités publiques de déployer tout traitement automatisé de recueil de l’image d’une personne par le moyen de la vidéoprotection à des fins d’exploitation biométrique, dans l’espace public, sans le consentement des personnes concernées.
Ce moratoire s’applique pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Objet
Le présent amendement est directement inspiré des travaux de notre collègue députée Paula Forteza et des écologistes de l’Assemblée nationale. Il vise à instaurer un moratoire interdisant l’usage de la reconnaissance faciale pour identifier les individus sans le consentement préalable et éclairé des intéressés, et ce jusqu’à ce que des garanties suffisantes soient établies en termes de sécurité et de libertés fondamentales. C’est le choix de plusieurs villes américaines, telles que Portland ou San Francisco.
Les données faciales sont des données biométriques sensibles et constituent des informations irrévocables – à l’inverse de nos mots de passe ou adresses mails – et sont, par définition, uniques et inchangeables en cas de vol ou de compromission. Une protection accrue sur ces données doit être mise en place, notamment quant aux personnes ayant un possible accès à ces données. Cela soulève donc des enjeux cruciaux en matière de libertés publiques, d’éthique et de consentement.
Des interrogations, doutes et peurs découlent en partie de la non-maîtrise de cette technologie et de certains usages débridés par des entités privées et publiques. D’une part, la reconnaissance faciale n’est pas à ce jour une technologie totalement mûre et possède encore de nombreux défauts techniques. Il existe notamment des biais lorsqu’il s’agit des minorités ethniques, des femmes et des jeunes. D’autre part, cette technologie peut engendrer des dérives mettant en danger nos libertés et notre démocratie, comme le démontre les cas de répression des manifestations à Hongkong ou la surveillance de la minorité ouïghoure par la Chine. Le déploiement d’un système général de reconnaissance faciale peut mettre fin à toute possibilité d’anonymat, allant à l’encontre de notre conception de la liberté de circulation et d’expression.
Ce moratoire permettra de laisser le temps nécessaire pour mener à bien le débat sur la reconnaissance faciale. La CNIL, le Gouvernement ainsi que le contrôleur européen de la protection des données appellent à un débat à la hauteur des enjeux. Il pourrait être envisagé d’organiser une « Convention citoyenne sur la place des nouvelles technologies dans notre société », à l’image de celle organisée sur le climat. Un tel moment démocratique permettrait de mieux cerner les attentes de l’ensemble de la société civile en matière de numérique, de co-construire un cadre normatif approprié et de mener une analyse d’impact rigoureuse sur la reconnaissance faciale.