Direction de la séance |
Projet de loi Justice du XXIème siècle (Nouvelle lecture) (n° 840 , 839 ) |
N° 11 rect. 26 septembre 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme JOUANNO et M. CADIC ARTICLE 18 QUATER |
Alinéas 5 à 13
Remplacer ces alinéas par vingt-et-un alinéas ainsi rédigés :
« Art. 61-5 – Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.
« Les principaux de ces faits sont :
« 1° Qu’elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;
« 2° Qu’elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ;
« Art. 61-6 – La demande de modification de la mention du sexe et, le cas échéant, de modification corrélative du ou des prénoms, est adressée par écrit au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel réside le demandeur à son domicile, ou dans celui de son lieu de naissance.
« À peine d’irrecevabilité, le demandeur produit au greffier les éléments permettant de constater qu’il remplit les conditions fixées à l’article 61-5, à savoir :
« 1° Une déclaration sur l’honneur du demandeur, précisant :
« a) que la mention du sexe revendiqué est celle qui correspond le mieux à son identité ;
« b) qu’il assume cette identité et qu’il est de son intention de continuer à l’assumer ;
« c) qu’il comprend le sérieux de sa démarche ;
« d) que sa démarche est volontaire et que son consentement est libre et éclairé ;
« e) qu’à sa connaissance, les renseignements fournis dans sa demande sont exacts et complets.
« 2° Les attestations de trois personnes capables, sans lien de descendance avec l’intéressé, affirmant que la démarche du demandeur est volontaire, que le consentement de celui-ci est libre et éclairé, et que son identité sexuelle ne correspond pas au sexe mentionné sur son état civil ;
« 3° Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande ;
« 4° Après production desdites pièces, le greffier enregistre la déclaration et fait procéder aux formalités de publicité. Le greffier vise et date l’original du formulaire de demande et des déclarations écrites des témoins et les restitue au demandeur ;
« 5° Le greffier qui a reçu et enregistré la déclaration avise, sans délai, l’officier d’état civil détenant l’acte de naissance du demandeur afin qu’il soit procédé aux formalités de publicité dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 49 ;
« 6° À l’étranger, l’enregistrement de la demande de modification de la mention du sexe à l’état civil ainsi que, le cas échéant, de modification corrélative du ou des prénoms et les formalités prévues au deuxième alinéa sont assurés par les agents diplomatiques et consulaires français.
« Art. 61-7. – Il est fait mention en marge de l’acte de naissance des décisions de modification de sexe et, le cas échéant, du ou des prénoms de l’intéressé.
« Par dérogation à l’article 61-4, les modifications de prénoms corrélatives à une modification de la mention du sexe ne sont portées en marge des actes de l’état civil des conjoints et des enfants qu’avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.
« Les articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de la mention du sexe.
« Art. 61-8. – La modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil est sans effet sur les obligations contractées à l’égard de tiers ni sur les filiations établies avant cette modification. »
Objet
Cet amendement vise à permettre la modification de la mention du sexe à l’état civil selon une procédure déclarative et fondée sur l’auto-détermination telle que défendu par la Cour européenne des droits de l’Homme dans les arrêts Van Kuck c. Allemagne, 2003 et Y.Y. c. Turquie, 2015.
En l’absence de loi, la procédure actuelle est basée sur la jurisprudence de la cour de Cassation (arrêts des 11 décembre 1992, 7 juin 2012 et 13 février 2013), qui demande d’établir « la réalité du syndrome transsexuel […] ainsi que le caractère irréversible de la transformation de son apparence ».
Cette jurisprudence est source d’inégalités territoriales, chaque juridiction l’interprétant à sa guise, et ne respecte pas les droits humains fondamentaux des personnes transidentitaires ; ni les résolutions 1728 et 2048 de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Souvent interprétée comme une exigence de stérilisation par les tribunaux de grande instance, elle est inaccessible pour de nombreuses personnes, les exposant de nombreuses discriminations et entraves en matière d'accès à l'emploi, au logement, aux soins, aux services bancaires, et parfois même au droit de vote. De même la durée de la procédure, son coût, les humiliations qu’elle entraine parfois contraignent les plus fragiles à y renoncer.
Cet amendement vise donc à permettre un changement d’état civil basé sur une procédure déclarative, conformément à la recommandation du défenseur des droits du 24 juin 2016 et fondée sur l’autodétermination de la personne, conformément à la résolution 2048 du Conseil de l’Europe. La procédure s’inspire de celle de conclusion du pacte civil de solidarité, qui a fait ses preuves, et qui concerne aussi une mention portée en marge de l’acte de naissance, avec une demande accompagnée de la déclaration de trois témoins, comme pour les actes de notoriété, attestant du sexe dans lequel se définit le demandeur, adressée au greffe du tribunal d’instance qui en assure la publicité. Ce dispositif permettra un changement d’état civil avec des conditions identiques sur tout le territoire, rapide et accessible à tous pour protéger la vie privée des personnes et leur éviter des discriminations.