Direction de la séance |
Projet de loi Lutte contre le crime organisé et le terrorisme (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 492 , 491 , 474, 476) |
N° 137 rect. bis 29 mars 2016 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes LIENEMANN et BONNEFOY et MM. LECONTE, DURAN et LABAZÉE ARTICLE 20 |
Alinéa 10, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur la base d'informations précises, recoupées, étayées et sourcées
Objet
Les mesures d'assignation à résidence et de perquisitions administratives effectuées pendant l'état d'urgence depuis le mois de novembre 2015 ont mis en évidence, lors de leurs contestations devant les tribunaux administratifs, l'utilisation des informations tirées du renseignement et notamment le rôle prédominant des « notes blanches » dans la prise de décision de mesures administratives de coercition.
L'article 20 du projet de loi de lutte contre le terrorisme et le crime organisé est certainement celui qui est le plus emblématique de l'inscription de mesures de l'état d'urgence dans la loi ordinaire, en ce sens qu'il met en place un régime transitoire entre une surveillance discrète effectuée par les services de renseignement et une mise en examen. Aussi la décision de placer une personne revenant d'un théâtre de guerre comme la Syrie ou l'Irak sous ce nouveau régime de surveillance administrative renforcée, avec assignation à résidence, interdiction de communication avec certaines personnes ou obligation de fournir ses identifiants de communication sera également prise après utilisation des informations tirées de « notes blanches ».
Ces notes blanches ont fait l'objet, il y a plusieurs années, d'une controverse importante liée à leur absence de traçabilité, de signature, d'éléments de preuve et d'objectivité. Elles ont été contestées plusieurs fois et plusieurs fois annoncées comme n'existant plus par des ministres en exercice (Dominique de Villepin en 2004, Brice Hortefeux et Michèle Alliot-Marie en 2007), comme le rappelle une question écrite déposée en janvier 2016 par la députée Isabelle Attard, à laquelle le ministère de l'Intérieur n'a toujours pas répondu.
Plusieurs annulations d'assignations à résidence décidées pendant l'état d'urgence ont été faites sur le fondement que ces notes blanches n'étaient pas suffisamment étayées et précises. Plusieurs autres décision d'assignation à résidence ont été discrètement levées par le ministère de l'Intérieur quelques jours avant des audiences de contestation, probablement après une prise de conscience de la faiblesse d'argumentation de ces « notes blanches ».
Peut-on alors envisager d'installer dans la loi ordinaire des mesures de coercition et de surveillance administrative basées sur le fondement d'éléments non étayés et plusieurs fois annoncés comme étant attentatoires aux droits ? Ainsi, Dominique de Villepin indiquait devant le Sénat, le 4 juin 2004 : « Il n'est pas acceptable en effet dans notre République que des notes puissent faire foi alors qu'elles ne portent pas de mention d'origine et que leur fiabilité ne fait l'objet d'aucune évaluation. »
Une extension des capacités de restriction des libertés sous décision administrative, qui repousse avec une ampleur inédite les limites de la prévention extra-judiciaire du risque terroriste, ne devrait être faite qu'avec des garanties sérieuses que les éléments justifiants ces mesures soient objectifs, argumentés et incontestables. C'est pourquoi, il paraît impératif que les méthodes des services de renseignements soient suffisamment contrôlées pour permettre des décisions juridiquement incontestables. Les personnes qui seront visées par cet article ne peuvent ? malgré leur dangerosité suspectée mais non suffisamment étayée pour permettre l'ouverture d'une procédure judiciaire ? être placées dans cet entre-deux juridique entre surveillance et judiciarisation, qui pourrait occasionner par ailleurs des contestations judiciaires (potentiellement recevables) de leur opportunité et de leur insuffisante protection des droits fondamentaux.