Direction de la séance |
Projet de loi de finances rectificative pour 2020 (1ère lecture) (n° 624 , 634 ) |
N° 89 rect. 14 juillet 2020 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||||||
Mme SCHOELLER, MM. RAYNAL, KANNER, ÉBLÉ, BOTREL et CARCENAC, Mme ESPAGNAC, MM. FÉRAUD, Patrice JOLY, LALANDE et LUREL, Mme TAILLÉ-POLIAN, MM. ANTISTE, BÉRIT-DÉBAT et Joël BIGOT, Mmes BLONDIN, BONNEFOY, CABARET et CONCONNE, MM. DURAN, DURAIN et FICHET, Mme Martine FILLEUL, MM. GILLÉ, HOULLEGATTE et JACQUIN, Mme Gisèle JOURDA, M. KERROUCHE, Mmes LEPAGE, LUBIN, MEUNIER, MONIER, PRÉVILLE et Sylvie ROBERT, M. SUEUR, Mme TOCQUEVILLE et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain Article 9 (État B (Article 9 du projet de loi)) |
Mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire
I. – Créer le programme :
Nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation
II. – En conséquence, modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(en euros)
Mission/Programme | Autorisations d’engagement | Crédits de paiement | ||
| + | - | + | - |
Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire |
| 120 000 000 |
| 120 000 000 |
Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
|
|
|
|
Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire |
|
| ||
Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire |
|
|
|
|
Nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation | 120 000 000 |
| 120 000 000 |
|
TOTAL | 120 000 000 | 120 000 000 | 120 000 000 | 120 000 000 |
SOLDE | 0 | 0 |
Objet
Cet amendement vise à ouvrir 120 millions d’euros de crédits afin de permettre à l’État de nationaliser les sociétés Luxfer Gas Cylinders S.A.S., Famar France et Péters Surgical.
Au début de l’épidémie de covid-19, le matériel sanitaire manquait cruellement. Seule réponse à la pénurie de masques de protection et de tests de dépistage : un rationnement de leur utilisation. Le Gouvernement passait des commandes de matériel médical à l’autre bout du monde, et ce dernier tardait à arriver.
Parfois les collectivités territoriales les plus touchées par le virus ont du se substituer à l’Etat en commandant elles-mêmes le matériel dont elles avaient besoin, et devaient faire face à des réquisitions de l’Etat lors des livraisons. Cette situation était insupportable.
Les services de réanimation dans les hôpitaux étaient saturés, le personnel épuisé. A cela s’ajoute la pénurie de matériel qui obligeait les soignants à l’économiser, le réutiliser, mettant ainsi en danger leur santé et celle des patients.
En effet, après la pénurie de masques, de tests de dépistage, de médicaments il y a quelques mois, nous ne pouvons que constater que la France est totalement dépendante et extrêmement fragilisée sur le plan sanitaire, ce qui représente un véritable danger pour la santé de nos concitoyens.
La situation actuelle liée à l’épidémie du Covid-19 impose de prendre des décisions de bon sens économique, notre pays doit conserver, si ce n’est récupérer une souveraineté sanitaire. Notre dépendance vis-à-vis de l’Asie est devenue insupportable et préjudiciable. La crise sanitaire actuelle en atteste.
La France, 6e puissance économique mondiale, est incapable de produire sur son territoire des masques, des combinaisons de protection, des tests biologiques, du gel hydroalcoolique et des respirateurs. Cette situation est le résultat de trente années de politique industrielle qui ont consacré la délocalisation et la réduction des coûts de production.
Pourtant, des entreprises sur le territoire français ont encore un savoir-faire industriel et pourraient contribuer à inverser la tendance. Trois entreprises en particulier ont besoin de l’intervention de la puissance publique pour continuer à produire.
L’entreprise de Luxfer à Gerzat était jusqu’en 2019 la seule en Europe à fabriquer des bouteilles d’oxygène à usage médical. Aujourd’hui nous ne connaissons pas l’état des stocks en France, ces bouteilles seront certainement utiles dans les jours et mois qui viennent. Pourquoi risquer une pénurie prochaine alors que la solution est à portée de main ?
La situation tendue des marchés de la santé et de la protection, sur fond de concurrence féroce des pays à faible coût de main d’œuvre, s’est traduite par une baisse des volumes de production. Cette situation a amené la maison-mère de Luxfer à réorganiser ses sites de production et à mettre fin à la production sur le site de Gerzat.
Aujourd’hui cette PME est à l’arrêt et ses 136 salariés au chômage. Cependant, les machines et le savoir-faire humain demeurent présents, de même que la volonté, pour une partie des salariés, de reprendre leur activité. Ceux-ci ont d’ailleurs travaillé à un plan permettant de relancer la production en seulement neuf semaines.
Cet enjeu existe également pour la société Famar, entreprise spécialisée dans la production pharmaceutique et notamment de la Nivaquine, un antipaludique à base de Chloroquine, une des molécules dont l’utilisation est envisagée et déjà utilisée par certains médecins pour le traitement du covid-19, notamment en phase initiale de la maladie.
La société, basée près de Lyon, est actuellement en redressement judiciaire. Il est essentiel de veiller à ce que, eu égard aux enjeux, celle-ci ne soit pas liquidée ou reprise par un fonds vautour qui spéculerait sur le prix de vente de cette molécule ou par un repreneur qui chercherait à en délocaliser la production.
Enfin, l’entreprise Péters Surgical à Bobigny, conceptrice, fabricante et distributrice de dispositifs médicaux (sondes, sutures chirurgicales, renfort de parois, colles chirurgicales et instruments coelioscopiques), leader européen du dispositif médical à usage unique pour le chirurgien, tourne à plein régime depuis le début de la crise pour fournir les hôpitaux en sondes de « Montin » destinées aux services de réanimation. En conséquence, la production a du être organisée sept jours sur sept pour répondre à la demande urgente. En quelques jours, l'usine est passée de 7.000 unités quotidiennes à près de 45.000 en moyenne.
Pourtant un plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant 60 licenciements sur les 134 salariés avait été annoncé le 4 septembre dernier, à la demande de son actionnaire, la société d'investissement Eurazeo, l’entreprise devait fermer fin juin.
Ces trois entreprises sont indéniablement des secteurs stratégiques, et encore plus particulièrement dans cette période de crise sanitaire.
Ainsi le présent amendement propose la nationalisation des trois entreprises précitées. Seule manière pour l’État de disposer d’un contrôle effectif de ces actifs stratégiques et de leurs productions afin d’assurer son indépendance sanitaire.
Pour assurer la recevabilité financière de cet amendement, il est nécessaire de le gager. Il est à cet égard important de préciser que les auteurs du présent amendement ne souhaitent absolument pas réduire les moyens consacrés à la prise en charge du dispositif de chômage partiel dans le cadre de la crise sanitaire. Ce sont les règles de recevabilité des amendements de crédits qui contraignent à gager cet amendement, en l’occurrence sur les crédits du programme n° 356.
Plus précisément, cet amendement annule 120 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sur l'action 01 "Favoriser le recours à l’activité partielle pour prévenir les licenciements " du programme n° 356 "Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire" ;
Il ouvre en contrepartie 120 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sur l'action 01 "Nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation" du nouveau programme "Nationalisation des sociétés particulièrement nécessaires à l’indépendance sanitaire de la Nation".
Cet amendement met en œuvre l’une des 45 propositions du plan de rebond économique, social et environnemental présenté par le Parti Socialiste et ses deux groupes parlementaires le 9 juin dernier. Ce plan est accessible ici :